Le Quotidien du 9 août 2021 : Copropriété

[Jurisprudence] Lot transitoire : conséquences de l’absence de mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions de la loi « ELAN »

Réf. : Cass. civ. 3, 17 juin 2021, n° 20-13.798, F-B (N° Lexbase : A65594WT)

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

le 27 Juillet 2021


 


Mots-clés : copropriété • lot transitoire • droit de construire • règlement de copropriété • mise en conformité • loi « ELAN »

Tant que le délai de mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions relatives au lot transitoire nest pas expiré, il nest pas possible de faire constater que le lot sur lequel un droit de construire a été prévu ne correspond pas à la définition du lot transitoire.


 

Dans un immeuble placé sous le régime de la copropriété, composé de trois lots, deux époux, propriétaires de deux de ces lots, ont assigné le propriétaire du troisième lot constitué, selon l’état descriptif de division, d’un sous-sol à construire et de millièmes de parties communes, afin de faire constater l’inexistence de ce troisième lot et l’inapplicabilité du statut de la copropriété. 

Le tribunal de grande instance de La Rochelle puis la cour d'appel de Poitiers ont fait droit à leur demande.

La Cour de cassation, saisie par le propriétaire du troisième lot d’un premier moyen développé en huit branches, a cassé l'arrêt déféré sur la deuxième branche qui reprochait à la cour d'appel d’avoir retenu que le droit de construire ne serait pas précisément défini par le règlement de copropriété quant aux constructions qu’il permet de réaliser, alors que le syndicat des copropriétaires disposait d’un délai de trois ans, expirant en 2021, pour mettre le règlement de copropriété en conformité.

La Cour de cassation, après avoir cité le texte dont l’application a été méconnue par la cour d'appel, en l’espèce l’article 206 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « ELAN » (N° Lexbase : L8700LM8), ainsi qu’elle le fait désormais dans tous les arrêts de cassation, qu’ils reposent sur une violation de la loi ou sur un manque de base légale, puis avoir rappelé les motifs de l'arrêt ayant conduit à la solution critiquée, affirme que tant que le délai pour mettre le règlement de copropriété en conformité avec ce qu’impose la loi précitée n’est pas expiré, l’article 1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7) qui prévoit que le lot transitoire doit être « formé d'une partie privative constituée d'un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu'il permet de réaliser et d'une quote-part de parties communes correspondante » ne trouve pas à s’appliquer.

Autrement dit, les propriétaires des deux autres lots ne pouvaient, dès à présent, contester l'existence du troisième lot parce qu’il n’aurait pas été suffisamment déterminé. Cet arrêt apporte donc une précision importante sur le statut du lot sur lequel existe un droit à construire dans l’attente de la mise en conformité du règlement de copropriété pour en faire un lot transitoire.

La notion de lot transitoire n’est apparue dans la loi qu’avec celle précitée du 23 novembre 2018.

Auparavant, la définition du lot transitoire comme un  « lot privatif composé pour sa partie privative du droit exclusif d'utiliser le sol pour édifier une construction et d'une quote-part de parties communes » résultait de la jurisprudence (Cass. civ. 3, 3 novembre 2016, n° 15-14.895 et 15-15.113, F-D N° Lexbase : A9106SEY ; cf. également pour la définition du lot transitoire : Cass. civ. 3, 15 novembre 1989, n° 87-18.188 N° Lexbase : A6238CHI et Cass. civ. 3, 14 novembre 1991, n° 89-21.167 N° Lexbase : A2833ABK, qui retiennent des définitions similaires). Il a été retenu que la partie privative devait être constituée du droit de construire un ou plusieurs bâtiments (Cass. civ. 3, 18 septembre 2013, n° 12-16.357 N° Lexbase : A4960KLB, 12-16-358 N° Lexbase : A4928KL4, 12-16.359 N° Lexbase : A4849KL8, 12-16.360 N° Lexbase : A4957KL8, 12-16.361 N° Lexbase : A4843KLX, FS-D).

Il est désormais admis que ces lots constituent des lots de copropriété et comme tels, ils participent aux charges générales de copropriété (Cass. civ. 3, 30 juin 1998, n° 96-20.758 N° Lexbase : A5555ACQ ; Cass. civ. 3, 7 avril 2004, n° 02-14.670, FS-P+B N° Lexbase : A8302DB4), sauf à démontrer, s’agissant des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun, qu'un tel équipement ne leur est d'aucune utilité (Cass. civ. 3, 10 octobre 2007, n° 06-18.122, FS-P+B N° Lexbase : A7386DY9).

L’article 1er de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, précitée, a entériné cette définition donnée par la jurisprudence en prévoyant que : « Le lot de copropriété comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables. Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d'une partie privative constituée d'un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu'il permet de réaliser sur une surface déterminée du sol, et d'une quote-part de parties communes correspondante. La création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété ».

Déjà un arrêt de la Cour de cassation avait parlé d’un droit de construire attaché à un lot dit « transitoire » « suffisamment défini pour pouvoir être exercé par son titulaire » (Cass. civ. 3, 30 octobre 2010, n° 09-72.386, F-D N° Lexbase : A4725GMX).

Cependant, l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : Z955378U), a modifié cet article en supprimant les mots « sur une surface déterminée du sol ». Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance (JO, 31 octobre 2019, texte n° 2) justifie cette suppression de la façon suivante : « S'agissant du lot transitoire, consacré par l'article 206 de la loi « ELAN », la référence à la partie privative constituée d'un droit de construire « sur une surface déterminée du sol » est supprimée. Cette mesure est nécessaire à la bonne coordination du lot transitoire avec le nouvel article 37-1 de la loi de 1965, tel que modifié par l'article 208 de la loi « ELAN », qui prévoit que le droit de surélever peut constituer « la partie privative d'un lot transitoire ». La référence à une « surface déterminée du sol » utilisée dans certains règlements de copropriété laisse entendre qu'un lot transitoire ne pourrait pas porter sur un droit de surélever alors qu'une telle possibilité a toujours été admise par la jurisprudence ».

C'est le règlement de copropriété qui, en vertu de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance et qui fixe également, sous réserve des dispositions de cette loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.

Ainsi, il ne suffit pas que l’existence du lot transitoire soit mentionnée dans le seul état descriptif de division, qui décrit une situation matérielle en identifiant les différentes fractions composant l’immeuble et qui n’a pas de valeur contractuelle, reconnue au seul règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 3 novembre 2016, n° 15-21.682, F-D N° Lexbase : A9190SE4 ; Cass. civ. 3, 7 septembre 2017, n° 16-18.331, F-P+B N° Lexbase : A1146WRU ; Cass. civ. 3, 15 novembre 2018, n° 17-26.727, F-D N° Lexbase : A7927YL8). L’état descriptif est un document technique qui ne crée aucune obligation ou aucun droit pour les copropriétaires.

Or, bien souvent, le lot transitoire n’est que très vaguement défini dans le règlement de copropriété, voire dans le seul état descriptif de division. Désormais, il n’est plus possible de se contenter d’une telle définition. Les constructions à y édifier doivent être précisément déterminées et le lot doit obligatoirement comporter une quote-part de parties communes. Il est à remarquer qu’en l’espèce, selon les mentions de l'arrêt de la Cour de cassation, le lot transitoire était mentionné dans l’état descriptif de division comme composé d’un sous-sol à construire situé sous le hangar du lot n° 1, d’une superficie d’environ 275 m², et de 198 millièmes de parties communes générales et de la propriété du sol. Une mise en conformité du règlement de copropriété était donc nécessaire, non seulement pour décrire précisément les constructions à édifier mais encore pour que cette description figure dans le règlement de copropriété.

Les nouveaux règlements de copropriété adoptés à compter du 1er juin 2020 devront donc comporter des précisions sur les constructions autorisées. Mais la question se posait de savoir comment mettre les anciens règlements de copropriété en conformité avec ces nouvelles dispositions.

C’est pourquoi, l’article 206 de la loi du 23 novembre 2018 a précisé que :

« Les syndicats des copropriétaires disposent d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions relatives au lot transitoire de l'article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

À cette fin et si nécessaire, le syndic inscrit à l'ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés ».

En l’espèce, la cour d'appel a estimé que « le lot n° 2 dont le volume ne peut être déterminé, qui n'est desservi par aucune partie commune, n'a aucun accès à la voie publique ni sur l'ensemble immobilier dont il est présenté dépendre et n'a fait l'objet d'aucune description à l'autorité administrative afin de pouvoir réaliser des emplacements de stationnement, est inexistant. Cette inexistence exclut la qualification de lot transitoire au sens de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 ».

Le pourvoi faisait valoir dans la deuxième branche, choisie par la Cour de cassation pour justifier la cassation, que l’exigence d’une définition précise du droit de construire dans le règlement de copropriété ne résultant que de la nouvelle rédaction de l'article 1 de la loi du 10 juillet 1965, issue de la loi du 23 novembre 2018, il ne pouvait être considéré que ce lot ne correspondait pas à la notion de lot transitoire.

C’est ce que la Cour de cassation admet, en retenant que tant que le délai de trois ans n’est pas expiré, il n’est pas possible de faire constater que le lot sur lequel un droit de construire a été prévu ne correspond pas à la définition du lot transitoire et est donc inexistant. En exigeant que le droit de construire soit précisément défini dans le règlement de copropriété pour constituer un lot transitoire, alors même que l'article 206 de la loi du 23 novembre 2018 a pour but de laisser aux syndicats des copropriétaires un délai de trois ans pour définir dans leur règlement de copropriété la consistance précise des travaux à effectuer, la cour d'appel a fait fi du délai ainsi imparti.

Ainsi, le non-respect de l'obligation de définir précisément le droit à construire composant la partie privative d’un lot transitoire quant aux constructions qu'il permet de réaliser, imposée par l'article 1 de la loi du 10 juillet 1965, n’est pas sanctionné, tant que le délai de mise en conformité des règlements de copropriété n’est pas expiré.

Près de trois ans sont passés et de nombreux syndicats des copropriétaires n’ont pas procédé à la mise en conformité de leur règlement de copropriété, que ce soit pour les lots transitoires ou pour les parties communes spéciales également concernées par une telle mise en conformité.

Se pose, de ce fait, la question de la sanction si le syndicat des copropriétaires ne procède pas à la mise en conformité avant la date prévue du 23 novembre 2021.

Les auteurs se sont interrogés sur cette question : cf. par exemple M. Tomasin, qui dans le Dalloz action copropriété 2021/2022 n° 111.25, se demande si le lot transitoire pourrait disparaître du simple fait de sa non-inscription dans le règlement de copropriété. D’autres auteurs suivent cette voie et penchent pour une inexistence du lot transitoire au-delà de cette date : cf. Colette Chazelle, Informations rapides de la copropriété n° 662, 15 octobre 2020 : « La rédaction de l’article 1er de la loi, qui définit le lot transitoire, semble devoir être interprétée comme ne donnant plus d’existence juridique à la composante de ce lot, à défaut d’être mentionné dans le règlement ». Quant au GRECCO, il distinguait deux hypothèses dans sa préconisation n° 10 du 20 octobre 2020 :

« - L’absence totale de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété. Dans ce cas, le lot transitoire pourrait être considéré comme inexistant ou, tout en conservant son existence, n’aurait plus pour effet de conférer le droit de construire au profit du titulaire du lot transitoire.

- Le règlement de copropriété mentionne un lot transitoire mais sa consistance n’est pas précisément définie au sens de l’article 1 I, alinéa 3. Dans ce cas, la clause pourrait être réputée non écrite par une juridiction si elle devait être saisie ».

Et il terminait en sollicitant la prolongation de ce délai de trois ans, compte tenu de la crise sanitaire. Il semble, sur ce point, avoir été entendu puisque l’article 24 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, déposé au Sénat le 12 mai 2021, a prévu de porter le délai de mise en conformité de trois à six ans.

À retenir. Si l’absence de mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions relatives au lot transitoire n’est pas sanctionnée tant que le délai de trois ans, prochainement porté à six ans, n’est pas expiré, les syndics et conseils syndicaux devront être vigilants pour faire procéder, dans ces délais, à cette mise en conformité, à défaut de quoi le lot transitoire pourrait devenir inexistant.

                   

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