Réf. : Cass. civ. 2, 16 septembre 2021, n° 19-25.678, F-B (N° Lexbase : A564744W)
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N9007BYA
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 11 Octobre 2021
► L’exclusion de garantie ne saurait être opposée à l'assuré, auteur d’un incendie, qui a agi dans le but de détruire le bien de sa compagne, mais qui n'a pas eu la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu.
La solution procède de l’application de principes dégagés depuis longtemps par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, à propos de l’article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH, qui prévoit, pour rappel, que « L’assureur ne répond pas des pertes et dommages résultant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré »), et spécifiquement à propos de la faute intentionnelle :
Une fois de plus, la solution retenue dans cet arrêt du 16 septembre 2021 témoigne d’un contrôle sévère exercé par la Cour suprême sur la caractérisation par les juges du fond de la « volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ».
En effet, en l’espèce, pour exclure la garantie de l'assureur « responsabilité civile » de l'auteur d'incendie qui avait détruit un immeuble, ayant constaté que figurait au contrat la clause d'exclusion de garantie prévue aux conditions générales en un paragraphe intitulé « Les exclusions communes » : « Outre les exclusions spécifiques à chacun des événements, nous ne garantissons pas : Les dommages causés ou provoqués intentionnellement par vous, ou avec votre complicité. », la cour d’appel avait énoncé que la faute intentionnelle est caractérisée dès lors que l'assuré a volontairement commis un acte dont il ne pouvait ignorer qu'il allait inéluctablement entraîner le dommage et faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque et qu'il n'est, dès lors, pas nécessaire de rechercher si l'assuré a voulu le dommage tel qu'il s'est réalisé.
La décision rendue par la cour d’appel constatait que l’auteur de l'incendie, condamné pour avoir volontairement détruit ou dégradé un immeuble d'habitation par l'effet d'un incendie, avait expliqué qu'il ne voulait s'en prendre qu'à sa compagne résidant dans l'immeuble sans nier les faits.
L'arrêt ajoutait que les pièces de l'enquête pénale établissaient son intention de causer un préjudice à autrui et en déduisait que l’auteur avait voulu, en mettant le feu avec de l'essence, commettre des dégâts dans des lieux habités, peu important que son degré de réflexion ne lui ait pas fait envisager qu'il n'allait pas seulement nuire à sa compagne, qu'il avait consciemment agi en utilisant des moyens à effet destructeur inéluctable avec la volonté manifeste de laisser se produire le dommage survenu.
Conformément aux principes jurisprudentiels bien établis, la décision ne pouvait qu’emporter la censure de la Cour de cassation, qui relève en effet qu'il résultait de ses propres constatations que l'assuré, qui avait agi dans le but de détruire le bien de sa compagne, n'avait pas eu la volonté de créer le dommage tel qu'il était survenu.
On voit bien, par cet arrêt de cassation, que la simple « conscience » du caractère inéluctable de la réalisation du risque doit bien être distinguée de la « volonté » de créer le dommage (en ce sens, et à propos également d’un incendie : cf. Cass. civ. 2, 28 mars 2019, n° 18-15.829, F-D N° Lexbase : A7204Y7X : la faute intentionnelle ne peut se déduire de la seule conscience de ce que le risque assuré se produira, mais de la volonté de créer le dommage.
Pour un rare exemple de caractérisation de la faute intentionnelle exclusive de la garantie de l'assureur : cf. Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.782, F-D (N° Lexbase : A46743AD), et les obs. de D. Krajeski, Lexbase Droit privé, janvier 2020, n° 811 (N° Lexbase : N2064BY4).
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