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par Thierry Charles, Docteur en droit, Directeur des Affaires Juridiques d'Allizé-Plasturgie, Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie et du Centre National de la Sous-Traitance
le 17 Janvier 2013
Les entreprises malades des retards de paiement. Ce constat est confirmé, notamment par le onzième baromètre européen des pratiques de paiement (printemps 2012) de l'assureur crédit Atradius qui pointe la forte dégradation des délais de paiement sur la zone Europe avec une situation particulièrement préoccupante en Grèce, qui connaît une dégradation très forte des délais de règlement qui s'élèvent à 75 jours en moyenne, bien au-dessus de la moyenne européenne (4). Dans les 14 pays d'Europe occidentale étudiés, 30 % en moyenne du montant total des créances "B2B" (business to business) sont payés après l'échéance, dont 20 % au-delà de deux mois et 3 % restant définitivement irrécouvrables (5).
C'est en Grèce que la situation est la plus précaire, avec 90 jours de retard, mais c'est bien toute l'Europe qui est pénalisée. La sentence était déjà proverbiale dans la littérature grecque ou italienne : "Se Atene piange Sparta non ride" (Si Athènes pleure, Sparte ne rit guère). En effet, selon une étude, lancée par la Médiation interentreprises, sur la qualité des relations clients-fournisseurs menée auprès de 120 grands donneurs d'ordres début 2012, le classement révèle que plus de 90 % des entreprises subissent encore des retards de paiement de leurs clients (l'examen portait également sur les conditions générales d'achats et de gestion des litiges).
Les choses ne pouvant être pires, l'idée était de pointer du doigt les entreprises les moins bien notées et notamment les sociétés qui ont signé la "Charte des relations interentreprises", et d'essayer de les [r]amener à la raison (6). Fort logiquement (sic !), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises françaises apparaissent moins vertueuses : moins d'une sur dix paye les fournisseurs et sous-traitants sans retard. L'ancien médiateur de la sous-traitance Jean-Claude Volot (7) avait d'ailleurs déclaré que l'inobservation des délais de paiement légaux "était le quatrième poste de préoccupation dans notre baromètre d'août-septembre, c'est devenu le premier sujet de réclamation en novembre-décembre 2011". Et Francis Pécresse, dans une analyse parue dans Les Echos du 10 janvier 2012 et intitulée "Les grands groupes prennent leurs PME pour leurs banquiers", soulignait qu'en bafouant la loi "en payant leurs fournisseurs au-delà de 60 jours, les grandes entreprises gardent pour elles plus de 10 milliards d'euros de trésorerie [et mettent] en danger la santé financière de milliers de PME".
Enfin, la corrélation entre le risque de défaillance et les retards de paiement est à nouveau soulignée avec un seuil de 30 jours de retard identifié comme point d'accélération du niveau de risque (de l'ordre de six fois plus). Le comportement de paiement est un indicateur avancé d'analyse du risque : preuve une fois encore que retards de paiement et pérennité d'entreprises sont indissociables. En outre, on constate des disparités importantes entre secteurs (construction, communication, énergie, activités de soutien aux entreprises) ainsi qu'une forte hétérogénéité des situations au sein de certains secteurs comme le commerce.
Les dérives du bâtiment. A cet égard, la loi du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (loi n° 2012-387 N° Lexbase : L5099ISN) a tenté de mettre fin à ce désavantage dans les entreprises du BTP, en insérant un nouvel article dans le Code de la construction et de l'habitation (article L. 111-3-1 N° Lexbase : L5998ISX).
Dans le secteur du bâtiment en effet on constate, malgré les dispositions de la loi de modernisation de l'économie ("LME") du 4 août 2008 (8), une dégradation de la situation des entreprises du secteur avec une contraction des crédits fournisseurs et une augmentation des délais clients. Ainsi, le nouvel article L. 111-3-1 du Code de la construction et de l'habitation stipule que les délais de paiement convenus pour le règlement des acomptes mensuels et du solde des marchés de travaux privés mentionnés au 3° de l'article 1779 du Code civil (N° Lexbase : L1748IEH) ne peuvent dépasser les termes plafonds de la loi de modernisation de l'économie et que, dans le cas contraire, l'entrepreneur peut suspendre l'exécution des travaux après mise en demeure de son créancier restée infructueuse à l'issue d'un délai de quinze jours (9). A noter que la discussion de ces amendements a été très brève et n'a pas généré de commentaires particuliers. La députée Catherine Vautrin [par ailleurs Présidente de la CEPC] soulignant "[...] combien cet amendement est attendu puisqu'il a pour objet, tout simplement, de faire respecter la loi de modernisation de l'économie. Le bâtiment est un des secteurs dans lesquels, malheureusement, le texte n'était pas totalement respecté. Dès lors, très souvent, les entreprises du bâtiment se trouvent dans une situation très difficile puisque, d'un côté, elles doivent régler leurs fournisseurs dans les délais impartis par la loi, et que, de l'autre, elles ne sont pas elles-mêmes réglées correctement par leurs clients. Cet amendement représente par conséquent une avancée tout à fait importante".
Afin d'assurer l'effectivité de cette obligation, la disposition proposée ouvre en outre la faculté aux entrepreneurs du bâtiment de suspendre l'exécution des travaux à l'issue d'un délai de 15 jours suivant une mise en demeure de payer restée sans effet (il s'agit d'un mécanisme proche de celui prévu à l'article 1799-1 du Code civil N° Lexbase : L1936ABC qui prévoit une telle possibilité de suspendre l'exécution du contrat lorsque la garantie de paiement du marché n'a pas été fournie).
Et pour les autres secteurs, ces "parangons" de la vertu ?
L'Europe s'en mêle. Posons-nous tout d'abord cette question : combien de réformes majeures aurions-nous menées à bien si nous n'avions pas utilisé l'Europe pour nous les imposer de l'extérieur ?
Une fois encore, la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives transpose en droit français la Directive 2011/7/UE du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (N° Lexbase : L4082IPU). Les nouvelles dispositions apportées par la loi modifient notamment l'article L. 441-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6089ISC). Mais alors que la Directive européenne suscite beaucoup d'attentes, selon l'avocat Luc-Marie Augagneur, les entreprises risquent de déchanter : "En particulier, les entreprises françaises soumises aux règles contraignantes de loi de modernisation de l'économie espèrent que le Directive puisse remédier aux distorsions de concurrence avec les opérateurs des autres pays de l'Union. Ni la transposition françaises [...], ni la méthodologie normative dont procède la directive ne devraient les rassurer à court terme" (10).
Du point de vue de la transposition française, il est appliqué tout d'abord aux pénalités de retard de paiement, les taux de la Banque centrale européenne (BCE) en vigueur au 1er janvier de l'année en question, pendant le premier semestre, et au 1er juillet de l'année en question, pour le second semestre. Par ailleurs, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire (fixé par décret du 2 octobre 2012) pour frais de recouvrement et, lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification (à noter que le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due). Enfin, lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est limitée à 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou une pratique abusive.
Si le législateur n'a pas modifié le Code de commerce en prévoyant la faculté de déroger conventionnellement au délai de 60 jours, toutefois l'autorisation prévue par l'article 21 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, se voit prolongée. Rappelons que cette autorisation bénéficie à certains secteurs en leur permettant de conclure des accords interprofessionnels pouvant déroger au plafond légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires à compter de la date d'émission de la facture. Néanmoins, ces accords doivent obligatoirement être conclus dans les six mois suivant la publication de la loi, ils ne peuvent avoir une durée supérieure à trois ans et doivent être homologués par décret après avis de l'Autorité de la concurrence.
L'exception qui est devenue une règle. Rappelons que la loi de modernisation économique a fixé des délais de paiement maximums, tout en laissant la possibilité aux entreprises de signer des accords dérogatoires interprofessionnels dont la durée ne devait pas dépasser le 31 décembre 2011 (amenant ainsi les entreprises appartenant aux quelques 36 secteurs d'activité à entrer dans le rang et à régler leurs fournisseurs selon le droit commun).
Or, depuis le 1er janvier 2009, les délais de paiement ont fait l'objet de nombreux débats et de contestations. Leur application a été contestée. Et en 2012, la loi de simplification du droit sème à nouveau le doute quant au devenir des accords dérogatoires. Profitant de la possibilité offerte par la Directive 2011/7/UE du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, de déroger au délai de principe de soixante jours, sous réserve que "cela ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier", un projet d'amendement visant à pérenniser ces accords, a en effet été intégré dans la proposition de loi de simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. Ainsi, l'article 121 de la loi n° 2012-387 prévoit la possibilité d'inclure dans des accords interprofessionnels des délais de paiement plus longs que les délais légaux de l'article L. 441-6 du Code de commerce et ce, pour les secteurs déjà couverts par un accord dont la vente ou la prestation présente un caractère saisonnier particulièrement marqué rendant difficile le respect du délai prévu et à condition que ces accords fixent des délais inférieurs aux délais de paiement applicables au 31 décembre 2011 en application de l'accord qui avait été conclu.
Face à ce flou artistique, c'est donc sans surprise que le pourcentage d'entreprises qui respectent les délais de paiement recule légèrement à 32,6 % contre 32,9 % en début d'année 2012, et en même temps, la part de report de 1 à 15 jours augmente de 35,7 % à 36 %.
Les entreprises victimes et gendarmes. Si la Directive européenne n'harmonise pas les délais de paiement, elle instaure une indemnisation forfaitaire de 40 euros minimum à titre de compensation pour frais de recouvrement. Dès lors, à compter du 1er janvier 2013, tout professionnel en situation de retard de paiement devient débiteur de plein droit d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros qui s'ajoute aux pénalités de retard. En effet, depuis le 1er janvier 2013, les entreprises peuvent réclamer à leurs clients professionnels qui ne paient pas dans les délais prévus, une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, en plus des pénalités de retard. Si les frais de recouvrement réellement engagés sont supérieurs à ce montant forfaitaire, une indemnisation complémentaire sur justification peut être demandée au débiteur.
Sans dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, depuis le 1er janvier 2009, le délai de règlement est fixé au trentième jour suivant la réception des marchandises ou l'exécution de la prestation. Mais s'il est précisé au contrat, le délai peut aller au-delà des trente jours, sans dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture (C. com., art. L. 441-6). En effet, l'article L. 441-6 du Code de commerce dans sa version applicable au 1er janvier 2013 prévoit que "tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due".
A noter que cet article prévoit également que les conditions générales de vente (CGV) doivent indiquer le montant de cette indemnité forfaitaire (de 40 euros). Par ailleurs, la mention de cette indemnité forfaitaire doit également figurer sur la facture (C. com., art. L. 441-3 N° Lexbase : L6088ISB). En conséquence, sous peine de sanctions, il convient de modifier le texte des CGV sans oublier d'ajouter cette mention sur les factures. Les entreprises pourront surtout faire valoir auprès de leurs clients défaillants l'application de cette pénalité qui est due automatiquement pour toute facture qui n'aura pas été payée à son échéance. La loi impose que cette mention apparaisse, d'une part, sur la facture, sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 75 000 euros ou 50 % de la somme facturée (C. com., art. L. 441-3 et L. 441-4 N° Lexbase : L6599AIA), et, d'autre part, dans les conditions générales de vente (CGV), sous peine de 15 000 eruos d'amende (C. com., art. L. 441-6, al. 12).
Reste qu'en dehors de ces aménagements à la marge, "l'électrochoc culturel" d'une nouvelle réforme des délais de paiement n'a pas eu lieu -la généralisation des 30 jours est reportée sine die- et le crédit interentreprises au -seul ?- profit des grands donneurs d'ordres a encore de beaux jours devant lui !
La réflexion demeure pour autant, en France tout au moins.
Un rapport chasse l'autre. En novembre 2012, le rapport du commissaire général à l'investissement, Louis Gallois établit un diagnostic sur la compétitivité de l'industrie française et émet à ce titre 22 propositions de mesures. L'une de ces mesures porte sans surprise sur le crédit interentreprises. Selon le rapport, les dispositions de la "LME" de 2008 sont trop souvent contournées.
Les 22 propositions du rapport de Louis Gallois (12) doivent inspirer le Gouvernement dans ses mesures pour soutenir la compétitivité. Auparavant -pour ceux qui n'ont pas la mémoire courte-, le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, dit rapport "Attali", préconisait déjà une série de mesures : 314 propositions pour la plupart restées "lettres mortes". L'intérêt économique de la réduction des délais de paiement, notamment pour les petites et moyennes entreprises dont la gestion de trésorerie est plus délicate, avait notamment été souligné par le rapport "Attali" de 2010. Alors que ce rapport préconisait des délais de paiement à 30 jours, la "LME", adoptée par les parlementaires en juillet 2008, plafonnait le délai de paiement convenu entre les entreprises à 45 jours fin de mois, ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture.
La même exigence se retrouve dans le rapport "Gallois" qui précise (page 40) : "les exigences de la LME de 2008 sont trop souvent contournées [...]. Les fournisseurs hésitent à aller devant les tribunaux contre leurs clients. Il devrait être confirmé aux Commissaires aux comptes qu'ils doivent obligatoirement joindre à leurs avis sur les comptes de l'entreprise, le Rapport prévu et trop souvent absent sur le crédit interentreprises [...]. Des sanctions administratives (DGCCRF) devraient être prévues en cas de manquement".
Ainsi il est proposé à la fois de remettre l'accent sur le rôle du commissaire aux comptes en la matière, de "normer" les informations à fournir via une concertation des acteurs et de mettre en place des sanctions administratives par l'intermédiaire de la DGCCRF en cas de manquement aux règles sur les délais de paiement. Rappelons que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes publient des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients suivant des modalités définies par décret. Ces informations font l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes dans des conditions fixées par ce même décret. Toutefois, les informations concernant les microentreprises ainsi que les PME, mentionnées à l'article 51 de la "LME", ne figurent plus au rapport du commissaire aux comptes (C. com., art. L. 441-6, modifié par l'article 121 de la loi n° 2008-776).
Pour autant, la dix-septième proposition du rapport "Gallois" vient confirmer aux commissaires aux comptes "qu'ils doivent obligatoirement joindre à leur avis sur les comptes de l'entreprise, un rapport sur le crédit interentreprises". Or, en mai 2010, nous doutions déjà du "zèle" des commissaires aux comptes (14).
Enfin selon le rapport Gallois, il faudra aussi prévoir des sanctions administratives (via la DGCCRF) en cas de manquement aux règles sur les délais de paiement. Il était temps !
Là encore dès 2008, nous nous interrogions sur la capacité pour un fournisseur de faire réduire les délais de paiement abusifs : "Seul un tribunal peut prononcer de telles sanctions. Mais en pratique, imagine-t-on un fournisseur, un sous-traitant ou un prestataire de service qui prendrait le risque d'assigner devant les tribunaux son donneur d'ordre ? Quelle chance aurait-il dans ces conditions de garder son client ? Les PME auraient sans doute souhaité que le législateur donne davantage de moyens à la DGCCRF, afin de lutter contre les mauvaises pratiques" (15).
Dès l'origine, la réforme des délais de paiement était "condamnée", comme nous l'indiquions dans un essai publié dès juin 2009 (16). Il était en effet utopique de croire que l'entreprise victime pouvait poursuive son client devant le juge commercial, par crainte de mettre à mal sa relation commerciale avec son donneur d'ordres (17). Quelle naïveté de la part du législateur de 2008 qui feignait de croire que les sanctions prévues (de nature civile, les mêmes que pour toutes les autres pratiques abusives, à savoir des dommages et intérêts, une amende civile pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros, l'ordre de cesser les pratiques, et l'annulation des clauses illicites) auraient un quelconque impact sur les mauvais payeurs, ces "faux-monnayeurs" que nous stigmatisions dans notre essai.
Face à un tel constat d'échec, le Gouvernement se remet à l'ouvrage en lançant au mois de décembre 2012 de nouvelles réflexions (18) et une consultation publique sur un projet gouvernemental de réforme de certaines dispositions du Code de commerce en matière de délais de paiement.
L'ultime réforme. A la suite d'une réunion du 27 juin 2012, les dirigeants de l'Observatoire des délais de paiement ont rencontré les conseillers ministériels chargés des délais de paiement et des responsables de la DGCCRF et du Financement et Développement des Entreprises à la Direction Général du Trésor. Selon le Codinf (lettre du mois de septembre 2012), les membres du groupe sont invités à collecter des informations sur l'application de la réforme des délais de paiement (dans la perspective d'une lettre à l'intention du ministre).
Les éclaircissements portent notamment sur les formules qui leur semblent les plus appropriées au calcul des différentes mesures, en particulier la computation des délais de paiement et la définition des "45 jours fin de mois" : les entreprises ayant dû composer au mieux avec la rédaction maladroite du texte. Les travaux portent également sur le recensement des notions les plus floues, à l'origine des "délais cachés", et les suggestions de formulation qui les clarifieraient ; les cas concrets les plus illustratifs des conséquences négatives du non-respect de la loi ; et enfin les propositions de mesures pour améliorer la mise en application de la loi (simplification des processus de facturation, règlement du montant non-litigieux d'une facture, etc.). Au mois de décembre 2012, s'inspirant du rapport "Gallois", le Gouvernement a envisagé également de proposer au législateur plusieurs modifications du Code de commerce pour renforcer le dispositif actuel de sanctions.
Le temps a fait son oeuvre.
A ce stade de la réflexion, le Gouvernement souhaite ainsi proposer au législateur un renforcement du dispositif de sanctions existant en cas de dépassement des délais de paiement. Dans cette perspective, un projet de texte (modifiant les dispositions du Code de commerce et notamment les articles L. 441-6 et L. 443-1) doit être intégré dans le futur projet de loi sur la consommation (19). Le projet de texte vise, d'une part, à remplacer les sanctions civiles et pénales existantes en cas de non-respect des délais de paiement interentreprises par une sanction administrative (20). D'autre part, le projet de texte prévoit la création d'un nouveau délai de paiement spécifiquement applicable aux factures récapitulatives (21). Conformément à l'objectif de réduction globale des délais de paiement, il apparaît en effet souhaitable pour ce type de facture de prévoir un délai de paiement spécifique de 45 jours nets à compter de la date d'émission de la facture (récapitulative) (22).
En conclusion, il semble qu'avec le renforcement des pouvoirs de sanctions administratives de la DGCCRF en dépénalisant certaines infractions prohibées -la DGCCRF pouvant ainsi dès lors prononcer elle-même des sanctions comme des amendes administratives- ou encore en contraignant les professionnels à communiquer dans la presse locale sur les sanctions que la DGCCRF leur aurait imposées, le message du terrain ait été enfin entendu.
(1) Voir, Les Echos, 2 mai 2012.
(2) Voir, dossier de presse sur le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
(3) Depuis le 1er janvier 2009, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture (C. com., art. L. 441-6 N° Lexbase : L6089ISC).
(4) Selon une étude du comportement de paiement en Europe, les paiements interentreprises se tendent légèrement en France et dans plusieurs pays d'Europe (in Les comportements de paiement des entreprises en France: 1er trimestre 2012). Ainsi, près de 33 % des entreprises françaises payent leurs factures sans retard [en dépit d'une conjoncture de très lente sortie de crise], mais 36 % en décalent le règlement de 1 à 15 jours. Il s'agit du pourcentage le plus élevé en Europe. Voir également le communiqué de presse Altradius du 31 mai 2012.
(5) En Europe, le retard moyen est quasi stable à 13,2 jours. L'Allemagne continue de tirer son épingle du jeu avec des retards en moyenne de seulement 6 jours tandis que le Royaume-Uni repasse au-dessus de la barre des 16 jours et la péninsule Ibérique reste au-delà de 20 jours. En France, cinq régions présentent des taux de paiements non retardés compris entre 33 % et 36 %. Il s'agit de la Lorraine (33,4 %), Rhône-Alpes (33,6 %), Champagne-Ardenne (34,8 %), Languedoc-Roussillon (35,4 %) et Centre (35,7 %).
(6) Voir la Charte des relations interentreprises.
(7) Par décret du Président de la République en date du 22 novembre 2012, Pierre Pelouzet est nommé Médiateur des relations inter-entreprises, placé auprès du ministre du redressement productif et de la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Il remplace ainsi Jean-Claude Volot démissionnaire.
(8) Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR).
(9) On constate des dépassements récurrents des délais de paiement des maîtres d'ouvrage privés. En conséquence de ces abus, on observe une dégradation de la situation des entreprises du secteur entre 2008 et 2010 avec une contraction des crédits fournisseurs et une augmentation des délais clients (étude BTP Banque).
(10) Lire L.-M. Augagneur, La Directive n°2011/7 à la recherche d'une culture du paiement rapide, JCP éd E, 2011, 1912.
(11) Insertion dans le Code de commerce d'un article D. 441-5 (N° Lexbase : L1543IUP) qui fixe le montant de l'indemnité à 40 euros.
(12) Voir rapport remis le 5 novembre 2012 au Premier ministre, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, dit rapport "Galois".
(13) Lire le rapport de la Commission pour la libération de la croissance,Sortir de la crise : une ambition pour dix ans, 2010, p. 113.
(14) Lire à ce propos, nos. obs., Réforme des délais de paiement : la coupe est pleine !, Finyear 10 mai 2010.
(15) Lire, nos obs., LME : ce chien de Jean de Nivelle qui s'en va quand on l'appelle..., Finyear, 14 novembre 2008.
(16) Lire Th. Charles, Réforme des délais de paiement et modernisation de l'économie. De l'intention aux actes ?, Editions Lignes de Repères, juin 2009.
(17) Rappelons que le ministre de l'Economie peut saisir le tribunal de commerce pour faire sanctionner une entreprise qui ne respecterait pas les délais. Par ailleurs, il peut dresser un procès-verbal d'infraction et le transmettre au Procureur en cas de non respect des délais règlementés applicables aux ventes de viandes, produits périssables ou boissons alcooliques (C. com., art. L. 443-1 N° Lexbase : L4981IUZ), par exemple, ou aux prestations de transport (C. com., art. L. 441-6, I, al. 11). Mais le dispositif de sanctions demandées par le ministre de l'Economie souffre d'une certaine rigidité qui ne permet pas de sanctionner rapidement les manquements constatés.
(18) Pour le compte de la Fédération de la Plasturgie, nous avions avait déjà évoqué les carences du précédent texte ("LME" de 2008) devant les Sénateurs Martial Bourquin (Président du groupe d'études sur l'industrie & vice-Président de la commission des affaires économiques), et Jean-Jacques Mirassou, ainsi que devant les membres du Groupe socialiste et apparentés et notamment Claude Bérit-Debat et Marc Daunis, le 11 juillet 2012 au Palais du Luxembourg (Sénat).
(19) Voir communiqué du ministère de l'Economie et des Finances.
(20) Il serait ainsi prévu qu'après constat, par procès-verbal des agents habilités, d'un manquement aux règles relatives aux délais de paiement, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation pourrait prononcer une amende administrative, dont le montant maximum serait prévu par la loi. Une procédure contradictoire de contestation du manquement et de l'amende, ainsi qu'une procédure de recouvrement de l'amende par les comptables publics, seraient mises en place.
(21) Rappelons que la facture récapitulative, par exception à la règle de facturation immédiate, est établie par les entreprises en fin de mois, dans certains secteurs contraints de procéder à des livraisons fréquentes au profit d'un même client au cours du même mois.
(22) Il serait ainsi ajouté à l'article L. 441-6, I, du Code de commerce un alinéa ainsi rédigé : "En cas de facture périodique, prévue à l'article 289 du Code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de cette facture".
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