Réf. : Cass. civ. 1, 12 janvier 2022, n° 20-17.116, FS-D N° Lexbase : A52747I8
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N0117BZD
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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit
le 25 Janvier 2022
► Dans le cadre d’une saisie conservatoire à son encontre, est impropre à caractériser le droit de propriété de l’État irakien sur les fonds d'une société, le défaut de contestation par cette dernière de son inscription sur la liste des personnes dont les actifs sont gelés en vertu de la résolution du conseil de sécurité de l’ONU relative à l’ancien régime irakien.
Faits et procédures. Par deux sentences arbitrales des 9 février 1996 et 22 mars 2003, l’État irakien a été condamné à payer à une société néerlandaise certaines sommes. Les sentences reçoivent l’exequatur par ordonnance du 20 mars 2013 du président du tribunal de grande instance de Paris.
En exécution de ces titres, le 20 janvier 2014, la société néerlandaise a fait pratiquer entre les mains d’une banque une saisie conservatoire à l’encontre de l’État irakien. La saisie vise deux sociétés irakiennes définies par l’acte comme étant des entités « dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de la résolution de l'ONU ».
Aux fins de prononcer la nullité et la mainlevée de la saisie, l’État irakien et les sociétés irakiennes la contestent devant le juge de l’exécution de Nanterre qui les déboute (TGI Nanterre, 15 mai 2018, n° 15/01673). Le débat, se poursuivant devant la cour d’appel de Paris, concerne la titularité et la saisissabilité des avoirs et comptes litigieux (CA Versailles, 20 février 2020, n° 18/04333 N° Lexbase : A15163GA).
La cour d'appel constate que les sociétés, dont les actifs ont été saisis, ont été listées par le Conseil de sécurité de l’ONU en tant qu’entités proches du régime irakien dont il convient de geler les actifs en application de la Résolution 1483 (2003) du Conseil, transposée par l'Union européenne à travers le Règlement 1210/2003 N° Lexbase : L9429BHP. Selon la Résolution 1956 (2010) du Conseil de sécurité, les fonds gelés, qui devaient initialement être transférés au « Fonds de Développement pour l’Irak », devront l’être à des mécanismes successeurs, en l’occurrence l’État irakien. Par ailleurs, la cour se fonde sur l’article 18 du Règlement 2010/2003
Sur ces considérations, selon la cour d’appel, les sociétés n’étant que des écrans, les richesses économiques gelées sont celles de l'État d'Irak et sont saisissables.
Pourvoi. Outre l’une des sociétés irakiennes qui a été déchue de son pourvoi pour ne pas avoir signifié son mémoire en demande, la République d’Irak et l’autre société irakienne forment pourvoi en faisant grief à l’arrêt d’appel de rejeter leurs demandes d’annulation de la saisie alors que les biens en cause n’étaient pas la propriété de l’État irakien, le débiteur. Par ailleurs, ils soutiennent que la cour d’appel a qualifié la société d' « émanation de l’État irakien » sur des motifs qui n’étaient pas soutenus par l’appelé.
Réponses de la Cour. La première chambre civile abonde dans le sens des demandeurs au pourvoi en considérant, d’abord, que la cour s’est déterminée par un motif impropre à caractériser le droit de la propriété de l’État irakien sur les actifs litigieux à la date de la saisie. Ensuite, les Hauts magistrats censurent la cour d’appel qui, en retenant un motif qui n’était pas dans le débat, a modifié l’objet du litige.
Solution. La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les mesures conservatoires, Les biens objets de la saisie conservatoire, in Voies d'exécution, (dir. N. Fricéro et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E9755E8S . |
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