Le Quotidien du 5 janvier 2022 : Majeurs protégés

[Brèves] Habilitation familiale : autorisation, sous le contrôle du juge des contentieux de la protection, de la personne habilitée à accomplir une donation en représentation du majeur protégé hors d’état de manifester sa volonté

Réf. : Cass. Avis, 15 décembre 2021, n° 21-70.022, FS-B (N° Lexbase : A30267G8)

Lecture: 4 min

N9944BYX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Habilitation familiale : autorisation, sous le contrôle du juge des contentieux de la protection, de la personne habilitée à accomplir une donation en représentation du majeur protégé hors d’état de manifester sa volonté. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/76658405-breveshabilitationfamilialeautorisationsouslecontroledujugedescontentieuxdelaprotection
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 04 Janvier 2022

► Lorsqu'une personne protégée faisant l'objet d'une mesure d'habilitation familiale est hors d'état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu'après s'être assuré, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

Telle est, en substance, la réponse apportée par la Cour de cassation qui avait été saisie pour avis, par le tribunal judiciaire de Rouen, pour répondre à la question suivante.

Question. L'absence de caractérisation d'une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée, fait-elle nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d'autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l'ensemble des actes relatifs à ses biens, sur le fondement des articles 494-1 (N° Lexbase : L7355LP4) et suivants du Code civil, à procéder à une donation ?

Réponse de la Cour de cassation. Selon la Haute juridiction, l'article 494-6, alinéa 4, du Code civil (N° Lexbase : L7352LPY) est à rapprocher de l'article 476, alinéa 1er, du même code (N° Lexbase : L8462HWC), aux termes duquel la personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations et qui constitue une exception au principe posé à l'article 509 de ce code (N° Lexbase : L2246IBS), selon lequel le tuteur ne peut, même avec une autorisation, accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée.

Dans le but de mieux respecter la volonté de la personne placée sous un système de protection nécessitant en principe sa représentation, le législateur contemporain lui a ainsi reconnu une certaine liberté de disposer à titre gratuit de ses biens entre vifs, comme elle dispose d'une certaine liberté de disposer de ses biens à cause de mort. Il l'a cependant placée sous le contrôle du juge ou du conseil de famille, qui doit autoriser la libéralité.

Mais, à la différence de l'article 476, alinéa 2, qui prévoit que la personne en tutelle ne peut faire que seule son testament, le tuteur ne pouvant ni l'assister ni la représenter, et qui requiert donc que la personne soit capable d'exprimer librement sa volonté au moment de sa réalisation, l'article 494-6, alinéa 4, comme l'article 476, alinéa 1er, n'exclut pas le cas où la personne protégée représentée est hors d'état de manifester sa volonté.

De plus, selon la Cour suprême, interdire toute donation dans cette hypothèse aboutirait à geler le patrimoine de la personne jusqu'à son décès et pourrait, en constituant un frein aux solidarités familiales, s'avérer contraire à ses intérêts.

À l'inverse, permettre son autorisation sans restriction reviendrait à nier le caractère personnel de la donation.

Conclusion. Dans cette hypothèse, il incombe par conséquent au juge des contentieux de la protection, de s'assurer, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : L'habilitation familiale, in La protection des mineurs et des majeurs vulnérables, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E0710E98).

newsid:479944