Jurisprudence : CA Lyon, 11-01-2024, n° 20/04091, Infirmation


N° RG 20/04091 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NCJD


Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 17 juin 2020


RG : 2019j541


[F]


C/


S.A. RENAULT RETAIL GROUP


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


3ème chambre A


ARRET DU 11 Janvier 2024



APPELANT :


M. [B] [F]

né le … … … à [Localité 5] (38)

[Adresse 4]

[Localité 2]


Représenté par Me Laure MATRAY, avocat au barreau de LYON, toque : 1239 postulant et ayant pour avocat plaidant Me DEGACHE, avocat au barreau du PUY EN VELAY


INTIMEE :


S.A. RENAULT RETAIL GROUP

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Aude BOUDIER-GILLES de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 05 Octobre 2021


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Novembre 2023


Date de mise à disposition : 11 Janvier 2024


Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère


assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



EXPOSÉ DU LITIGE


Le 9 février 2018, la société Système D, par l'intermédiaire de son gérant M. [B] [F], a acheté auprès de la SA Renault Retail Group un véhicule Clio qui lui a été remis sans la carte grise.


Après avoir vainement mis en demeure la société Renault Retail Group, le 24 juillet 2019, de lui faire parvenir la carte grise du véhicule sous quinzaine, M. [F] l'a assignée le 18 mars 2019, devant le tribunal de commerce de Lyon, en paiement de dommages-intérêts.



Par jugement contradictoire du 17 juin 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté M. [F] dans sa demande de se voir attribuer la somme de 5.000 euros TTC à titre de dommages-intérêts,

- débouté M. [F] de sa demande d'indemnités de 3.000 euros TTC pour résistance abusive,

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.



M. [F] a interjeté appel par acte du 27 juillet 2020.


***


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 octobre 2020 fondées sur les articles 1103, 1112-1, 1194,1353, 1610, 1611 et 1615 du code civil🏛🏛🏛🏛🏛🏛🏛, M. [F] demande à la cour de :

- dire recevables et bien fondées son appel à l'encontre du jugement du 17 juin 2020,

infirmant ledit jugement,

- condamner la société Renault Retail Group à lui payer et porter la somme de 3.000,00 euros TTC à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Renault Retail Group à lui payer et porter la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la même à lui payer et porter la somme de 3.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Renault Retail Group aux entiers dépens.


***


La société Renault Retail Group a constitué avocat le 31 juillet 2020 mais n'a pas conclu.


La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 octobre 2021, les débats étant fixés au 8 novembre 2023.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.



MOTIFS DE LA DÉCISION


A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.


M. [F] fait valoir que :

- son préjudice consiste en la non-délivrance de la carte grise du véhicule, document indispensable à la conduite de celui-ci ; il rapporte la preuve de cette absence de délivrance qui a empêché la jouissance paisible de la chose achetée et qui constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance ;

- il est constant que la carte grise d'un véhicule constitue un accessoire indispensable de celui-ci et l'article 1615 du code civil prévoit que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires ;

- le vendeur, qui a invoqué la carence des services préfectoraux, a également manqué à son obligation de conseil et d'information précontractuelle, visée à l'article 1112-1 du code civil, en ne l'informant pas lors de la vente du véhicule, des risques d'inertie administratives ;

- le vendeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la carence des services de l'Etat ; il a commis une faute en renseignant une fausse adresse auprès de ces services ;

- s'agissant de son préjudice, il a reçu la carte grise postérieurement à la signification de l'assignation, de sorte qu'il sollicite une indemnité correspondant à la décote du véhicule qui a été immobilisé pendant plus d'un an, faute de carte grise ; il n'a pu utiliser le véhicule que pendant un mois et demi avec un certificat provisoire ; il a engagé pendant deux ans des frais notamment d'assurance pour un véhicule qu'il ne pouvait pas utiliser en toute tranquillité ; la société Renault a joué de son poids économique pour se moquer de lui pendant plus d'un an.


Sur ce,


Selon l'article 1615 du code civil, l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.


Il est de jurisprudence constante que la remise à l'acheteur des documents administratifs relatifs au véhicule vendu constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur.


Il résulte des pièces produites aux débats que M. [F] a commandé un véhicule Clio le 2 février 2018 auprès de la société Renault Retail Group, pour le prix total de 13.388,48 euros comprenant le coût du certificat d'immatriculation, document indispensable à l'usage du véhicule. La facture en date du 9 février suivant mentionne ces éléments.


Les échanges de courrier et e-mails entre M. [F] et le vendeur établissent que le certificat d'immatriculation n'a été établi que le 12 mars 2019, soit plus d'un an après l'acquisition du véhicule.


S'il apparaît que la carte grise a été envoyée dans un premier temps à l'adresse de la société de M. [F] à laquelle elle n'a pu être remise, cette difficulté ne justifie toutefois pas le délai excessif qui s'est écoulé entre l'acquisition et la prise de possession du certificat d'immatriculation par M. [F]. Le manquement du vendeur à son obligation de délivrance est ainsi caractérisé.


En revanche, aucun élément produit aux débats ne caractérise le manquement à l'obligation d'information allégué. Cette faute ne sera donc pas retenue.


Quant au préjudice de M. [F], l'absence de carte grise l'a privé de l'usage du véhicule pendant près d'une année, alors qu'il justifie avoir payé l'assurance de ce véhicule sur la période considérée. Au vu de ces éléments, son préjudice est évalué à la somme de 3.000 euros au paiement de laquelle sera condamnée la société Renault Retail Group.


S'agissant de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, la société Renault admettait, dans une lettre du 5 février 2019, 'l'inertie que ce dossier a subi', sans avoir proposé de solution à M. [F] qui s'est ainsi trouvé contraint d'assigner le vendeur, le certificat d'immatriculation ayant finalement été établi le 12 mars 2019 soit concomitamment à la délivrance de l'assignation. Au vu de ces éléments, la société Renault Retail Group sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.


Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


La société Renault Retail Group succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 3.000 euros.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant contradictoirement,


Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Condamne la société Renault Retail Group à payer à M. [F] la somme de trois mille euros (3.000 euros) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;


Condamne la société Renault Retail Group à payer à M. [F] la somme de mille euros (1.000 euros) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;


Condamne la société Renault Retail Group aux dépens de première instance et d'appel ;


Condamne la société Renault Retail Group à payer à M. [F] la somme de trois mille euros (3.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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