Le Quotidien du 11 juillet 2023 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur le crédit affecté et la déchéance du droit aux intérêts

Réf. : Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 22-10.560, FS-B N° Lexbase : A268597L

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[Brèves] Précisions sur le crédit affecté et la déchéance du droit aux intérêts. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/97564576-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 10 Juillet 2023

► D’abord, ayant constaté que des acquéreurs de panneaux photovoltaïques avaient accepté, au moment de la conclusion du contrat de vente conclu après démarchage, une offre de crédit qui, annexée au contrat, comportait toutes les mentions obligatoires prévues par la loi, s’agissant des modalités de paiement de l’installation, la cour d’appel a pu en déduire exactement que le vendeur avait satisfait à son obligation légale d'information, de sorte que la nullité du contrat de vente n’avait pas lieu d’être prononcée.

Ensuite, en application des articles L. 311-6 et L. 311-48 du Code de la consommation, de l’article 1153 du Code civil et de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier, interprétés à la lumière de l'article 23 de la Directive n° 2008/48/CE, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux résultant de l’application des deux derniers textes précités, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.

Faits et procédure. Par acte du 11 mars 2013, conclu à la suite d’un démarchage à domicile, M. et Mme H. avaient acquis de la société R. une installation de panneaux photovoltaïques et un ballon d’eau chaude financés par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société F. Par la suite, cependant, la société précitée avait été placée en liquidation judiciaire et M. L. avait été désigné en qualité de liquidateur.

Invoquant le défaut de remboursement des échéances du crédit, la banque avait assigné en paiement les acquéreurs, qui avaient assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur, en nullité des contrats et en indemnisation.

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 4-9, 18 novembre 2021, n° 19/07452 N° Lexbase : A22637CS) ne leur ayant pas donné raison dans son arrêt du 18 novembre 2021, les époux avaient formé un pourvoi en cassation.

Décision. Plusieurs moyens étaient développés.

  • Concernant la nullité du contrat de vente

En premier lieu, les acquéreurs faisaient grief à l’arrêt d’avoir rejeté leurs demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, alors « que les ventes conclues au cours d'un démarchage à domicile doivent faire l'objet d'un contrat remis au client au moment de la conclusion de la vente, lequel doit mentionner, à peine de nullité, le prix global à payer et les modalités de paiement ». De plus, en cas de vente à crédit, le contrat doit préciser, notamment, le montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles, le coût total ventilé du crédit et s'il y a lieu, son taux effectif global. Or, la cour d’appel avait expressément constaté que les mentions relatives aux modalités de paiement du contrat de vente signé par les époux H. étaient « incomplètes ».

La Cour de cassation juge, cependant, le moyen non fondé.

En effet, ayant constaté que les acquéreurs avaient accepté, au moment de la conclusion du contrat de vente, une offre de crédit qui, annexée au contrat, comportait toutes les mentions obligatoires prévues par la loi, s’agissant des modalités de paiement de l’installation, notamment le montant du capital emprunté et des mensualités, ainsi que le coût total du crédit, la cour d'appel en a exactement déduit que le vendeur avait satisfait à son obligation légale d'information, de sorte que la nullité du contrat de vente n'avait pas lieu d'être prononcée.

Il ressort de ce passage que des oublis de mentions dans le contrat de vente peuvent être « rattrapés » par les dispositions du contrat de crédit annexé au premier.

  • Concernant la déchéance du droit aux intérêts

La Cour de cassation se montre réceptive au moyen développé par les emprunteurs, puisqu’elle casse et annule la décision de la cour d’appel en ce qu’elle avait condamné solidairement M. et Mme H. à payer à la société F. les intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016 sur la somme de 25 800 euros. Sa décision se veut très précise.

Elle commence par rappeler le contenu des dispositions applicables, c’est-à-dire les articles L. 311-6 N° Lexbase : L7513IZB et L. 311-48 N° Lexbase : L9552IMQ du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016 N° Lexbase : L0300K7A, l’article 1153 du Code civil N° Lexbase : L1254AB3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, et l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7599HIB.

Elle déclare, ensuite, que les articles L. 311-6 et L. 311-48 du Code de la consommation précités transposent, en droit français, les articles 5 et 23 de la Directive n° 2008/48/CE, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs N° Lexbase : L8978H3W.

Or, l’article 23 de cette Directive prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la Directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

La Cour de cassation rappelle alors que la CJUE a dit pour droit que ce texte devait être interprété en ce sens que l'examen du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions prévues à cette disposition, en cas, notamment, de non-respect de l'obligation d'examiner la solvabilité du consommateur prévue à l'article 8 de cette Directive, devait être effectué en tenant compte, conformément à l'article 288, alinéa 3, TFUE N° Lexbase : L2604IP7, non seulement de la disposition adoptée spécifiquement, dans le droit national, pour transposer ladite Directive, mais également de l'ensemble des dispositions de ce droit, en les interprétant, dans toute la mesure possible, à la lumière du libellé et des objectifs de la même Directive, de manière à ce que lesdites sanctions satisfassent aux exigences fixées à l'article 23 de celle-ci (CJUE, 10 juin 2021, aff. C-303/20 N° Lexbase : A00874W7).

Surtout, il est indiqué que la CJUE a été saisie de la question de savoir si l’exigence de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives prévue par l'article 23 de la Directive n° 2008/48/CE, en cas de manquements des prêteurs aux obligations énoncées par celle-ci, s’opposait à l'existence de règles permettant au prêteur, sanctionné de la déchéance de son droit aux intérêts tel que le prévoit la législation française, de bénéficier, après le prononcé de la sanction, d'intérêts exigibles de plein droit à un taux légal, majoré de cinq points deux mois après une décision de justice exécutoire, sur les sommes restant dues par le consommateur. Or, la Cour de justice a dit pour droit que l’article 23 de la Directive n° 2008/48 devait être interprété en ce sens qu’il s’opposait à l’application d'un régime national de sanctions en vertu duquel, en cas de violation par le prêteur de son obligation précontractuelle d'évaluer la solvabilité de l'emprunteur en consultant une base de données appropriée, le prêteur était déchu de son droit aux intérêts conventionnels, mais bénéficiait de plein droit des intérêts au taux légal, exigibles à compter du prononcé d'une décision de justice condamnant cet emprunteur au versement des sommes restant dues, lesquelles étaient en outre majorées de cinq points si, à l'expiration d’un délai de deux mois qui suivait ce prononcé, celui-ci ne s’était pas acquitté de sa dette, lorsque la juridiction de renvoi constatait que, dans un cas tel que celui de l'affaire au principal, impliquant l’exigibilité immédiate du capital du prêt restant dû en raison de la défaillance de l’emprunteur, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l'application de la sanction de la déchéance des intérêts n'étaient pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s'il avait respecté son obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur (CJUE, 27 mars 2014, aff. C-565/12 N° Lexbase : A9833MHN).

La Cour de cassation, pour sa part, a déjà eu l’occasion de dire que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l’emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure (Cass. civ., 26 novembre 2002, n° 00-17.119, F-P+B N° Lexbase : A1136A4T ; Cass. civ. 1, 18 mars 2003, n° 00-17.761, F-P+B N° Lexbase : A5447A7U).

Par la décision étudiée, la Haute juridiction considère qu’ afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la Directive n° 2008/48/CE, « il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux résultant de l'application des deux derniers textes précités, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel ».

Or, après avoir constaté que la banque avait méconnu l'obligation d'information prévue à l'article L. 311-6 du Code de la consommation, la cour d'appel avait prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et condamné les acquéreurs à lui payer le montant du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. En conséquence, en statuant ainsi, la cour d'appel avait violé les textes susvisés.

Cette solution est importante. Elle tend à permettre au juge de moduler les intérêts légaux afin de rendre la déchéance du droit aux intérêts prononcée contre le banquier fautif suffisamment dissuasive.

Traditionnellement, lorsque la comparaison opérée démontre que la sanction prononcée ne présente pas assez ce caractère, les juges écartent l’application du taux légal majoré de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier (v. par ex., CA Metz, 13 février 2020, n° 18/03272 N° Lexbase : A22263GK). Parfois, ils écartent également la jurisprudence « Théret » en privant le banquier de tout intérêt de retard (v. par ex., CA Paris, 21 janvier 2016, n° 15/00275 N° Lexbase : A3840N4Y). Désormais, la modulation peut également être employée. La solution est, selon nous, heureuse.

 

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