Le Quotidien du 27 octobre 2021 : Bancaire

[Brèves] Nouvelle précision sur le point de départ du délai de prescription biennal de l’article L. 218-2 du Code de commerce

Réf. : Cass. civ. 1, 20 octobre 2021, n° 20-13.661, F-B (N° Lexbase : A525049C)

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[Brèves] Nouvelle précision sur le point de départ du délai de prescription biennal de l’article L. 218-2 du Code de commerce. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73679606-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 26 Octobre 2021

► Si, concernant l’article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T), l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l’emprunteur.

Depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I), l’article L. 218-2 (anc. art. L. 137-2 N° Lexbase : L7231IA3) du Code de la consommation prévoit une prescription biennale pour les actions engagées par les professionnels, « pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs ». De longue date, il est acquis que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des établissements de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels et relèvent par conséquent de ce délai de prescription de deux ans dérogatoire au droit commun (Cass. civ. 1, 28 novembre 2012, n° 11-26.508, FS-P+B+I N° Lexbase : A6412IXR).

La question du point de départ du délai biennal de l’article L. 218-2 a suscité, un temps, des incertitudes. On se souvient en effet que la Cour de cassation avait eu l’occasion de dégager une solution particulièrement contestable sur cette question (Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-15.511, FS-P+B+I N° Lexbase : A3176MU8).

Finalement, la Haute juridiction avait opéré un revirement de jurisprudence salutaire par quatre arrêts du 11 février 2016 (Cass. civ. 1, 11 février 2016, quatre arrêts, n° 14-28.383, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7326PKK ; n° 14-27.143, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7325PKI ; n° 14-29.539, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7327PKL ; n° 14-22.938, F-P+B+R+I N° Lexbase : A7324PKH) déclarant qu’ « à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ».

En conséquence, chaque mensualité est une créance distincte, ayant sa propre date d’exigibilité, et, par suite, un point de départ particulier au regard du délai de prescription, conformément à l'article 2233, 3°, du Code civil (N° Lexbase : L7218IAL). En outre, lorsque le créancier provoque la déchéance du terme, le capital restant dû devient exigible intégralement et la déchéance constitue alors le point de départ du délai de prescription.

Or, on pourrait penser que cette solution bien acquise pour la Cour de cassation (V. par ex., Cass. civ. 1, 17 février 2016, n° 15-19.803, F-D N° Lexbase : A2064RWD – Cass. civ. 1, 14 avril 2016, n° 15-15.841, F-D N° Lexbase : A6946RI4 – Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-27.728, F-D N° Lexbase : A5469TAS – Cass. civ. 1, 22 juin 2017, n° 16-14.320, F-D N° Lexbase : A1211WK3 – Cass. civ. 1, 20 décembre 2017, n° 16-12.129, F-D N° Lexbase : A0789W94 – Cass. civ. 1, 4 juillet 2019, n° 18-19.135, F-D N° Lexbase : A2920ZIY – Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-24.905, F-D N° Lexbase : A56463Q8) l’est aussi pour les juridictions du fond. Tel n’est cependant pas le cas, comme le démontre une décision de la Haute juridiction du 20 octobre 2021.

Faits et procédure. En l’espèce, le 31 octobre 2006, la banque A. a consenti à M. X. deux prêts immobiliers en devises. À la suite du décès de l’emprunteur survenu le 7 mai 2015, son assureur a pris en charge une partie du solde des prêts.

Après avoir mis en demeure M. et Mme X., héritiers de leur fils, de régler des sommes restant dues, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts le 5 décembre 2017 et fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 19 janvier 2018. M. et Mme X. ont alors, pour leur part, assigné la banque devant le juge de l’exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure de saisie et voir juger prescrite l’action de la banque.

Or, la cour d’appel d’Agen (CA Agen, 30 septembre 2019, n° 18/01230 N° Lexbase : A1181ZQS) a, par une décision du 30 septembre 2019, donné raison au couple X. et ainsi déclaré l’action de l’établissement de crédit irrecevable car prescrite. Elle a également ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.

Pourvoi. La banque a alors formé un pourvoi en cassation. Elle y rappelait que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action. Dès lors, selon l’établissement de crédit, l’action en paiement du capital d’un contrat de prêt restant dû doit se prescrire à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, sauf impossibilité d’agir du prêteur. Or, en l’occurrence, le prêteur avait prononcé la déchéance du terme des deux prêts conclus avec l’emprunteur décédé le 7 mai 2015 et mis en demeure ses héritiers de régler la somme concernée avant de leur faire délivrer, par acte du 19 janvier 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Par conséquent, en retenant, pour déclarer prescrite l’action en recouvrement de cette somme, que le décès de l’emprunteur avait rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait couru à compter du 2 décembre 2015, date de connaissance par le créancier de l’identité des héritiers de M. X., quand seule la déchéance du terme avait rendu la créance exigible et permis au prêteur d’agir, la cour d’appel aurait violé l’article L. 218-2 du Code de la consommation et les articles 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) et 2234 (N° Lexbase : L7219IAM) du Code civil.

Décision. La Cour de cassation est sensible à ce moyen. Elle casse ainsi en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 septembre 2019 par la cour d'appel d’Agen.

Selon la Haute juridiction, il résulte des articles L. 218-2 du Code de la consommation et des articles 2224 et 2233 du Code civil (N° Lexbase : L7218IAL) qu’à l’égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, « si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l’emprunteur ».

Or, pour déclarer prescrite l’action de la banque, l’arrêt de la cour d’appel a retenu que le décès de l’emprunteur constituait l’évènement qui avait rendu la créance exigible, que le point de départ du délai de prescription était fixé à la date à laquelle le prêteur avait eu connaissance de l’identité des héritiers de l’emprunteur et qu’il résultait de la lettre du 2 décembre 2015 qu’à cette date, l’identité et l’adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte que, le 19 janvier 2018, date du commandement, la créance était prescrite.

Dès lors, en statuant ainsi, alors que « seule la déchéance du terme avait rendu exigible la créance au titre du capital restant dû », la cour d’appel a violé les textes précités.

Cette solution, fondée sur une jurisprudence bien acquise depuis les quatre arrêts de revirement du 11 février 2016 (V. supra), échappe alors à toute critique. Elle a même pour intérêt de démontrer qu’en la matière la Haute juridiction ne souhaite pas prévoir des exceptions à la solution de principe qu’elle a elle-même dégagée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le crédit immobilier, Le régime juridique commun à l'ensemble des crédits immobiliers, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E0212Z3A).

 

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