Réf. : Cass. crim., 5 octobre 2021, n° 20-87.163, F-B (N° Lexbase : A301748A)
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par Adélaïde Léon
le 11 Octobre 2021
► Il appartient à la cour d’appel de rechercher si un clip musical présentant un brasier dans lequel des photographies de personnalités juives sont brulées, l’utilisation de nombreux clichés antisémites dans les textes et les images, vise la communauté juive dans son ensemble, et si les personnalités non juives également concernées par cet autodafé sont présentées comme manipulées par ladite communauté.
Rappel de la procédure. Des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont fait citer, devant le tribunal correctionnel, des chefs de provocation à la discrimination raciale, de diffamation et d’injure publiques raciales, le président de l’association Égalité et réconciliation et directeur de la publication du site internet de la même association politique, sur lequel avait été publié un clip musical. Égalité et réconciliation était citée en qualité de civilement responsable.
Après condamnation des intéressés en première instance, ces derniers et le ministère public ont relevé appel de la décision.
En cause d'appel. La cour d’appel a relaxé le prévenu des trois chefs de prévention. Elle considérait que le clip incriminé avait pour objet la dénonciation de l’influence du monde de la finance sur la politique menée par le Président de la République, avec la complicité d’une partie de la presse audiovisuelle. Les juges soulignaient que des personnalités non juives étaient également visées et estimaient que les propos poursuivis ne visaient pas la communauté juive dans son ensemble, laquelle ne pouvait être assimilée au monde de la finance et des médias.
Les parties civiles ont formé des pourvois contre l’arrêt d’appel.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel de n’avoir pas légalement justifié sa décision, d’avoir considéré que la communauté juive n’était pas visée. Il était notamment reproché à la cour d’appel de n’avoir par répondu aux arguments des parties civiles portant sur le fait que la mise en scène d’autodafés de portraits de personnalités juives, l’utilisation du terme parasite et le nom même du groupe auteur du clip litigieux (Rude Goy Bit) démontraient sans détour que la communauté juive était visée.
Décision. La Chambre criminelle casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC).
Exerçant un contrôle renforcé sur le sens et la portée du clip litigieux, la Haute juridiction juge que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Les juges d’appel n’avaient pas répondu au mémoire d’une partie civile lequel soulignait d’une part, que le pseudonyme du groupe de rap « Rude Goy Bit » faisait référence à l’opposition entre juif et non-juifs et d’autre part, que le recours au terme « parasite » pour qualifier des membres de la communauté juive renvoyait nécessairement au vocabulaire employé par les nazis.
Par ailleurs, il appartenait à la cour d’appel de rechercher si bruler des photographies de personnalités juives dans un brasier évocateur des fours crématoires, l’utilisation de nombreux clichés antisémites dans les textes et les images du clip, ne visaient pas la communauté juive dans son ensemble, et si les personnalités non juives également concernées par cet autodafé n’étaient pas présentées comme manipulées par ladite communauté.
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