Réf. : Cass. crim., 15 juin 2021, n° 18-86.932, F-D (N° Lexbase : A09344WI)
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par Adélaïde Léon
le 23 Juin 2021
► L’interdiction, même provisoire, de la commercialisation de produits contenant du CBD ne peut être ordonnée en l’absence de preuve que les produits en cause entrent dans la catégorie des produits stupéfiants.
Rappel des faits. À l’occasion d’une perquisition dans les locaux de l’établissement « The pot Company », commercialisant des produits à base de cannabidiol (CBD), les policiers ont procédé aux tests de dépistage au haschich et à la marijuana sur plusieurs produits contenant du CBD, dont certains ont réagi positivement, puis ont adressé à un laboratoire un scellé aux fins de faire procéder à la recherche de traces éventuelles de delta-9- tétrahydrocannabinol (THC – substance active du cannabis).
Les cogérants du commerce ont été mis en examen des chefs de détention, acquisition, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants et infractions aux règlements sur le commerce ou l’emploi de médicament, plante, substance ou préparation classée comme vénéneuse.
Le juge d’instruction a ordonné la fermeture provisoire de l’établissement pour une durée de six mois.
Les cogérants ont interjeté appel de cette décision.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction et ordonné la mainlevée de la fermeture de l’établissement au motif que cette mesure s’avérait prématurée en l’absence de détermination par expertise de l’origine du cannabidiol et de la présence de THC dans les produits saisis au-delà du test effectué par les services de police.
Le procureur général a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir prononcé la mainlevée de la fermeture de l’établissement alors qu’il résulte du Code de la santé publique que le CBD est un des principes actifs du cannabis et qu’il est interdit au même titre que le tétrahydrocannabinol et que les dérogations instituées par l’arrêté du 22 août 1990 (portant application de l'article R. 5132-86 du Code de la santé publique pour le cannabis N° Lexbase : L2568LM3) ne concernent que certaines parties de la plainte (fibre et graines) et certaines variétés de cannabis (Sativa L) et à la condition que ces plantes soient très faiblement dosées en THC. En l’espèce, le CBD contenu dans les produits contrôlés ne répondait par aux conditions leur permettant de ne pas être classés comme stupéfiant.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi.
La Cour souligne qu’il ressort des constatations des juges d’appel que le cannabidiol n’est inscrit ni sur la liste des substances vénéneuses, ni sur la liste des substances stupéfiantes et peut être obtenu par un procédé de synthèse chimique qui n’est pas interdit ou peut être extrait de chanvre issu de plusieurs variétés (Sativa, Indica ou Spontanea) auxquelles s’appliquent des dispositions juridiques différentes.
La Cour constate, s’agissant de la variété Indica, que la chambre de l’instruction a relevé que la formulation des dispositions du Code de la santé publique prête à confusion dès lors que celles-ci :
S’agissant de la variété Sativa, la Cour souligne que les juges d’appels ont constaté que des dérogations relatives aux opérations de fabrication, de transport, d’importation, d’exportation, de détention, d’offre, de cession, d’acquisition ou d’emploi, peuvent être accordées à des fins thérapeutiques.
La Chambre criminelle déduit de ces constatations que c’est à juste titre que la chambre de l’instruction a ordonné la mainlevée de la fermeture de l’établissement. Selon la Haute juridiction, l’interdiction, même provisoire, de la commercialisation de produits contenant du CBD ne peut être ordonnée en l’absence de preuve que les produits en cause entreraient dans la catégorie des produits stupéfiants.
Contexte. Le 14 juin 2019 (Cass. crim., 14 mai 2109, n° 18-86.932, F-D N° Lexbase : A0993ZD7), la Chambre criminelle avait sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne répondant à une question préjudicielle portant sur la conventionnalité des dispositions dérogatoires instituées par l’arrêt du 22 août 1990 limitant la culture du chanvre, son industrialisation et sa commercialisation aux seules fibres et graines. La décision de la Cour est attendue le 23 juin 2021.
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