Le Quotidien du 31 mai 2022 : Bancaire

[Brèves] Crédit-bail et prescription de l’article L. 218-2 du Code de la consommation

Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2022, n° 21-10.250, F-P+B N° Lexbase : A14917YU

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N1643BZU

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[Brèves] Crédit-bail et prescription de l’article L. 218-2 du Code de la consommation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/85180191-0
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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 01 Juin 2022

► L’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du Code de la consommation, disposant que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n’est pas applicable à l’action formée par le crédit-bailleur qui, après l’expiration du contrat ayant pour objet la location d’une voiture, en demande la restitution au preneur n’ayant pas levé l’option d’achat.

Aux termes de l’article L. 218-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1585K7T : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Il s’agit ainsi d’un délai de prescription dérogatoire à celui prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3.

Or, à intervalle régulier, la première chambre civile de la Cour de cassation nous donne des précisions utiles sur le régime juridique de ce délai « spécial » (v. par ex., Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-19.043, F-B N° Lexbase : A08887UG, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 715 N° Lexbase : N1257BZL ; Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-22.866, FS-B N° Lexbase : A08717US, G. Piette, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 716 N° Lexbase : N1424BZR). Tel est à nouveau le cas dans la décision sélectionnée.

Les faits avaient pour particularité, en l’occurrence, de concerner un crédit-bail. Pour mémoire, il s’agit de l'opération par laquelle un établissement de crédit ou une société de financement, le crédit-bailleur, acquiert auprès d'un fournisseur, à la demande d'un client, le crédit-preneur, la propriété d'un bien qui est donné à bail à ce client pendant une certaine période à l'issue de laquelle il disposera d'une option lui conférant la faculté, soit de restituer le bien au crédit-bailleur, soit de l'acheter moyennant le paiement d'un prix résiduel, soit de reprendre la location durant une certaine période. Cette opération est assimilée, par l'article L. 313-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9234DYN, à une opération de crédit.

Cette opération, qui ne doit pas être confondue avec le contrat de crédit-bail proprement dit, présente la caractéristique d'être triangulaire et de reposer, dans la grande majorité des cas, sur deux contrats : d'une part, un contrat de vente conclu entre une société de crédit-bail et un fournisseur et, d'autre part, un contrat de crédit-bail par lequel le crédit-bailleur va louer le bien acheté au crédit-preneur, et auquel il consent une promesse unilatérale de vente. Cette dernière est d’ailleurs un élément essentiel pour retenir la qualification de crédit-bail. À défaut d'une telle option, nous ne sommes en effet en présence que d'une location simple ou d'une location financière, mais pas d'une opération de crédit-bail (Cass. com., 30 mai 1989, n° 88-11.445, publié N° Lexbase : A7819AGP).

Faits et procédure. En l’espèce, le 13 août 2010, la société M. (le crédit-bailleur) et Mme J. (le preneur) ont conclu un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule automobile. On peut se demander ici, à la vue des faits, s’il s’agissait véritablement d’une opération de crédit-bail ou si ce n’était pas, plutôt, une location avec option d’achat.

Ce contrat est arrivé à son terme le 27 octobre 2013. Or, en dépit d'une mise en demeure adressée le 25 juin 2015, le preneur n'a ni levé l'option d'achat ni restitué le véhicule au crédit-bailleur. Celui-ci l'a alors assigné le 20 avril 2016 en paiement d’une indemnité en réparation de son préjudice de jouissance et en restitution du véhicule.

La cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 29 juillet 2020, n° 17/06623 N° Lexbase : A82693RP) ayant déclaré recevable l'action en restitution formée par le crédit-bailleur, ordonné la restitution du véhicule sous astreinte et, à défaut de restitution, autorisé son appréhension dans les conditions prévues aux articles R. 222-2 N° Lexbase : L2308ITN, R. 223-6 N° Lexbase : L2337ITQ à R. 223-13 du Code des procédures civiles d'exécution avec l'assistance d’un serrurier et de la force publique si besoin, le crédit-preneur a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Le crédit-preneur considérait, notamment, que l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur. Dès lors, en déclarant recevable l'action en restitution formée par la société de crédit-bail à l'encontre de l'exposante au motif inopérant que celle-ci ne justifiait nullement d'une prescription acquisitive concernant le véhicule loué et que la société était demeurée propriétaire du véhicule, quand celle-ci n'agissait pas en revendication du véhicule mais exerçait contre l'exposante une action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale dès lors qu'elle avait la qualité de consommateur, la cour d'appel aurait violé l'article L. 137-2 du Code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même Code.

Décision. La Cour de cassation ne partage, cependant, pas ce moyen. Elle le considère non fondé. Sa décision se veut très précise.

D’abord, elle indique qu’aux termes de l'article 2227 du Code civil N° Lexbase : L7182IAA, le droit de propriété est imprescriptible. Ainsi, selon l'article 2266 du Code civil N° Lexbase : L7191IAL, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, de sorte que le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.

Ensuite, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence. Elle a notamment été amenée à considérer que la propriété ne s’éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive (Cass. civ. 1, 2 juin 1993, n° 91-10.971, 90-21.982, 91-10.429 et 91-12.013, publié N° Lexbase : A3601ACD). De même, elle a déjà pu juger que l’action en revendication, par laquelle le propriétaire d'un meuble en réclame la restitution à celui à qui il l’a remis à titre précaire, naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue à l'ancien article L. 311-37 du Code de la consommation N° Lexbase : L6496AB9 ne constitue pas un titre pour le locataire et n’est pas applicable à l'action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (Cass. civ. 1, 20 décembre 1994, n° 93-11.624, publié N° Lexbase : A7588ABN).

Il en résulte alors que l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du Code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat.

La cour d'appel, qui avait relevé qu’au terme du contrat de crédit-bail, le preneur n'avait pas levé l’option d’achat du véhicule, avait alors exactement retenu que celui-ci était resté la propriété du crédit-bailleur et que l'action en restitution de son bien n'était pas soumise à la prescription biennale.

Observations. La solution, ici dégagée par la Haute juridiction, échappe selon nous à la critique. Elle est conforme à la jurisprudence rendue par la Cour de cassation en la matière depuis plusieurs années. Cette uniformité est d’ailleurs à souligner.

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