Jurisprudence : CA Orléans, 05-12-2023, n° 22/01281, Confirmation

CA Orléans, 05-12-2023, n° 22/01281, Confirmation

A652718A

Référence

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COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE


GROSSE à :

CPAM DE LA GIRONDE

Me Anne-Sophie DISPANS

EXPÉDITION à :

SOCIÉTÉ [5] - ETABLISSEMENT D'[Localité 3]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS


ARRÊT DU : 5 DECEMBRE 2023


Minute n°494/2023


N° RG 22/01281 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GSVB


Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 9 Mai 2022



ENTRE


APPELANTE :


CPAM DE LA GIRONDE

[Localité 2]


Représentée par Mme [X] [P], en vertu d'un pouvoir spécial


D'UNE PART,


ET


INTIMÉE :


SOCIÉTÉ [5] - ETABLISSEMENT D'[Localité 3]

[Adresse 6]

[Localité 3]


Représentée par Me Anne-Sophie DISPANS, avocat au barreau de PARIS


PARTIE AVISÉE :


MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Localité 4]


Non comparant, ni représenté


D'AUTRE PART,



COMPOSITION DE LA COUR


Lors des débats :


En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 10 OCTOBRE 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.


Lors du délibéré :


Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.


Greffier :


Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.


DÉBATS :


A l'audience publique le 10 OCTOBRE 2023.


ARRÊT :


- Contradictoire, en dernier ressort.


- Prononcé le 5 DECEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛.


- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


* * * * *


Le 17 novembre 2020, M. [C] a transmis une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, accompagnée du certificat médical initial du 4 juin 2020 faisant état des constatations suivantes : 'scapulalgie chronique droite depuis août 2019 - tendinopathie fissuraire sur enthésopathie calcifiante du supra épineux. Scapulalgies gauche depuis mars 2020 sur tendinopathie calcifiante du supra épineux. Infiltrations inefficaces'.


Par courrier du 15 mars 2021, la CPAM a notifié à la société [5] la prise en charge de la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite de M. [C] au titre de la législation relative aux risques professionnels et retenu comme date de première constatation médicale de la maladie professionnelle le 26 août 2019.


La société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'un recours contre cette décision.


Suivant décision du 31 août 2021, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [5].


Par courrier recommandé du 27 septembre 2021, celle-ci a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours d'un recours contre cette décision.



Par jugement du 9 mai 2022, ledit tribunal a :

- déclaré le recours formé par la société [5] recevable et fondé,

- déclaré inopposable à la société [5] la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie professionnelle du 26 août 2019 de M. [C],

- rejeté le surplus des prétentions des parties,

- condamné la CPAM de la Gironde aux entiers dépens.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a interjeté appel de ce jugement.


Par conclusions soutenues oralement à l'audience, elle invite la Cour à infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 9 mai 2022.


Par conclusions soutenues oralement à l'audience, la société [5] prie la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 9 mai 2022,

- constaté que l'instruction de la CPAM n'a pas été loyale, contradictoire et complète à l'égard de la société [5],

En conséquence,

- prononcer l'inopposabilité à l'égard de la société [5] de la maladie de M. [C] en date du 26 août 2019.


Pour l'exposé détaillé des parties et conformément à l'article 455 du Code de procédure civile🏛, il est expressément référé à leurs écritures susvisées.



SUR CE, LA COUR


La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé inopposable à l'employeur la décision de prise en charge du 15 mars 2021 de la maladie professionnelle 'rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite' de M. [C]. À l'appui, elle fait valoir que les conditions de prise en charge de la maladie sont réunies et qu'elle a bien respecté le contradictoire en mettant à disposition de l'employeur les documents nécessaires ; que la date de la première constatation médicale de la maladie est fixée par le médecin conseil et détermine le point de départ de l'indemnisation ; que les services de la caisse sont seulement tenus de verser au dossier consultable les éléments figurant au dossier qu'ils détiennent ; que les documents médicaux fixant la première constatation médicale sont couverts par le secret médical et à ce titre consultés par ce dernier et non par la caisse ; que le changement de numéro de dossier ne pouvait être ignoré par la société [5] ; que le nouveau numéro identifiait parfaitement le salarié ainsi que la pathologie en cause, alors que le 27 novembre 2020, la caisse avait bien transmis à l'employeur une déclaration de maladie professionnelle pour ce salarié ; que la société [5] est donc de mauvaise foi ; qu'il appartient au médecin conseil de déterminer dans quel cadre le dossier doit être instruit ; qu'il n'apparaît pas invraisemblable que le certificat médical initial mentionne une pathologie différente de celle prévue par le tableau dans la mesure où bien souvent, la pathologie figurant sur ce certificat est affinée par des examens complémentaires diligentés dans les suites de la procédure ; que c'est à la suite d'une I.R.M. du 29 mai 2020 que le médecin-conseil a conclu que la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite pouvait être instruite dans le cadre d'une maladie relevant du tableau 57A des maladies professionnelles ; que la durée d'exposition prévue par ce tableau est respectée ; que seul le certificat médical initial permet de vérifier le respect des conditions du tableau et d'informer l'employeur de la pathologie en cause ; que des cours d'appel jugent que les certificats médicaux de prolongation ne sont pas soumis à communication ; que la Cour de cassation juge de manière constante que la caisse n'a pas à transmettre ces certificats dans le cadre du contentieux existant quant à l'imputabilité de l'arrêt de travail.


La société [5] conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle expose qu'elle n'a pas été valablement informée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ; que la maladie déclarée le 17 novembre 2020 correspondait à une tendinopathie tandis que la caisse a finalement prise en charge une rupture de la coiffe des rotateurs ; qu'elle n'a pas été informée de cette modification ; que la communication de l'ensemble des certificats médicaux s'en trouvait d'autant plus justifiée.


Appréciation de la Cour


Par application des dispositions de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale🏛 sont réputées imputables au travail les maladies figurant au tableau des maladies professionnelles lorsque sont remplies les conditions visées par ces mêmes tableaux.


En ce qui concerne la désignation de la maladie, il convient de rappeler que s'il importe que les indications figurant sur le certificat médical correspondent au libellé de la maladie (Civ., 2ème 9 juillet 2015, n° 14-22.606⚖️ ; Civ., 2ème 13 février 2014, n° 13-11.413⚖️ ; Civ., 2ème 25 juin 2009, n° 08-15.155⚖️), en revanche, le juge ne saurait se déterminer par une analyse littérale du certificat médical initial en sorte qu'il lui appartient de rechercher si l'affection déclarée par l'intéressé correspondait à l'une des pathologies désignées par le tableau considéré (en ce sens, Civ., 2ème 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.862⚖️ ; Civ., 2ème 24 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.455⚖️ ; Civ., 2ème 9 mars 2017, pourvoi n° 16-10.017⚖️ ; Civ., 2ème 21 janvier 2016, pourvoi n°14-28.90).


L'article R. 441-14, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 applicable aux faits de l'espèce, dispose que :

'Le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend ;

1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire'.


En outre, la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision, peu important le sens de la décision de la caisse (Civ., 2ème 13 janvier 2011, pourvoi n° 10-11.914⚖️).


En l'espèce, il convient de relever que si la caisse fait valoir que le seul certificat médical initial permet de vérifier le respect des conditions du tableau et id'nformer l'employeur de la pathologie en cause, il ne s'en infère pas que seul ce certificat médical initial doive être communiqué à l'employeur, la lettre du texte susvisé indiquant que le dossier comprend les divers certificats médicaux détenus par la caisse.


La déclaration de maladie professionnelle datée du 17 novembre 2020 (pièce n° 1 de la caisse) mentionne une 'scapulalgie chronique droite et gauche. Tendinopathie fissuraire sur enthésopathie calcifiante supra épineux' ; le certificat médical initial daté du 4 juin 2020 (pièce n° 2) indique lui 'scapulalgie chronique droite depuis août 2019 - tendinopathie fissuraire sur enthésopathie calcifiante du supra épineux. Scapulalgie gauche depuis mars 2020 sur tendinopathie calcifiante du supra épineux. Infiltrations inefficaces'.


Or, le tableau n° 57 des maladies professionnelles vise les tendinopathies aiguës non rompues non calcifiantes avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs, les tendinopathies aiguës non rompues non calcifiantes avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivées par I.R.M.


Au vu de ce certificat médical initial, l'employeur était donc fondé à s'interroger sur la conformité de la maladie déclarée à celle prévue par le tableau n° 57.


Il l'était encore davantage que le 15 mars 2021 (pièce n° 4 de la caisse), celle-ci a finalement pris en charge une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, effectivement prévue par le tableau n° 57.


Si la CPAM fait justement valoir qu'il appartient au médecin-conseil de déterminer dans quel cadre le dossier doit être instruit et que la pathologie figurant sur le certificat médical peut être affinée par des examens complémentaires diligentés dans les suites de la procédure, l'employeur était parfaitement légitime à solliciter des informations sur les éléments qui avaient conduit la caisse à finalement prendre en charge une rupture de la coiffe des rotateurs qui n'était pas mentionnée dans le certificat médical initial. En outre, si c'est au vu d'une I.R.M. du 29 mai 2020 que le médecin-conseil a 'affiné' la nature de la pathologie à prendre en charge, cette précision était logiquement susceptible d'apparaître dans les certificats de prolongation. Il s'en infère que la discussion sur les documents médicaux fixant la première constatation médicale, remontant en l'espèce au 26 août 2019, couverts par le secret médical, est inopérante.


En outre, les jurisprudences de cour d'appel citées par la caisse correspondent à des faits qui ne sont pas assimilables aux faits de l'espèce et le présent litige ne concerne pas l'imputabilité des arrêts de travail.


L'absence de communication des certificats de prolongation n'a pas permis à l'employeur de vérifier les éléments médicaux de nature à l'éclairer sur la pathologie dont est réellement atteint son salarié avant que la caisse ne prenne sa décision, ce qui lui fait nécessairement grief, ceci d'autant plus que les délais de prise en charge des maladies prévues par le tableau n° 57 varient. Il n'a donc pas pu vérifier non plus quel délai de prise en charge, il fallait prendre en compte et si celui-ci avait été respecté.


Ainsi, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la caisse ne peut donc prétendre avoir fait une exacte application des textes en vigueur lors de la procédure d'instruction de la déclaration de maladie professionnelle de M. [C]. Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions.


Succombant en son appel, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde en supportera les dépens.


PAR CES MOTIFS:


Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,


Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 mai 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours ;


Et, y ajoutant,


Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aux dépens d'appel.


LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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