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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
le 26 Mars 2013
De même, s'agissant du régime de l'abattement pour durée de détention des titres de sociétés relevant de l'IS détenus par des dirigeants de PME partant à la retraite, une prorogation jusqu'au 31 décembre 2017 vient d'être adoptée (loi de finances pour 2013, art. 10, III et V). La condition liée à la date d'acquisition des titres, qui initialement était impérativement fixée à une date antérieure au 1er janvier 2006, est supprimée par la loi de finances pour 2013.
Que retenir principalement de ces deux derniers textes fiscaux de l'année 2012 ? Malheureusement, la stabilité fiscale n'est pas à l'ordre du jour : alors que les entreprises aspirent à une certaine prévisibilité de la loi fiscale (Priorités 2013 du directeur financier en matière de stratégie et gestion fiscale, Feuillet rapide Francis Lefebvre, FR 2/13, 11 janvier 2013, p. 19), participant ainsi à l'attractivité du territoire national à l'heure où, faut-il encore le rappeler, une concurrence internationale pour attirer les investissements et les "talents" fait rage (1), et pour laquelle la presse étrangère n'hésite jamais à citer le système fiscal français en contre-exemple (The Wall Street Journal, January 11th, 2013, p. 4), la loi de finances pour 2013 et la troisième loi de finances rectificative pour 2012 apportent leur lot de modifications à des régimes déjà amendés il y a quelques mois pourtant : c'est le cas, par exemple, de la déductibilité des aides entre entreprises à la suite d'une procédure de conciliation, modifiée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L9357ITQ) et qui fait l'objet d'une nouvelle intervention du législateur quatre mois après la précédente réforme initiée pendant l'été (voir infra).
La jurisprudence a joué un rôle très important en matière de déductibilité des aides à caractère financier entre les entreprises, en autorisant une entreprise à déduire de sa base imposable les aides, directes ou indirectes, versées à une autre entreprise française ou étrangère, à condition qu'elles ne soient pas qualifiées d'acte anormal de gestion. Le régime fiscal diffère alors selon la qualification retenue d'aide commerciale (entièrement déductible) ou financière (déductible à hauteur de la quote-part des minoritaires).
La seconde loi de finances rectificative du 16 août 2012 a mis un terme à certaines pratiques considérées comme "défiscalisantes" : en effet, les travaux parlementaires démontrent que les autorités publiques se sont émues de l'existence d'une optimisation fiscale consistant à accorder des aides plutôt que de recapitaliser les filiales et, ainsi, permettre de substantielles imputations de pertes de filiales étrangères en France. Seules sont désormais déductibles les aides à caractère commercial et les aides au profit des entreprises en difficulté faisant l'objet d'une procédure de conciliation avec homologation judiciaire ou d'une procédure collective, c'est-à-dire, dans l'Hexagone, la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire. La loi de finances rectificatives pour 2012 du 16 août 2012 avait donc conditionné l'application du régime de déduction des aides à l'existence d'un accord homologué au sens de l'article L. 611-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L3238ICW), c'est-à-dire un accord dont le contenu est publié, ce qui lui confère une certaine publicité et met fin, nécessairement, à la confidentialité (C. com., art. R. 611-43 N° Lexbase : L3593INE (2)).
Cette anomalie -que craignait l'administration fiscale en imposant jusqu'alors une homologation synonyme de publicité ?- est corrigée avec effet rétroactif au 4 juillet 2012 : la dernière loi de finances rectificative pour 2012 permet la déductibilité d'une aide lorsque l'entreprise a entamé une procédure de conciliation se concluant par un accord simplement constaté par le président du tribunal de commerce. L'homologation n'est donc plus obligatoire, ce qui est un progrès certain pour l'entreprise qui recherche une certaine confidentialité lorsqu'elle traverse des difficultés financières importantes susceptibles d'entraîner sa disparition à court terme.
Afin de mettre le droit français en conformité avec le droit de l'Union européenne, les dispositions de l'article 221 du CGI (N° Lexbase : L0316IWM) sont modifiées à compter du 14 novembre 2012 : lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement (3), et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs selon les deux modes suivants : soit pour la totalité de son montant ; soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant ; le solde étant acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours des quatre années suivantes.
Cependant, l'impôt devient immédiatement exigible dans l'hypothèse d'une cession des actifs ou leur transfert, dans le délai de cinq ans, dans un autre Etat n'ayant pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative, ou bien la dissolution de la société. Il en est de même en cas de non-respect de l'une des échéances de paiement. La société participera au contrôle de l'administration en adressant chaque année au service des impôts des non-résidents un état conforme à un modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values latentes sur les éléments de l'actif immobilisé transférés.
La loi de finances rectificative pour 2011 du 19 septembre 2011 a institué un plafond pour le report en avant, toujours illimité dans le temps, des déficits de sociétés soumises à l'IS (4) (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L1269IRG) résultant d'une limite d'un montant de 1 000 000 euros, majoré de 60 % du bénéfice de l'exercice excédant ce seuil.
La loi de finances pour 2013 apporte une modification de ce plafond de 60 %, pour l'abaisser à 50 %, ainsi justifiée par le Parlement : "du fait de cette absence de limite dans le temps, l'imposition n'est pas alourdie pour l'entreprise, qui finira par imputer le solde de déficit sur des bénéfices ultérieurs, à condition toutefois de ne pas disparaître. La mesure de plafonnement produit en revanche un gain budgétaire pour l'Etat, en reportant aux exercices suivants la perte d'IS résultant de l'imputation de déficits antérieurs. Le rendement attendu du plafonnement était estimé à 500 millions d'euros en 2011 et 1,5 milliard d'euros en 2012 ; la mesure devrait finalement rapporter respectivement 900 millions et 2,1 milliards d'euros", Rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), tome II, C. Eckert, p. 307).
S'agissant des entreprises en difficulté, la limite de 1 000 000 d'euros est majorée du montant des abandons de créances consentis à une société en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du Code de commerce (5) ou dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ouverte à son nom.
Les dispositions de l'article 219, I, a quinquies du CGI (N° Lexbase : L9520ITR) permettent une imposition à taux zéro des titres de participation détenus par une société soumise à l'IS depuis le 1er janvier 2007, sous réserve d'une quote-part de frais et charges imposable au taux de 5 % du résultat net des plus-values de cession, portée à 10 % depuis le 1er janvier 2011 (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 N° Lexbase : L1269IRG).
La loi de finances pour 2013 modifie le taux de cette quote-part de frais et charges, désormais relevé de 10 % à 12 %. De plus, l'assiette correspond au montant brut des plus-values constatées, sans prise en compte des moins-values. Il ne s'agit donc plus d'une quote-part de frais et charges portant sur un résultat net de cession mais sur un résultat brut.
A - Prorogation de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés de 5 % (loi de finances pour 2013, art. 30)
Les sociétés soumises à l'IS, dont le chiffre d'affaires est de plus 250 millions d'euros, sont assujetties à une contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés de 5 % au titre des exercices clos du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2013 (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, art. 30 N° Lexbase : L4994IRE ; Bofip, BOI-IS-DECLA-20-30 N° Lexbase : X4481ALK).
La loi de finances pour 2013 proroge cette contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés jusqu'au 31 décembre 2015.
B - Dernier acompte d'impôt sur les sociétés (loi de finances pour 2013, art. 26)
Le régime du dernier acompte d'impôt sur les sociétés est modifié, d'une part, du fait de l'abaissement, pour les entreprises soumises à ce dispositif, du seuil de chiffre d'affaires de 500 millions d'euros à 250 millions d'euros ; d'autre part, en relevant le pourcentage du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de l'exercice selon les modalités suivantes :
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et un milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre les trois quarts du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre un milliard d'euros et cinq milliards d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre 85 % du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires supérieur à cinq milliards d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre 95 % du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice ;
- pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, à la différence entre les trois quarts du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de cet exercice et le montant des acomptes déjà versés au titre du même exercice.
Les micro-entreprises et les PME, au sens du droit communautaire (6), peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt innovation de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits, au taux de 20 %.
Les dépenses, dans la limite globale de 400 000 euros par an, ouvrant droit au crédit d'impôt innovation, sont les suivantes :
- dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation des opérations susvisées ;
- dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations précitées ;
- autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces opérations fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements et de 50 % des dépenses de personnel susmentionnées ;
- dotations aux amortissements, frais de prise et de maintenance de brevets et de certificats d'obtention végétale, frais de dépôt de dessins et modèles relatifs aux opérations précitées ;
- dépenses exposées pour la réalisation de ces opérations confiées à des entreprises ou des bureaux d'études et d'ingénierie agréés selon des modalités prévues par décret.
Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel, ou exonérées (7), peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, au taux de 4 % en 2013 et de 6 % pour les années ultérieures, afin de financer l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement.
L'entreprise devra retracer dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt, conformément à aux objectifs précités, étant entendu que la vocation de ce crédit d'impôt n'est pas de financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni d'augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise.
Le crédit d'impôt est assis sur les rémunérations, régulièrement déclarées aux organismes de Sécurité sociale, que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile n'excédant pas deux fois et demie le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu (8).
Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat, inaliénable (9) et incessible, d'égal montant, qui peut être immédiatement remboursée au profit de certaines entreprises, dont les PME. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période.
Lors d'une vérification de comptabilité, les entreprises seront tenues de présenter une comptabilité dématérialisée lorsque cette dernière est informatisée. Les dispositions de l'article L. 47 A du LPF (N° Lexbase : L0282IWD), modifiées par la loi de finances rectificative pour 2012, seront applicables au 1er janvier 2014.
(1) V. s'agissant des mérites économiques et politiques de la Thaïlande exposés dans un "special advertising section" du magazine américain Time, December 10, 2012, p. 45 à 52.
(2) "Un avis du jugement d'homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. [...] Le même avis est publié dans un journal d'annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu'il est une personne physique, l'adresse de son entreprise ou de son activité. Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance. Ces publicités sont faites d'office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement".
(3) Dont la portée similaire à celle prévue par la Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 (N° Lexbase : L8286IGY).
(4) Même lorsqu'elles appartiennent à un groupe fiscal.
(5) "I. - Le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire. Il statue au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord, ou que ce dernier y met fin. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation. II. - Toutefois, à la demande du débiteur, le tribunal homologue l'accord obtenu si les conditions suivantes sont réunies : 1° Le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ; 2° Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ; 3° L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires".
(6) Règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, 6 août 2008, annexe I (N° Lexbase : L3848IGM).
(7) En application des articles 44 sexies (N° Lexbase : L0835IPM), 44 sexies A (N° Lexbase : L1174ITN), 44 septies (N° Lexbase : L5028IC9), 44 octies (N° Lexbase : L0833IPK), 44 octies A (N° Lexbase : L5401IRH) et 44 decies (N° Lexbase : L2947IGA) à 44 quindecies du CGI.
(8) S'agissant des salariés qui ne sont pas employés à temps plein, ou qui ne sont pas employés sur toute l'année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise.
(9) La mobilisation auprès d'un établissement financier est possible, mais la créance ne peut faire l'objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d'un ou de plusieurs cessionnaires ou créanciers.
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