Réf. : Cons. const., décision n° 2022-992 QPC, du 13 mai 2022 N° Lexbase : A86387WT
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N1477BZQ
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par Marie-Claire Sgarra
le 18 Mai 2022
► Le 2° du 2 de l'article 1920 du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi n° 84-1208, du 29 décembre 1984, de finances pour 1985, relatif au droit de suite donné à l’administration en matière de taxe foncière, est contraire à la Constitution.
Pour rappel, le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. Ce privilège s'exerce, lorsqu'il n'existe pas d'hypothèques conventionnelles, sur tout le matériel servant à l'exploitation d'un établissement commercial, même lorsque ce matériel est réputé immeuble par application des dispositions du premier alinéa de l'article 524 du Code civil (CGI, art. 1920, 1 N° Lexbase : L5788MAM).
Que prévoient les dispositions au litige ? Aux termes de l’article 1920, 2, 2, du CGI, le privilège établi à l’article 1920, 1, précité s’exerce pour la taxe foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens ou immeubles sujets à la contribution.
Précisions. Les dispositions de l'article 1920, 2, 2, du CGI sont interprétées de façon constante par la Cour de cassation en ce sens que le privilège spécial mobilier du Trésor pour le recouvrement de la taxe foncière comporte un droit de suite et s'exerce donc sur les récoltes, fruits, loyers et revenus de l'immeuble après que le redevable de la taxe foncière l'a cédé (Cass. com., 28 mars 2006, n° 03-13.822, FS-P+B N° Lexbase : A8484DNK). Lire en ce sens sur cet arrêt, V. Le Quintrec, Le privilège spécial du Trésor en matière de taxe foncière est assorti d'un droit de suite, Lexbase Fiscal, avril 2006, n° 210 N° Lexbase : N6937AK7. La doctrine administrative va dans le même sens (BOI-REC-GAR-10-10-20-10 n° 240 N° Lexbase : X5156ALK) : « Le privilège spécial mobilier du Trésor est limité aux fruits de l'immeuble imposé : le Trésor n'a pas le privilège spécial sur les fruits des autres immeubles du contribuable. Il engendre un droit de suite : il atteint tous les revenus des immeubles imposés, sans qu'il soit besoin de distinguer si ces immeubles sont restés la propriété du contribuable ou s'ils ont été vendus à l'amiable ou judiciairement. Cette solution s'explique dans la mesure où l'impôt est une charge de l'immeuble lui-même. Dès lors, il est possible de saisir par voie de saisie administrative à tiers détenteur des loyers dus par un locataire d'un immeuble à raison des taxes foncières concernant cet immeuble, quand bien même l'immeuble en question ne serait plus la propriété du contribuable inscrit au rôle. » |
Solution du Conseil constitutionnel
Les dispositions contestées prévoient que, pour le recouvrement de la taxe foncière, ce privilège s'exerce sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir le recouvrement des créances publiques. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
Toutefois, ces dispositions, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelées ci-dessus, permettent que, en cas de transfert de propriété de l'immeuble, la créance de taxe foncière de l'ancien propriétaire puisse être recouvrée sur les loyers dus au nouveau propriétaire. En mettant cette créance à la charge de ce dernier, alors qu'il n'est ni le redevable légal de cet impôt ni tenu solidairement à son paiement, ces dispositions portent à son droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
Les dispositions contestées sont contraires à la Constitution.
À noter :
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les privilèges, Les privilèges mobiliers spéciaux du Trésor, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8689EPI. |
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