Réf. : Cass. civ. 3, 9 mars 2022, n° 20-22.627, F-D N° Lexbase : A50687QR
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 25 Mars 2022
► Le voisin peut solliciter la réparation du trouble qu’il subit du fait d’un chantier à l’encontre de son voisin ainsi que des constructeurs ;
► le trouble peut consister en un préjudice sonore consécutif à l’allongement de la durée des travaux.
Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9, la formule selon laquelle « Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin qu’il soit propriétaire ou non. C’est ainsi que la jurisprudence a pu admettre l’action du voisin contre les constructeurs d’un chantier situé sur le fonds contigu au sien (pour exemple Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-16.248 N° Lexbase : A0868RQ9). Mais, la plupart du temps, le voisin agira contre son voisin propriétaire.
La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434 N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159 N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la règlementation applicable. Or, la qualification de ce qui est normal, ou non, est, sans jeu de mots, troublante en droit. Quel est le référentiel ? Le bon père de famille qui n’existe plus ?
En l’espèce, un maître d’ouvrage entreprend des travaux en vue de la construction. Les voisins l’assignent en réparation, notamment, de leur préjudice de jouissance. La cour d’appel de Nouméa, dans un arrêt rendu le 10 septembre 2020, condamne le maître d’ouvrage à réparer ce préjudice. Les conseillers considèrent que le voisin subit un trouble anormal du voisinage du fait des nuisances subies consécutives à l’allongement du chantier. Il forme un pourvoi en cassation qui est rejeté.
La Haute juridiction rappelle que les juges du fond sont souverains dans leur appréciation du trouble anormal de voisinage.
Cet arrêt est ainsi l’occasion de rappeler l’épée de Damoclès qui pèse aujourd’hui sur les voisin et constructeur qui entreprennent un chantier. Le bruit, les poussières, la vue sont autant de gènes, intrinsèques à tout chantier, qui peuvent se révéler des troubles anormaux du voisinage comme l’illustre l’arrêt rapporté.
Cet arrêt est, également, l’occasion de rappeler le contrôle de motivation opéré par la Cour de cassation. Autrement dit, si les faits sont laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation exerce un contrôle sur la qualification du trouble anormal (pour exemple encore, Cass. civ. 3, 6 juillet 1988, n° 86-18.626 N° Lexbase : A6228CNY).
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