Le Quotidien du 3 novembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Catastrophe de Brétigny : la SNCF condamnée, les parties civiles pas totalement soulagées

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par Vincent Vantighem

le 28 Novembre 2022

Pendant des semaines, lors de chaque audience, elles ont eu les mêmes habitudes. Presque un rituel. D’abord un petit café à gauche de la porte d’entrée de la salle d’audience du tribunal d’Évry (Essonne). Juste à côté des grandes fenêtres, dans la salle des pas perdus. Puis quelques pas jusqu’aux bancs qui leur étaient réservés à droite dans le prétoire. Mercredi 26 octobre, la quarantaine de parties civiles à la procédure dite de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge ont donc repris leur trajet habituel au sein du palais de justice. Elles en sont ressorties quelques heures plus tard sans vraiment être ni soulagées ni en colère…

Certes, la SNCF a été reconnue coupable d’homicides et blessures involontaires, neuf ans après le déraillement de l’Intercités 3657 qui effectuait la liaison entre Paris et Limoges, le 12 juillet 2013, fauchant sept vie humaines et faisant plus de 400 victimes psychologiques et blessés physiques. Mais le tribunal d’Évry a, en revanche, relaxé les deux autres prévenus : un ancien cadre cheminot qui avait effectué la dernière tournée de surveillance des voies avant le drame et surtout le gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex Réseau Ferré de France), estimant qu’aucune faute « ayant un lien certain » avec l’accident n’avait pu être caractérisée.

« Nous sommes moyennement satisfaits », a ainsi résumé Thierry Gomès, président de l’association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB) après l’annonce de ce jugement. « Nous sommes déçus de la relaxe de la SNCF Réseau qui a, selon nous, une part de responsabilité aussi », a complété celui qui a perdu ses parents dans l’accident.

« Défaillance de contrôle » et « banalisation de l’urgence »

 

Pied à pied, la SNCF avait contesté, durant tout le procès, les quinze fautes reprochées. Finalement, le tribunal en a retenu deux et l’a condamnée à une amende de 300 000 euros. À ce titre, le tribunal n’a pas tremblé : si dans ce dossier, la société encourrait une amende maximale de 225 000 euros, le tribunal a choisi d’aller au-delà en soulignant sa récidive en matière d’homicides involontaires, l’entreprise ayant déjà été condamné treize fois pour de tels faits.

 

Résumant les grandes lignes du jugement, la présidente du tribunal a pointé « une conjonction de négligences fatales » qui ont, selon elle, mené à la catastrophe. En premier lieu, « l’absence de suivi par les agents » de l’éclisse, une pièce fondamentale des voies à l’origine de l’accident selon les expertises. Mais aussi une « défaillance de contrôle » du travail des agents par leurs responsables dans un contexte de « banalisation de l’urgence ».

 

Très techniques, les débats ont tourné autour de deux thèses : celle de l’accusation qui estimait que le déraillement du train était « prévisible » et que, donc, la SNCF a failli à sa mission de maintenance. Et celle de la SNCF qui a plaidé qu’elle ne pouvait anticiper l’accident dû, selon elle, à un défaut indécelable au cœur de l’acier composant la fameuse éclisse, sorte de grosse agrafe joignant deux rails entre eux. Le tribunal a donc tranché en estimant que la thèse de la SNCF « reposait sur des postulats incomplets ou erronés ».

 

De quoi rendre Emmanuel Marsigny, l’avocat de l’entreprise publique, assez amer. « Aucune vérité scientifique ne se dégage du jugement », a-t-il indiqué. Avant d’annoncer que son client voulait étudier la décision avant de se prononcer sur un éventuel appel, tout en soulignant « combien l’entreprise compatit à la souffrance des victimes ».

 

3,5 millions de dommages et intérêts à ajouter pour la SNCF

 

La question d’un procès en appel se pose donc clairement pour la SNCF. Avec un risque non négligeable, vu les motivations retenues par le tribunal judiciaire, en première instance. Dans son jugement, les magistrats expliquent clairement que si la SNCF avait réalisé les visites de contrôles, elle aurait forcément constaté « l’avarie » de la pièce défectueuse et aurait « procédé à son changement ».

 

Mais, au-delà du symbole, la question est aussi et avant tout d’ordre financier. L’entreprise publique, qui a réalisé un chiffre d’affaires de près de 35 milliards d’euros en 2021, avait indiqué, à l’audience, avoir versé un total de 13 millions d’euros aux victimes directes ou indirectes et aux organismes sociaux. Mais lors du jugement, le tribunal d’Évry lui a également demandé d’ajouter 3,5 millions d’euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis. Notamment pour préjudice d’angoisse de mort imminente (40 000 euros par personne) et pour préjudice d’attente et d’inquiétude des proches (10 000 euros).

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