Le Quotidien du 19 décembre 2022 : Social général

[Brèves] Validation par le Conseil constitutionnel de la loi « Marché du travail »

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-844 DC, du 15 décembre 2022 N° Lexbase : A60038ZD

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N3709BZE

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[Brèves] Validation par le Conseil constitutionnel de la loi « Marché du travail ». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90710991-breves-validation-par-le-conseil-constitutionnel-de-la-loi-marche-du-travail
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par Charlotte Moronval et Laïla Bedja

le 16 Décembre 2022

► Sont conformes à la Constitution les dispositions de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi.


Réforme de l’assurance chômage

Contesté par les députés requérants, l’article 1er de la loi prévoit, par dérogation aux règles de droit commun, qu’un décret en Conseil d’État détermine les mesures d’application des dispositions législatives à l’assurance chômage pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard.

Les députés estimaient notamment que la possibilité pour le pouvoir réglementaire de prendre des mesures d’application des dispositions législatives d’assurance chômage, en lieu et place des partenaires sociaux, constitue une méconnaissance du principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Pour le Conseil constitutionnel, les dispositions contestées sont conformes. En premier lieu, le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage.

En second lieu, ces dispositions prévoient que ce décret ne peut être pris qu'à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Refus de CDI privant le salarié de droit à l’assurance chômage

L’article 2 de la loi déférée complète notamment le paragraphe I de l'article L. 5422-1 du Code du travail N° Lexbase : L0207LMM afin de prévoir qu'un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage lorsqu'il a refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée.

Les requérants avancent deux reproches à cette disposition :  la première est de faire peser sur les demandeurs d'emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et la seconde est la différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d'emploi selon qu'ils ont reçu ou non une proposition de contrat à durée indéterminée.

Pour les Sages, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de missions d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

Par ailleurs, les juges ont pu constater que les dispositions étaient assorties de certaines conditions. Ainsi, la proposition de contrat à durée indéterminée doit concerner le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail. Par ailleurs, le bénéfice de l’allocation ne pourra être refusé si l’allocataire a été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée au cours des douze derniers mois. Enfin, la proposition de CDI devra être conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi préalablement établi.

Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles.

Présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste

Les députés requérants contestaient également l’article 4 de la loi instituant une présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

Pour rappel. Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur (qui ne peut être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret), est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

L’une des critiques adressées était que, en assimilant l’abandon de poste à une démission, ces dispositions privaient du bénéfice du régime d’assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté.

Le Conseil constitutionnel constate que ces dispositions ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste. Il rappelle que l’abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire s’il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail.

Les Sages soutiennent également que le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État.

Enfin, ils soulignent le fait qu’il s’agit d’une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud’hommes saisi d’une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Pour aller plus loin : lire Amendement sur l’abandon de poste - Questions à Loïc Lewandowski, Avocat associé, HOGO Avocats, Lexbase Social, octobre 2022, n° 921 N° Lexbase : N2996BZY.

La validation des acquis de l'expérience

Les députés requérants contestaient enfin certaines dispositions relatives à la validation des acquis de l'expérience (VAE), notamment l’article 10 de la loi qui procède à une réforme de la VAE et l’article 11 qui prévoit, à titre expérimental, que les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la validation des acquis de l'expérience, afin de favoriser l'accès à la certification et à l'insertion professionnelles dans certains secteurs.

Les députés requérants soutenaient que ces dispositions méconnaissaient un principe fondamental reconnu par les lois de la République de monopole de l'État pour la collation des grades et diplômes nationaux. Ils faisaient également valoir qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la validation des acquis de l'expérience, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

Selon les Sages, la règle invoquée ne peut être regardée, en elle-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

D'autre part, en prévoyant que la VAE est prononcée par un jury, le législateur a entendu assurer que la délivrance d'un diplôme ou d'un titre dans ce cadre soit soumise à l'appréciation d'une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées.

Dès lors, ils en concluent qu'en renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l'expérience, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

À noter. La loi doit désormais être publiée au Journal officiel. Des décrets sont attendus pour une entrée en vigueur effective de ces dispositions.

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