Jurisprudence : CA Lyon, 01-02-2024, n° 22/07156, Infirmation

CA Lyon, 01-02-2024, n° 22/07156, Infirmation

A55382KC

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N° RG 22/07156 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OSRN


Décision du

Tribunal Judiciaire de SAINT ETIENNE

1ère ch civ

du 19 septembre 2022


RG : 20/01160

ch n°


[H]


C/


[G]

LA PROCUREURE GENERALE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


2ème Chambre B


ARRET DU 01 Février 2024



APPELANTE :


Mme [Aa] [Ab] épouse [M]

née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 11]

[Adresse 15]

[Localité 6]


Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assistée par Me Philippe KERZERHO avocat au barreau de VANNES


INTIMEES :


Mme [Ac] [Ad] épouse [C]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9]

[Adresse 13]

[Localité 4]


Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

Assistée par Me Hélène SARAFIAN, avocat au barreau SAINT-ETIENNE


Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 8]


représentée par Mme Ae A, substitut général


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 14 Novembre 2023


Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 14 Décembre 2023


Date de mise à disposition : 01 Février 2024



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, président

- Carole BATAILLARD, conseiller

- Françoise BARRIER, conseiller


assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Mme [Ac] [Ad] épouse [C], née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9], est la fille biologique d'[R] [G], né le [Date naissance 5] 1942 à [Localité 17], époux en secondes noces suivant mariage du 4 juillet 1998 de Mme [Aa] [Ab], née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 11].


Par jugement du 6 avril 2010, le tribunal de grande instance de Caen a prononcé l'adoption simple par Mme [Aa] [H] de Mme [T] [G].


[R] [G] est décédé le [Date décès 7] 2018.


Par ordonnance du 19 décembre 2019, le juge des tutelles du tribunal de Caen a ouvert la tutelle de Mme [Ab] et désigné son frère, M. [Af] [H], en qualité de tuteur.

Cette décision a été partiellement confirmée par arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Caen, qui a désigné M. [Af] [H] en qualité de tuteur à la personne de Mme [Ab] et un mandataire judiciaire à la protection judiciaire des majeurs, en qualité de tuteur aux biens.



Par acte du 5 mars 2020, M. [Af] [H], ès qualités de tuteur de Mme [V] [H], a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins d'obtenir la révocation de l'adoption de Mme [T] [G].


Par jugement rendu le 20 mai 2021, le juge des tutelles du tribunal de Lorient a prononcé la mainlevée de la mesure de tutelle deAbMme [H].



Par jugement contradictoire du 19 septembre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a débouté Mme [Aa] [H] de sa demande de révocation d'adoption et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 2 500 euros et aux entiers dépens.


Par déclaration reçue au greffe le 26 octobre 2022, Mme [Ab] a relevé appel de cette décision, portant sur l'ensemble des chefs de jugement, expressément critiqués.


Aux termes de conclusions notifiées le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l'appelante demande à la cour, au visa de l'article 370 du code civil🏛, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 19 septembre 2022 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de révocation de l'adoption simple de Mme [C] [Ac] née [G] prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Caen le 6 avril 2010,

En conséquence :

- prononcer la révocation de l'adoption simple de Mme [C] [Ac] née [G] le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9] (14) par Mme [H] [V] veuve [Ad] née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 11], prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Caen le 6 avril 2010,

- ordonner la transcription de l'arrêt d'appel sur les registres de l'état civil de la mairie de [Localité 9] (14),

- débouter Mme [C] [T] de toutes ses demandes,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 19 septembre 2022 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation à paiement de frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,

En conséquence :

- condamner Mme [C] [T] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens.


Aux termes de conclusions notifiées le 13 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Étienne en date du 19 septembre 2022,

- débouter Mme [H] [V] veuve [Ad] de son appel ainsi que de l'intégralité de ses demandes comme infondées,

Y ajoutant,

- condamner Mme [H] [V] veuve [G] à lui régler la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont recouvrement direct au profit de Me Rose, avocat, sur son affirmation de droit.


La clôture de la procédure a été prononcée le 14 novembre 2023.


Selon observations du 11 décembre 2023, Mme la Procureure générale près la présente cour rappelle qu'en énonçant, aux termes de l'article 370 du code civil, que l'adoption peut être révoquée s'il est justifié de motifs graves, le législateur exige que la révocation demeure exceptionnelle en raison d'une poursuite impossible du lien de filiation.

Elle s'interroge sur la réalité des liens affectifs réciproques unissant les parties à la date de l'adoption et postérieurement, au regard d'une situation conjugale particulièrement dégradée, alors que les deux femmes n'ont jamais vécu ensemble, et indique qu'il appartient à la cour d'apprécier si l'isolement total de l'adoptante, l'absence de lien affectif avec l'adoptée, l'absence de contact de celle-ci avec Mme [H] entre le décès de son père au mois de mai 2018 et le mois de janvier 2019, et son absence de démarche pour s'assurer des conditions de vie de cette dernière constituent des motifs graves rendant impossible la poursuite du lien de filiation.



SUR CE


Selon l'article 370 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 5 octobre 2022 applicable au litige, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant.


En premier lieu, le tribunal a écarté les considérations de la demanderesse sur le comportement prêté à M. [Ad] qu'il a estimé inopérantes, tout comme celles développées pour décrire l'emprise dans laquelle se trouvait l'adoptante à l'égard de son mari pour consentir à l'adoption, au motif que le consentement de l'adoptant, indissociable du jugement d'adoption, ne pouvait être remis en cause que par l'exercice des voies de recours à l'encontre de ce jugement et non par le biais d'une action en révocation, de sorte que seuls les événements survenus postérieurement au 6 avril 2010 devaient être pris en considération.


L'appelante considère que le tribunal ne pouvait pas ne pas tenir compte du contexte frauduleux de l'adoption auquel le ministère public avait d'ailleurs souscrit, et elle maintient en appel que l'adoption a été obtenue dans des circonstances particulières, à savoir, qu'à aucun moment, elle n'a été en mesure de connaître cette adoption, qu'[T] [G], qui n'avait aucune relation avec elle, n'a jamais manifesté son statut de fille adoptive, et que ce ne sont que des considérations successorales ou fiscales qui sont le ressort principal de la démarche adoptive, n'ayant pas d'enfant et disposant d'un patrimoine conséquent constitué de biens immobiliers et d'oeuvres d'art.

Elle précise que, durant sa vie conjugale avec [R] [G], elle a vécu sous l'emprise totale de celui-ci et qu'il était aisé pour son mari d'obtenir les éléments permettant la constitution d'un dossier d'adoption, en soulignant que les attestations pré remplies ont été signées à leur domicile hors la présence de l'avocat, qu'elle n'a eu connaissance ni de leur objet ni de leur portée et qu'elle n'est d'ailleurs pas l'auteur des signatures apposées sur ces attestations.

Elle ajoute que la signature apposée sur l'avis de réception de la lettre recommandée de notification du jugement d'adoption n'est pas la sienne et maintient qu'il est faux de soutenir que l'adoption avait pour effet de consacrer un lien de filiation déjà admis dans le contrat de mariage du 29 septembre 2009.


Cependant, ainsi que l'a rappelé à bon droit le tribunal, il appartient à Mme [Ab] qui sollicite la révocation de l'adoption de rapporter la preuve de motifs graves, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption, et rendant la poursuite du lien de filiation impossible.

Les circonstances dans lesquelles l'adoption remise en cause a été consentie, et sur lesquelles se fonde pour partie l'appelante, ne peuvent donc constituer les motifs graves exigés par la loi.


Mme [H] argue ensuite de motifs graves tenant aux conditions de vie conjugale, faisant état d'une descente aux enfers avec en toile de fond la captation de sa fortune.

Elle rappelle que, lorsqu'elle a fait connaissance d'[R] [G], elle exploitait une galerie d'art à [Localité 14] et possédait, en plus des oeuvres d'art, une dizaine de studios dont elle a vendu une partie pour acquérir une deuxième galerie d'art à [Localité 14], alors qu'[R] [G] se trouvait au chômage, qu'il était aux abois à la suite d'affaires ayant mal tourné et que sa fille, [T], avait été confiée à ses parents depuis son divorce, à l'âge de 13 ans, en raison de son refus de s'en occuper.

Elle affirme qu'[R] [G] l'a spoliée en bonne et due forme en lui faisant signer un contrat de mariage de communauté universelle qui était parfaitement inadapté à la situation du couple.

Elle indique avoir initié une procédure de divorce en 2007, après avoir quitté le domicile conjugal, et s'être réfugiée chez ses parents, puis être retournée auprès de son mari en novembre 2007, où elle a ensuite vécu un véritable cauchemar, sur fond de séquestration, soumission chimique et tyrannie conjugale.

Elle prétend que la description de ce contexte conjugal permet d'illustrer une distorsion familiale post-adoption irrémédiable, incompatible avec le maintien de celle-ci, ne permettant pas d'apporter à l'adoptée un cadre relationnel et affectif, ni à l'adoptante d'obtenir un investissement de l'adoptée dans une relation filiale qui n'avait plus de sens.


Mme [C] conteste ces allégations et affirme que son père et Mme [H] s'aimaient passionnément et formaient un couple fusionnel qui travaillait ensemble en permanence, qu'elle les voyait régulièrement à [Localité 14] entre 1987 et 1993, où elle a fait des études et travaillé, qu'elle est ensuite allée leur rendre régulièrement visite avec son mari, lorsqu'ils se sont installés dans le moulin Duny en Normandie, précisant que Mme [H] a accepté d'être la marraine de leur fils, et que, si leurs rencontres sont devenues moins fréquentes lorsqu'ils se sont installés à [Localité 16], c'est parce que le couple, qui avait définitivement quitté [Localité 14], est devenu dépressif et s'est isolé dans la campagne normande.

Elle soutient que son père n'a jamais contraint son épouse à faire ce qu'elle ne souhaitait pas et que cette dernière, en pleine possession de ses moyens, était une femme indépendante et libre.


Pour établir la preuve du climat de violences psychologiques dont elle prétend avoir été victime de la part de son mari, l'appelante verse aux débats plusieurs attestations de M. [Ag] [Ah] qui était l'employé de maison du couple [Ad], à compter de l'année 2002, et qui témoigne, les 20 octobre et 11 novembre 2019, que Mme [Ab] a quitté la maison au mois de décembre 2006 car le couple ne s'entendait plus et qu'elle est revenue y vivre à la fin de l'année 2007, la situation se dégradant alors très vite puisque le couple faisait chambre à part et qu'il y avait beaucoup de tensions et de disputes, Mme [Ab] ne sortant plus de sa chambre et ne voyant plus personne.

Le témoin considère que Mme [Ab] était une femme séquestrée et sous l'influence de son mari, et qu'en outre, elle ne s'entendait pas avec [T], la fille dAd M. [G].

Ce témoignage, insuffisamment circonstancié, ne permet pas à la cour de vérifier que ce climat conflictuel, révélant une mésentente profonde des époux, a perduré après l'adoption d'[T] et qu'il a pu avoir des conséquences sur le lien de filiation établi entre l'adoptée et Mme [H].


L'appelante produit également plusieurs courriers écrits par ses parents en octobre 2009, mai 2012 et juin 2012, destinés au docteur [O], qui décrivent la personnalité manipulatrice de M. [Ad] et qui attestent de la fragilité psychologique de leur fille mais également de sa déchéance physique, qu'ils ont pu constater au mois de mai 2012, ce qui ne les a pas pour autant conduits à alerter les autorités publiques de la situation de maltraitance et de danger qu'ils évoquent dans ces écrits, lesquels avaient pour uniquement pour finalité d'inciter le médecin traitant à faire hospitaliser leur fille, de sorte que les allégations qu'ils contiennent sont sujettes à caution.


Ce premier motif grave invoqué au soutien de la demande de révocation de l'adoption n'est donc pas suffisamment caractérisé.


En second lieu, l'appelante argue de motifs graves tenant aux conditions de vie filiale, faisant état de l'attitude vexatoire, blessante, méprisante voire offensante de l'adoptée, de l'absence de relations suivies et affectueuses entre elles mais également de l'absence de démarche entreprise par Mme [C] pour lui porter assistance du vivant de M. [Ad], alors qu'elle avait une parfaite connaissance de sa souffrance physique et psychologique.

Elle soutient que sa belle-fille lui a constamment manifesté une totale indifférence.


Mme [C] prétend que les nombreuses pièces qu'elle verse aux débats corroborent la réalité de ses relations avec sa mère adoptive et affirme que les liens d'affection résultant de trente années de moments passés ensemble existaient réellement entre Mme [H] et sa famille, dont ses enfants.

Elle précise avoir même prêté de l'argent à ses parents, avec lesquels elle échangeait régulièrement par internet, et indique que, si elle les rencontrait moins, c'est en raison de la distance séparant leurs domiciles.


Ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal, l'attitude vexatoire, blessante, méprisante et offensante prêtée à l'adoptée envers l'adoptante n'est pas démontrée, les propos rapportés par M. [Ah], dans son attestation du 11 novembre 2019, n'étant pas circonstanciés, ce qui ne permet pas de savoir à quelle période ils auraient été tenus, et les courriers écrits par Mme [Ab] à Mme [C] n'étant pas de nature à rapporter la preuve de cette attitude.

Le recours formé par Mme [C] contre le jugement de tutelles rendu le 19 décembre 2019 ne peut davantage être considéré comme un comportement vexatoire ou offensant de l'adoptée comme l'affirme en vain l'appelante, les termes de la lettre recommandée adressée au greffe du juge des tutelles de [Localité 10] le 23 décembre 2019 ne comportant aucun propos désobligeant sur la personne de la majeure protégée.

Si M. [Ah] témoigne qu'il n'y avait aucune entente entre Mme [H] et la fille de son mari, et que celle-ci ne venait pas la voir lorsqu'elle rendait visite à son père, le premier juge a pu exactement retenir que cette absence de contact pouvait s'expliquer par la distance géographique existant entre leurs domiciles et par le fait que cette dernière vivait isolée et qu'elle ne quittait quasiment plus sa chambre depuis la fin des années 2000, ne voyant plus personne, et que, par ailleurs, il ne pouvait pas davantage être reproché à l'intimée de ne pas être intervenue auprès de sa mère adoptive du vivant de son père, .


Enfin, Mme [H] reproche à Mme [C] son absence de soins lors des obsèques d'[R] [G], alors qu'elle avait pu constater son état de détresse, et son absence d'intervention après le décès pour la secourir, alors qu'elle se trouvait dans un dénuement extrème, et elle lui fait également grief d'avoir décroché les tableaux se trouvant sur les murs de sa maison pour se les approprier.


L'intimée conteste avoir frauduleusement soustrait des tableaux appartenant à sa mère adoptive lors des obsèques de son père et affirme, qu'à la suite du décès de celui-ci, elle n'a pas osé imposer ses choix à Mme [Ab] et la couper de sa maison dans laquelle elle avait ses souvenirs et ses animaux, mais qu'elle a estimé nécessaire la mise en place d'une mesure de protection judiciaire et l'a d'ailleurs initiée, ayant tout mis en oeuvre pour l'accompagner.


Le caractère irrémédiable de l'altération du lien filial est notamment établi par une grave indifférence de l'adopté à l'égard de son parent adoptif.


Or il ressort des débats et des éléments du dossier, qu'à la suite du décès d'[R] [G], survenu le [Date décès 7] 2018, et notamment à l'occasion de ses obsèques, Mme [C] n'ignorait plus l'état de santé très dégradé de sa mère adoptive, laquelle vivait recluse dans le plus complet dénuement, sans aucune relation extérieure ni assistance, alors qu'elle n'était manifestement plus en mesure d'accomplir les taches nécessaires à son alimentation et son hygiène corporelle, son état de santé très dégradé ayant nécessité son hospitalisation le 2 septembre 2019.

Cette absence d'intervention et d'assistance pendant de nombreux mois, alors que dans un mail du 9 janvier 2009 Mme [C] indiquait que, depuis le décès de son père, sa "belle-mère" se retrouvait seule et dans le désarroi le plus total, se lavant et se nourrissant à peine, relève d'une méconnaissance délibérée des devoirs qu'implique la filiation adoptive et constitue un motif grave de révocation de l'adoption, dans la mesure où elle altère irrémédiablement le lien affectif existant entre Mme [Ab] et sa fille adoptive.

Le fait que l'intimée ait, comme l'a retenu le tribunal, entrepris des démarches à compter du mois de janvier 2019, après que le frère de l'intéressée fut intervenu auprès des services sociaux et eut sollicité une aide à domicile, ne saurait rattraper, comme l'ont estimé à tort les premiers juges, ce manquement au devoir filial.


Il convient en conséquence de prononcer la révocation de l'adoption simple de Mme [Ac] [C] née [G] par Mme [Aa] [Ab] veuve [G], prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Caen le 6 avril 2010, le jugement déféré méritant ainsi d'être infirmé en toutes ses dispositions.


Mme [C] qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par Mme [Ab] et non compris dans les dépens.

Elle sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,


Infirme le jugement rendu le 19 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en toutes ses dispositions frappées d'appel,


Prononce la révocation de l'adoption simple de Mme [Ac] [C] née [G], le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9], par Mme [Aa] [Ab] veuve [Ad], née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 12], prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Caen le 6 avril 2010,


Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres de l'état civil de la commune de [Localité 9],


Condamne Mme [T] [C] aux dépens de première instance et d'appel,


Condamner Mme [C] à payer à Mme [Ab] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier Le Président

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