Le Quotidien du 8 décembre 2022 : Divorce

[Brèves] Droit à prestation compensatoire : pas d’atteinte à la protection des biens du débiteur !

Réf. : Cass. civ. 1, 30 novembre 2022, n° 21-12.128, FS-B N° Lexbase : A45188WA

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par Laure Florent

le 07 Décembre 2022

En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, l’article 270 du Code civil poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci ;
les dispositions de cet article ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante.

Faits et procédure. Le divorce d’un couple a été prononcé par un jugement du 29 mai 2019. Par un arrêt du 8 décembre 2020 (CA Orléans, 8 décembre 2020, n° 19/02538) le juge a fixé à la charge de l’épouse le paiement d’une prestation compensatoire en capital, à hauteur de 50 000 euros.

En 2021, la Haute juridiction (Cass. civ. 1, 14 septembre 2021, n° 21-12.128, F-D N° Lexbase : A921444Z) refusait de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité de l’épouse, tendant à contester la validité des conditions d’octroi de la prestation compensatoire, particulièrement des dispositions de l’article 270 du Code civil N° Lexbase : L2837DZ4 (pour plus de détails, voir notre brève du 30 septembre 2021 N° Lexbase : N8887BYS).

La demanderesse considérait que ces dispositions constituaient une violation du droit de propriété, garanti par les articles 2 N° Lexbase : L1366A9H et 17 N° Lexbase : L1364A9E de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et de la liberté de mettre fin aux liens du mariage garantie par les articles 2 et 4 N° Lexbase : L1368A9K de la même Déclaration.

Le présent arrêt connaît du pourvoi formé par l’épouse contre l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 8 décembre 2020, par lequel elle avance que la cour d’appel a violé l’article 1, § 1 du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) N° Lexbase : L1625AZ9.

Pour rappel, cet article, intitulé « Protection de la propriété », dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

Rejet. La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’épouse débitrice de la prestation compensatoire.

En effet, si elle admet que l'article 270 du Code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire, est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la CEDH, pour autant, elle considère qu’en visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci.

Ainsi, rappelle la Haute juridiction, l'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties.

C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du Code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible. Cette disparité, ajoutent les magistrats, n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui la subit, que si elle résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause.

En revanche, comme le rappelle la Cour de cassation, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 270 du Code civil, le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271 N° Lexbase : L3212INB, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

Il en résulte que ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante.

La cour d’appel a donc pu condamner la débitrice au paiement d’un capital de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire, sans violer l’article 1er du Protocole additionnel à la CEDH.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La prestation compensatoire, spéc. Le droit à prestation compensatoire, in Droit du divorce, (dir. J. Casey), Lexbase N° Lexbase : E9018B4R.

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