Jurisprudence : CE Contentieux, 27-07-2001, n° 215124

CE Contentieux, 27-07-2001, n° 215124

A5127AUG

Référence

CE Contentieux, 27-07-2001, n° 215124. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1000391-ce-contentieux-27072001-n-215124
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ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 215124

S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE

M. Fabre, Rapporteur

M. Goulard, Commissaire du gouvernement

Séance du 4 juillet 2001
Lecture du 27 juillet 2001


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 1999 et 30 mars 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE, dont le siège est 234, rue Saint-Martin à Paris (75003) ; la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 7 octobre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement rendu en sa faveur par le tribunal administratif de Paris le 24 avril 1997, et remis à sa charge les droits et intérêts de retard qui lui avaient été assignés en matière de prélèvement prévu au III de l'article 125 A du code général des impôts au titre de chacune des années 1985, 1986 et 1987 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 66-995 du 26 décembre 1966 autorisant la ratification de la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et du protocole additionnel du 9 septembre 1966, ensemble le décret n° 67-879 du 13 septembre 1967 qui en porte publication ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Ricard. avocat de la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE.

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, selon les dispositions du III de l'article 125 A du code général des impôts, les intérêts, arrérages et produits de titres de créances de toute nature dont le débiteur est domicilié ou établi en France sont obligatoirement soumis au prélèvement prévu au I du même article lorsque ces revenus sont encaissés par des personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal ou des sociétés n'ayant pas en France leur siège social ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention signée entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 : "1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé... 7. Lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu traités séparément dans d'autres articles de la présente convention, les dispositions de ces articles ne sont pas affectées par les dispositions du présent article..." ; que, dans la rédaction antérieure à l'avenant à la convention du 22 juillet 1997, l'article 12 de celle-ci stipulait" : "1. Les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces intérêts peuvent être imposés, dans l'Etat contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 % du montant des intérêts... 3. Le terme "intérêts", employé dans le présent article, désigne les revenus des fonds publics, des obligations d'emprunts... et des créances de toute nature ainsi que tous autres produits assimilés aux revenus de sommes prêtées par la législation fiscale de l'Etat d'où proviennent les revenus..." ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a jugé qu'eu égard aux stipulations précitées de la convention entre la France et la Suisse, l'administration avait à bon droit mis à la charge de la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE, par application des dispositions du III de l'article 125 A du code général des impôts, un prélèvement égal à 10 % du montant d'intérêts payés par elle, au cours des années 1985, 1986 et 1987, à la société suisse GOLAY BUCHEL HOLDING, et dus à celle-ci en raison du règlement tardif d'achats effectués auprès d'elle ; que, pour statuer ainsi, la Cour s'est fondée sur ce que le 3 précité de l'article 12 de la convention vise les "revenus des créances de toute nature" ;

Considérant que l'expression "revenus des créances de toute nature" n'est pas définie par la convention, et doit. dès lors, être interprétée selon le principe énoncé au 2 de l'article 3 de ladite convention, aux termes duquel : "Pour l'application de la convention par un Etat contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente" ; qu'au regard de la législation fiscale française, les intérêts moratoires afférents à une somme due constituent, pour le créancier, un élément accessoire de cette dernière. de même nature que la créance principale elle-même, et non pas un "revenu" tiré de cette créance et, le cas échéant, distinctement imposable comme tel ; qu'il suit de là. en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, que les intérêts moratoires versés. au cours des années 1985. 1986 et 1987. par la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE à la société suisse GOLAY BUCHEL HOLDING ont constitué pour cette dernière, non un élément de revenu justiciable de l'application des stipulations de l'article 12 de la convention franco-suisse, mais un élément de ses bénéfices dont l'imposition est attribuée à la Suisse en vertu du 1 de l'article 7 de la convention ; que lesdits intérêts ne pouvaient, par suite, être soumis, en France. au prélèvement institué par le III de l'article 125 A du code général des impôts ; que la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE est, dès lors, fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, à demander que l'arrêt attaqué soit annulé pour erreur de droit ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2, premier alinéa, du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif de Paris a accordé à la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE la décharge des droits et intérêts de retard qui lui avaient été assignés, au titre de chacune des années 1985, 1986 et 1987, en matière de prélèvement prévu au III de l'article 125 A du code général des impôts ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE la somme de 20 000 F qu'elle demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 octobre 1999 est annulé.

Article 2 : Le recours présenté devant la cour administrative d'appel de Paris par le ministre de l'économie. des finances et de l'industrie est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 20 000 F.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. GOLAY BUCHEL FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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