Le Quotidien du 11 août 2021 : Construction

[Brèves] Responsabilité des constructeurs : lex specialia generalibus derogeant (rappel)

Réf. : Cass. civ. 3, 8 juillet 2021, n° 19-15.165, F D (N° Lexbase : A62484Y3)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 22 Juillet 2021

► En cas de faute du constructeur, les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu à une action en réparation sur le principe de la responsabilité de droit commun ; cette solution n’est rien d’autre qu’une application du principe de non-cumul des responsabilités.

Lorsque les conditions d’application du droit spécial de la responsabilité des constructeurs prévues aux articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil sont réunies, le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage est, en principe, privé de solliciter la réparation des désordres sur le fondement du droit commun. Cette articulation entre le droit spécial et le droit commun de la responsabilité trouve son origine dans l’application de l’adage lex specialia generalibus derogeant, en vertu duquel le droit spécial déroge sur le droit général. La solution est, depuis longtemps, appliquée tant par les juridictions de l’ordre judiciaire (Cass. civ. 3, 13 avril 1988, n° 86-17.824, publié au bulletin N° Lexbase : A7781AAG) que par celles de l’ordre administratif (CE, 5° et 3° ch-r., 29 janvier 1993, n° 122491 N° Lexbase : A8217AMB).

En l’espèce, un maître d’ouvrage confie à une société la construction d’une piscine et d’un local technique. L’ouvrage est réceptionné sans réserve en juillet 2003. En 2006, des infiltrations sont constatées. Le constructeur est condamné sur le fondement de la responsabilité civile décennale mais pas son assureur de responsabilité. La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 15 janvier 2019 (CA Bordeaux, 15 janvier 2019, n° 16/03336 N° Lexbase : A1025YT7) considère, en effet, que le constructeur n’avait pas souscrit le volet assurance de responsabilité civile décennale auprès de l’assureur mis en cause mais uniquement le volet responsabilité civile.

Le constructeur forme un pourvoi en cassation qui est rejeté. La Cour de cassation, selon la nouvelle méthode didactique de réponse aux moyens, rappelle que même s’ils ont pour origine une faute du constructeur, les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Elle ajoute que les conseillers d’appel ont constaté, d’une part, que les dommages étaient survenus après la réception et qu’ils rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et, d’autre part, que le contrat d’assurance souscrit par le constructeur ne couvrait pas la responsabilité décennale. Les demandes relevant de cette garantie doivent donc être rejetées.

Il n’y a donc pas d’option possible au contraire, par exemple, de l’action en garantie des vices de l’article 1641 du Code civil (N° Lexbase : L1743AB8) et celle de la responsabilité de droit commun (pour exemple, Cass. civ. 3, 13 avril 1988, n° 86-17.824, publié au bulletin N° Lexbase : A7781AAG).

Tout dépend donc des actions ambitionnées : certaines peuvent se cumuler et d’autres non, ce qui impose de bien poser sa stratégie avant d’assigner !

La solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation s’est prononcée, à plusieurs reprises, pour le non-cumul de la garantie décennale de l’article 1792 du Code civil avec la responsabilité contractuelle de droit commun (V. encore Cass. civ. 3, 11 décembre 1991, n° 90-15.469, publié N° Lexbase : A4349ABP ou encore Cass. civ. 3, 11 mars 1992, n° 90-15.633, publié au bulletin N° Lexbase : A5337AH7 et, dernièrement, Cass. civ. 3, 12 novembre 2020, n° 19-22.376, FS-P+B+I N° Lexbase : A516434Z).

L’action en responsabilité de droit commun est absorbée par l’action en responsabilité civile décennale. Il faut s’en féliciter.

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