Réf. : Cass. crim., 12 juillet 2022, n° 22-83.003, F-D N° Lexbase : A66618BC
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par Johanna Granat et Adélaïde Léon
le 28 Juillet 2022
► L'article R. 434-19 du Code de la sécurité intérieure n’emporte aucune obligation particulière de prudence et de sécurité, au sens de l'article 121-3 du Code pénal, à la charge des militaires de la gendarmerie et des fonctionnaires de police et de sécurité. Justifie sa décision la chambre de l’instruction qui, appréciant la connaissance que des gendarmes hors service avaient du degré d’alcoolisation et de l’installation de l’un de leurs collègues dans un véhicule automobile, lequel a par la suite provoqué un accident mortel, a uniquement recherché l’existence d’une faute caractérisée des intéressés pour dire n’y avoir lieu à suivre du chef d’homicide involontaire.
Faits et procédure. En dehors de leur service, des gendarmes se sont retrouvés pour un après-midi au cours duquelle de l’alcool a été consommé. L’un des protagonistes a ensuite pris le volant et provoqué un accident de la circulation ayant causé la mort de deux personnes. Ce dernier a été condamné, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pour homicide et blessures involontaires aggravés, mise en danger de la vie d'autrui et défaut de maîtrise.
Les enfants des défunts ont porté plainte et se sont constitués parties civiles, des chefs d’homicide involontaire et abstention volontaire d’empêcher un délit contre l’intégrité d’une personne. Ladite plainte visait quatre collègues du gendarme condamné, lesquels avaient passé, avec ce dernier, tout ou partie de l'après-midi au cours duquelle il s'était alcoolisé, avant de prendre le volant.
L’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a été saisie sur commission rogatoire afin, notamment, d’évaluer la consommation d’alcool des protagonistes, le degré de connaissance par chacun de l’état d’ébriété de l’auteur de l’accident et les mesures éventuellement prises pour le dissuader de conduire.
Les quatre intéressés ont par la suite été mis en examen pour abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne.
Le magistrat instructeur a relevé qu’il n’y a lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire et a renvoyé trois des quatre mis en examen devant le tribunal correctionnel du chef d’abstention volontaire d’empêcher un délit contre l’intégrité d’une personne.
Les parties civiles et l’un des prévenus ont relevé appel de cette décision.
En cause d’appel. Analysant la connaissance de chacune des trois personnes du degré d’alcoolisation du gendarme condamné et de l’installation de ce dernier au volant d’un véhicule automobile pour quitter les lieux, la chambre d’instruction a conclu à l'absence d'une faute caractérisée en l’espèce.
Les parties civiles et l’un des mis en examen ont relevé appel de cette décision. Faute de dépôt d’un mémoire dans le délai légal, ce dernier a été déclaré déchu de son pourvoi.
Moyen du pourvoi. L’article R. 434-19 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L9241IYW prévoit que : « Lorsque les circonstances le requièrent, le policier ou le gendarme, même lorsqu'il n'est pas en service, intervient de sa propre initiative, avec les moyens dont il dispose, notamment pour porter assistance aux personnes en danger. »
Les parties civiles soutenaient qu’il résultait de ces dispositions une obligation de sécurité propre aux militaires de la gendarmerie et aux fonctionnaires de police même lorsqu’ils ne sont pas en service. Ils estimaient que les collègues du gendarme condamné avaient violé de façon manifestement délibérée cette obligation, engageant ainsi leur responsabilité au sens de l’article 121-3 du Code pénal N° Lexbase : L2053AMY. Il était reproché à la chambre de l’instruction de s’être bornée à constater l’absence d’une faute caractérisée sans rechercher si les intéressés ne s’étaient pas rendus coupables d’une faute délibérée.
Décision. La Cour relève que les dispositions de l'article R. 434-19 du Code de la sécurité intérieure, formulées de façon générale, ne constituent pas une obligation particulière de prudence et de sécurité au sens de l'article 121-3 du Code pénal. La chambre de l'instruction, n’était donc pas tenue de rechercher l’existence d’une faute délibérée.
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