Réf. : Cass. civ. 3, 10 novembre 2021, n° 20-17.575, F-D (N° Lexbase : A75427BX)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 22 Novembre 2021
► Le préjudice de perte de chance est réparable ;
► il est fait application du principe de réparation intégrale lorsque le préjudice de perte de chance est certain.
En l’espèce, des particuliers ont accepté le devis d’un constructeur en vue de la fabrication d’une maison individuelle en bois massif. Ils ont acquis le terrain, souscrit des prêts mais la maison ne serait jamais édifiée compte tenu de la déconfiture du constructeur. Aucune garantie de livraison n’a été souscrite. Les maîtres d’ouvrage assignent le liquidateur judiciaire du constructeur et la banque en nullité du contrat et indemnisation de leurs préjudices.
La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 23 janvier 2020, condamne la banque à leur payer la somme de 193 458 euros qui ne correspond pas à la totalité de la somme empruntée. Les maîtres d’ouvrage forment un pourvoi en cassation aux motifs, notamment, que le banquier, qui accepte de financer une opération de construction au visa d’un contrat non conforme aux exigences légales applicables au contrat de construction de maison individuelle et qui débloque les fonds en l’absence de garantie de livraison, doit supporter l’intégralité du préjudice en résultant pour le maître d’ouvrage.
Les conseillers d’appel avaient, en effet, considéré que le prêteur n’avait pas l’obligation légale de requalifier le contrat qui lui était soumis en contrat de construction de maison individuelle. Ils ont donc limité l’indemnisation des maîtres d’ouvrage à la perte de chance de ne pas contracter, imputable au manquement de la banque à son obligation de renseignement et de conseil.
La Haute juridiction rejette le pourvoi. L’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L7285ABG) ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier en contrat de construction de maison individuelle le document qui lui est soumis en vue de la souscription d’un prêt. La solution n’est pas nouvelle (Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-15.650, publié au bulletin N° Lexbase : A0802AZQ).
Le prêteur a, en revanche, une obligation d’information et de conseil qui aurait dû le conduire à alerter les maîtres d’ouvrage des risques pris. Là encore, la solution n’est pas nouvelle (Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, n° 10-19.714, FS-P+B N° Lexbase : A5270IAG). L’obligation de conseil prend donc le relai pour permettre la réparation des préjudices causés aux accédants à la propriété (Cass. civ. 3, 9 octobre 2013, n° 12-24.900, FS-P+B N° Lexbase : A6859KMY).
Pour condamner la banque au paiement d’une certaine somme, l’arrêt retient que, par sa faute, la banque a fait perdre une chance aux maîtres d’ouvrage de ne pas contracter, qu’elle fixé à 70 % du coût du dépassement de la construction. La solution est censurée dès lors que la faute de la banque est à l’origine d’un préjudice certain causé par l’absence de garantie de livraison.
Les producteurs de maisons en kit sont, en effet, tenus de respecter les dispositions des articles L. 231-1 (N° Lexbase : L1247LW4) et suivants et L. 232-1 (N° Lexbase : L1284LWH) et suivants du CCH. Ainsi, la Cour de cassation a pu requalifier un contrat de vente d’un chalet en kit en contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan (Cass. civ. 3, 3 mai 2001, n° 99-14.370 N° Lexbase : A3325ATC).
Ils doivent donc souscrire des assurances et des garanties, notamment de livraison ainsi que respecter la règle de l’échelonnement des paiements (QE n° 26278 de M. Jean-François Humbert, JO Sénat, 15 février 2007, réponse publ. 10 mai 2007 p. 973, 12ème législature N° Lexbase : L5826KMQ).
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