Le Quotidien du 14 janvier 2022 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur la prescription applicable au recours indu à l’année « lombarde »

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-16.350, F-B (N° Lexbase : A42147HK)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 17 Janvier 2022

► Ayant relevé qu’au soutien de leur action en déchéance du droit aux intérêts, les emprunteurs invoquaient notamment le recours à une année de trois cent soixante jours pour calculer les intérêts conventionnels, puis souverainement estimé qu'ils avaient pu déceler une telle irrégularité à la simple lecture de l’offre de prêt qui mentionnait cette base de calcul, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que le point de départ du délai de prescription de l’action devait être fixé au jour de l’acceptation de l’offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées.

Les intérêts conventionnels liés à un prêt ont longtemps suscité une interrogation : est-il possible de les calculer en se fondant, non pas sur une année civile de 365 ou 366 jours, mais sur une année théorique de 360 jours (correspondant à 12 mois de 30 jours chacun), plus connue sous l’expression d’année « lombarde » ? Jusqu’en 2019, la position de la Cour de cassation était simple : si le crédit était destiné à un consommateur, le recours à l’année « lombarde » n’était pas possible (Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-16.651, FS-P+B+I N° Lexbase : A2042KH4). En procédant de la sorte, la banque prêteuse s’exposait à la nullité de la clause prévoyant le taux conventionnel et à la substitution du taux légal.

Une double évolution s’est cependant produite, par la suite, en la matière. D’une part, depuis une décision du 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-19.097, F-P+B+I N° Lexbase : A3629Z48 ; M. Correia, Lexbase Affaires, janvier 2020, n° 619 N° Lexbase : N1750BYH), la Haute juridiction considère que l’emprunteur « doit, pour obtenir l’annulation de la stipulation d’intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d’une année de trois-cent-soixante jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3654IPZ) ». Les impacts du recours à l’année « lombarde » sur le taux effectif global ou sur le taux annuel effectif global doivent donc être suffisamment « notables ». Cette solution est aujourd’hui bien acquise (Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 19-12.541, F-D N° Lexbase : A25034EG - Cass. civ. 1, 2 juin 2021, n° 19-22.853, F-D N° Lexbase : A23524UN).

D’autre part, depuis un arrêt du 11 mars 2020 (Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-10.875, F-P+B N° Lexbase : A75773IH ; J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, mars 2020, n° 628 N° Lexbase : N2620BYP), il est acquis que la sanction pouvant être prononcée en la matière est la déchéance du droit aux intérêts modulables par le juge (dans le même sens, Cass. avis, 10 juin 2020, n° 20-70.001 N° Lexbase : A59493NN – Cass. civ. 1, 12 novembre 2020, n° 18-26.503, F-D N° Lexbase : A514534C – Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 18-25.865, F-P N° Lexbase : A88624BT ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 661 N° Lexbase : N6038BYB – Cass. civ. 1, 2 juin 2021, n° 19-22.853, F-D N° Lexbase : A23524UN).

Mais quelles sont les règles de prescription applicables en la matière ? Une décision du 5 janvier 2022 nous donne des indications sur ce point.

Le 11 mars 2004, une banque a consenti à M. L. et à Mme O. un prêt immobilier. Cependant, le 11 décembre 2015, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, puis sollicité, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts par voie de conclusions.

La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 26 mai 2020, n° 19/04090 N° Lexbase : A19393MR) ayant considéré leur demande irrecevable, car prescrite, M. L. et Mme O. ont formé un pourvoi en cassation. Ce dernier est cependant rejeté par la Haute juridiction.

Décision. Selon la Cour de cassation, en effet, ayant relevé qu’au soutien de leur action en déchéance du droit aux intérêts, les emprunteurs invoquaient notamment le recours à une année de trois cent soixante jours pour calculer les intérêts conventionnels, puis souverainement estimé qu'ils avaient pu déceler une telle irrégularité à la simple lecture de l’offre de prêt qui mentionnait cette base de calcul, c’est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le point de départ du délai de prescription de l’action devait être fixé au jour de l’acceptation de l’offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées. Elle avait pu en déduire que l'action des emprunteurs était prescrite.

Observations. Cette solution est, selon nous, cohérente.

D’abord, si l’offre de prêt mentionne expressément le recours indu à l’année lombarde pour calculer l’intérêt conventionnel, on peut considérer que la date de l’acceptation de l’offre constitue le point de départ de ce délai de prescription. Les juges du fond ont déjà eu l’occasion de se prononcer dans le même sens par le passé (CA Toulouse, 25 octobre 2017, n° 16/04264 N° Lexbase : A7833WWZ – CA Bordeaux, 28 février 2018, n° 16/06833 N° Lexbase : A7233XEM).

Ensuite, il est logique de dire que la date de révélation postérieure des autres irrégularités invoquées est ici sans incidence. Chaque manquement doit être vu, en effet, comme indépendant des autres. Il doit donc s’apprécier de façon autonome.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le droit du taux d'intérêt, Le recours à l'« année lombarde », in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E0921Z3I).

 

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