Réf. : Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 21-16.408, FS-B N° Lexbase : A09518BT
Lecture: 3 min
N2304BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 05 Août 2022
► Le fait de la victime, à savoir le maître d’ouvrage, peut être partiellement ou totalement exonératoire de responsabilité ; mais, encore faut-il que le maître d’ouvrage fautif soit un professionnel.
La décision est l’occasion de rappeler les critères d’application de la cause étrangère :
En dehors de ces trois cas, il n’est donc pas possible de caractériser la cause étrangère. La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de le rappeler, justement à propos de la responsabilité d’un électricien (Cass. civ. 3, 13 février 2007, n° 06-15.648, F-D N° Lexbase : A2260DUA) et ce, même récemment à propos de fuites dont l’origine était indéterminée (Cass. civ. 3, 23 septembre 2020, n° 19-20.374, F-D N° Lexbase : A06503WY). Il en est de même pour le vice du matériau qui ne peut constituer une cause étrangère (pour exemple, Cass. civ. 3, 29 mai 2019, n° 17-21.396, FS-D N° Lexbase : A0961ZDX). De pareille manière, aucun intervenant ne peut exciper de la faute des autres intervenants à l’acte de construire au sens large même si ces derniers sont tiers par rapport à lui (Cass. civ. 3, 29 juin 2017, n° 16-18.890, F-D N° Lexbase : A7050WLP).
Ces causes d’exonération s’appliquent lorsque le dommage est de nature décennale mais, encore, sur le fondement du droit commun de la responsabilité lorsque le constructeur est débiteur d’une obligation de résultat. L’arrêt rapporté est l’occasion de le rappeler.
En l’espèce, des acquéreurs achètent un lot dans un lotissement composé d’une maison d’habitation bâtie sur un terrain. Une SCI devient propriétaire du lot voisin et entreprend la démolition de la maison, également implantée sur ce terrain, pour y faire édifier un bâtiment composé de sept logements et de garages. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, les acquéreurs de la maison assignent leur voisin aux fins d’obtenir la démolition de l’ouvrage, lequel appelle en garantie le maître d’œuvre.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 11 mars 2021 (CA Aix-en-Provence, 11 mars 2021, n° 18/10026 N° Lexbase : A71564KA), limite la condamnation du maître d’œuvre et opère un partage de responsabilité. Selon les juges du fond, la SCI avait une compétence professionnelle certaine en matière de construction dès lors que son objet social était précisément d’acquérir et de construire tous biens immobiliers puis de les gérer.
La SCI maître d’ouvrage forme un pourvoi en cassation. Cette constatation ne suffirait pas, en elle-même, à lui conférer la qualité de professionnelle de construction, qui serait seule de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l’occasion du contrat de maîtrise d’œuvre litigieux.
La solution est, en effet, censurée. Les juges du fond ont statué par des motifs impropres à caractériser la qualité de professionnel du maître d’ouvrage. La qualité de professionnel suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques.
La solution mérite d’être approuvée. Elle est, d’ailleurs, confirmative d’une jurisprudence constante (pour exemple, Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-15.710, F-D N° Lexbase : A3180ZPH).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:482304