Réf. : Cons. const., décision n° 2021-949/950 QPC, du 24 novembre 2021 (N° Lexbase : A74927CH)
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par Adélaïde Léon
le 21 Décembre 2021
► Ni l’article 131-21 du Code pénal ni aucune autre disposition ne prévoit que lorsque la confiscation d’un bien commun conjugal est envisagée, l’époux non condamné soit en mesure de présenter ses observations sur cette mesure devant la juridiction de jugement ; le Conseil constitutionnel censure par conséquent la quasi-totalité de l’article 131-21 du Code pénal à compter du 31 décembre 2022.
Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 septembre 2021 par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, huitième et neuvième alinéas de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ) dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (N° Lexbase : L6136IYW).
Motifs des QPC. Selon les requérantes, les dispositions en cause méconnaîtraient les exigences résultant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D), relative au droit à un recours effectif dans le respect des droits de la défense. Elles reprochaient au texte visé d’autoriser la juridiction de jugement à ordonner la confiscation d’un bien de la communauté conjugale sans prévoir que l’époux du condamné soit cité à comparaître ni informé de son droit de présenter des observations, de se faire représenter par un avocat et d’interjeter appel de la décision.
Par ailleurs, les dispositions visées seraient, selon les requérantes, contraires au principe de personnalité des peines et au droit de propriété au motif qu’elles ne prévoient pas la faculté, pour le juge pénal à l’origine de la confiscation d’un bien commun, de procéder à une liquidation partielle et anticipée de la communauté.
Décision. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il a préalablement déclaré contraires à la Constitution le troisième alinéa de l’article en cause et les mots « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition » figurant au neuvième alinéa (Cons. const., décision n° 2021-932 QPC, du 23 septembre 2021 N° Lexbase : A141347H). En l’absence de nouvelles circonstances, il écarte la QPC portant sur ces dispositions.
S’agissant des autres passages visés, les Sages rappellent que, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, lorsque la confiscation porte sur un bien appartenant à la communauté, elle emporte sa dévolution pour le tout à l’État, sans que ce bien demeure grevé des droits de l’époux non condamné pénalement, et ce, même si ce dernier est de bonne foi.
Le Conseil note également que, selon l’interprétation faite par la Cour de cassation dans les arrêts de renvoi (Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 21-82.389, F-D N° Lexbase : A9161443 et Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 21-90.029, F-D N° Lexbase : A912944U), pour prononcer la confiscation d’un bien commun, le juge doit :
Toutefois, les Sages constatent que ni les dispositions contestées ni aucune autre ne prévoient le droit, pour l’époux non condamné, d’être mis en demeure de présenter ses observations devant la juridiction de jugement qui envisage de prononcer la mesure de confiscation.
Le Conseil constitutionnel déclare en revanche contraires à la Constitution les deuxième, quatrième, cinquième, sixième, huitième alinéas de l'article 131-21 ainsi que les dispositions du neuvième alinéa sur lesquelles il ne s'est pas prononcé par le passé.
Estimant que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives en privant la juridiction de jugement de la faculté de prononcer une peine de confiscation, le Conseil reporte au 31 décembre 2022 l’abrogation desdites dispositions et décide que les mesures prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
On précisera qu'entre la saisine du Conseil et la décision ici décrite, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (adoptée le 18 novembre 2021 puis déférée au Conseil constitutionnel par le Premier ministre le 22 novembre 2021) est venue prévoir l'insertion d'un nouvel alinéa à l'article 131-21 du Code pénal, permettant aux tiers de bonne foi de faire valoir leurs droits et ainsi rédigé : « Lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ».
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