Jurisprudence : CA Nancy, 25-09-2023, n° 22/02049

CA Nancy, 25-09-2023, n° 22/02049

A8963174

Référence

CA Nancy, 25-09-2023, n° 22/02049. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102315638-ca-nancy-25092023-n-2202049
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile


ARRÊT N° /2023 DU 25 SEPTEMBRE 2023


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02049 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBHP


Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY

R.G.n° 21/00405, en date du 13 juillet 2022,



APPELANTE :

S.A. BETON VICAT, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant et par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS


INTIMÉ :

Monsieur [T] [W]

né le … … … à [Localité 5] (54)

domicilié [… …]

Représenté par Me Christophe GUITTON de la SELARL GUITTON GROSSET BLANDIN, avocat au barreau de NANCY



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Aa A ;


A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 25 Septembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSÉ DU LITIGE


Monsieur [W] a acquis auprès de la société par actions simplifiées (SAS) Béton Vicat pour un montant de 5389,61 euros du béton frais qui lui a été livré le 29 mars 2021. La SAS Béton Vicat, qui a émis 7 factures, s'est vue régler 124,57 euros par carte bancaire le 13 avril 2021 et a refusé le règlement par chèque du surplus, réclamant qu'il le soit par virement, un relevé d'identité bancaire devant lui être adressé par courriel.


Le 26 avril 2021, Monsieur [W] a déposé plainte pour escroquerie, expliquant avoir reçu un mail frauduleux le sollicitant pour payer le reste des sommes dues sur un compte qui n'était pas celui de son contractant, qui n'avait donc pas reçu le virement qu'il avait fait.


Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 mai 2021, la SAS Béton Vicat a mis en demeure Monsieur [W] de lui régler la somme de 5747,94 euros restée impayée, correspondant à l'ensemble des factures, outre des intérêts de retard et indemnité forfaitaire de frais de recouvrement.


Par un acte d'huissier en date du 16 septembre 2021, la SA Béton Vicat a fait assigner Monsieur [T] [W] à comparaître devant le tribunal judiciaire de Nancy à l'audience du 8 novembre 2021 en paiement de cette somme.



Par jugement contradictoire du 13 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté la SA Béton Vicat de sa demande en paiement ainsi que de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- débouté Monsieur [W] de sa demande reconventionnelle en réparation,

- condamné la SA Béton Vicat à payer à Monsieur [W] la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Béton Vicat aux dépens.


Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Monsieur [W] avait procédé au paiement de la somme de 5264,04 euros à un créancier ayant toutes les apparences de la SA Béton Vicat ; qu'en effet, à la lecture du courriel frauduleux, comportant les noms des interlocuteurs rencontrés par Monsieur [W] le jour même dans les établissements de [Localité 8] de la SA Béton Vicat, et à la lecture du relevé d'identité bancaire joint, ayant toutes les apparences du relevé d'identité bancaire de la SA Béton Vicat, Monsieur [W] n'avait pu que légitimement, et en toute bonne foi, croire que ce courriel provenait effectivement de Monsieur [Ab] [K] de la SA Béton Vicat. Le tribunal a ainsi jugé que ce paiement était valable en application des dispositions de l'article 1342-3 du code civil🏛 et que la SA Béton Vicat devait être déboutée de sa demande en paiement.

Les premiers juges ont par ailleurs débouté Monsieur [W] de sa demande reconventionnelle en réparation, considérant que la procédure ne revêtait pas de caractère abusif.



Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 8 septembre 2022, la SA Béton Vicat a relevé appel de ce jugement.


Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Béton Vicat demande à la cour, aux articles 1103 et suivants du code civil🏛, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision déférée,

- condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 5747,94 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'au parfait paiement, outre la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- le déclarer irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter purement et simplement.


Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [W] demande à la cour, au visa de l'article 1342-3 du code civil, de :

- dire que le paiement qu'il a effectué est un paiement valable,

En conséquence,

- condamner purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 13 juillet 2022,

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande formulée avec intérêts au taux contractuel,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que le montant des sommes dues par Monsieur et Madame [W] ne saurait dépasser la somme de 5623,37 euros,

En vertu des dispositions de l'article 1343-5 du code civil🏛,

- leur octroyer les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de leur dette,

A titre incident,

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

- condamner la SA Béton Vicat au paiement d'une somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- débouter la SA Béton Vicat de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner enfin au paiement d'une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner enfin aux entiers dépens.


La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2023.


L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 juin 2023 et le délibéré au 25 septembre 2023.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Vu les dernières conclusions déposées par la SA Béton Vicat le 8 décembre 2022 et par Monsieur [W] le 3 janvier 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;


Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 30 mai 2023 ;


Selon l'article 1353 du code civil🏛, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit extinction de son obligation.'


L'article 1342-3 du code civil précise que 'Le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable'.


Il est constant que Monsieur [W] s'est présenté à la centrale à Beton de [Localité 8] le 30 mars 2021 pour effectuer le règlement par chèque des sommes qu'il lui restait devoir à la SARL Béton Vicat, ce à quoi la société s'est refusée, sollicitant un virement, sans remise immédiate de son relevé d'identité bancaire (RIB).

Il sera observé qu'il était mentionné sur les factures que le paiement par chèque était accepté et qu'il n'y figurait pas, dans le cas d'un paiement par virement, les références IBAN du compte à provisionner (cf pièce 3 appelant).


Il ressort des pièces produites que Monsieur [K], depuis sa messagerie professionnelle '[Courriel 7]' a adressé le 30 mars 2021 à 15 h 48 à l'adresse '[Courriel 3]' utilisée par Monsieur [W] un courriel intitulé 'RIB Béton Vicat' dans les termes suivants :

'Bonjour,

Merci de m'effectuer un virement du montant du montant du chèque que vous avez laissé à Monsieur [Ac] à la centrale de [Localité 8],

A la réception de votre virement, vous pourrez venir récupérer votre chèque à la centrale,

Merci d'avance,

Bien cordialement

[K] [Z]

commercial sédentaire'

pourvu du logo, du numéro de ligne directe et de l'adresse de messagerie de celui-ci.


Or, à la suite d'un piratage - il n'est pas établi si c'est la boîte mail de l'expéditeur ou du destinataire qui en a été victime -, Monsieur [W] n'a pas reçu ce message, mais a reçu à 16 h 37 un mail depuis une adresse '[Courriel 6]' intitulé 'relevé d'identité bancaire Béton Vicat', dont le contenu était en tout point identique à celui rédigé par Monsieur [K], si ce n'est que l'adresse mail de l'expéditeur avait disparu de la signature et que la pièce jointe avait été modifiée : au lieu du RIB du compte de cette société domicilié dans une agence BNP située à [Localité 4], le RIB frauduleux annexé se présentait comme celui d'un établissement bancaire localisé à la même adresse et pour un compte dont la société Beton Vicat était titulaire, mais il s'agissait en réalité du compte d'un tiers, destiné à 'Wicotiz' (à savoir un réseau social ayant pour objet d'effectuer des transferts d'argent), ce qui n'apparaissait qu'incidemment au dessus du document.


Monsieur [W] a adressé deux règlements de 5000 euros et 265,04 euros qui ont été débités de son compte.


Dans la mesure où la fraude n'était pas évidente à la lecture du courriel reçu par Monsieur [W] - ne résultant que du changement d'adresse mail alors que l'adresse frauduleuse comprenait la mention 'vicat' et de la mention 'wicotiz' au dessus du RIB-, que les documents adressés avaient pour le reste une apparence d'authenticité, que le corps du message se référait à des éléments précis, non publics et réels, à savoir le fait que Monsieur [W] s'était présenté pour payer par chèque à la centrale de [Localité 8] où il avait eu affaire à Monsieur [G] et que le RIB de l'établissement devait lui être adressé pour procéder au virement réclamé, il est ainsi établi que le paiement de la somme de 5265,04 a été fait de bonne foi par Monsieur [W] auprès d'un créancier apparent et qu'il est ainsi libératoire pour ce dernier.


Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a débouté la SARL Béton Vicat de ses demandes.


Vu l'article 1240 du code civil🏛,


L'exercice de voies de droit ne dégénère en abus susceptible de mettre en jeu la responsabilité civile de son titulaire qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ; le seul mal-fondé des prétentions n'est pas suffisant à établir un abus de droit.


Le seul fait que la SARL Béton Vicat ne soit pas admise dans ses demandes ne caractérise pas un abus de droit.


Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande d'indemnisation.


La SARL Béton Vicat n'étant pas reçue en son recours, il convient de la condamner aux dépens d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [W] une somme qu'il est équitable de fixer à 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,


LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,


Confirme le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions contestées,


Y ajoutant,


Condamne la SARL Béton Vicat aux dépens d'appel,


Condamne la SARL Béton Vicat à payer à Monsieur [W] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-


Minute en six pages.

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