Le Quotidien du 16 juin 2021 : Responsabilité pénale

[Brèves] Responsabilité pénale : l’intrusion dans une centrale nucléaire aux fins de dénoncer sa vulnérabilité ne répond pas aux conditions de l’état de nécessité

Réf. : Cass. crim., 15 juin 2021, n° 20-83.749, F-B (N° Lexbase : A00954WG)

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par Adélaïde Léon

le 27 Juillet 2021

► Un danger qu’aucune mesure actuelle ne permettrait de prévenir ne peut être assimilé à un danger actuel ou imminent susceptible d’écarter la responsabilité pénale d’un individu au motif qu’il répond, selon l’article 122-7 du Code pénal, à un état de nécessité, a fortiori si l’infraction commise n’est pas de nature à remédier au danger avancé ;

La complicité peut être retenue à l’encontre d’une personne qui dispose d’une parfaite connaissance de l’infraction qui s’apprête à être commise, qui favorise la couverture médiatique de l’infraction et qui s’associe à la réussite de l’opération illégale.

Rappel des faits. Le 12 octobre 2017, aux alentours de 5 heures du matin, huit membres de l’association Greenpeace France (ci-après Greenpeace ou l’association) se sont introduits dans l’enceinte du centre nucléaire de production électrique de Cattenom en escaladant une clôture et découpant des grillages. Par cette opération, l’association et ses adhérents entendaient dénoncer le manque de protection de piscines à combustibles, lesquelles ne présentaient pas, selon eux, un niveau de sécurité nécessaire en cas d’action terroriste. Interpellés, les intéressés ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour intrusion, sans autorisation de l’autorité compétente, dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires, au sein de terrains clos, en réunion et avec dégradation.

L’enquête préliminaire a également conduit à la convocation devant la même juridiction, d’une part, de Greenpeace du chef de la même infraction et, d'autre part, d’un autre individu pour complicité.

Le tribunal correctionnel a déclaré l’ensemble des prévenus coupables des faits reprochés. Les intéressés, le ministère public et la société EDF, partie civile, ont relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a déclaré les huit membres de Greenpeace coupables du délit d’intrusion dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires en réunion et avec dégradation. La juridiction d’appel a également déclaré Greenpeace coupable d’avoir provoqué, encouragé ou incité ses membres à s’introduire sans autorisation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires, la provocation ou l’incitation ayant été suivies d’effet. Enfin, la cour d’appel a déclaré le dernier individu coupable de complicité du délit d’intrusion dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires en réunion et avec dégradation.

Les prévenus ont formé un pourvoi contre cette décision.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir écarté l’état de nécessité en estimant que le manque de protection de zones à accès réglementé, que les prévenus entendaient dénoncer, notamment en cas d’action terroriste dirigée contre ces installations, n’était pas un danger actuel et imminent mais l’expression d’une crainte face à un risque potentiel, voire hypothétique. Il était également fait grief à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé tous les éléments constitutifs de l’infraction imputée à Greenpeace et enfin, d’avoir retenu la complicité là où elle n’était pas caractérisée dans tous ses éléments constitutifs.

Décision. La Cour de cassation rejette les pourvois.

S’agissant tout d’abord de l’état de nécessité, notion prévue par l’article 122-7 du Code pénal (N° Lexbase : L2248AM9), la Chambre criminelle estime qu’un danger qu’aucune mesure actuelle ne permettrait de prévenir ne peut être assimilé à un danger actuel ou imminent au sens de l’article 122-7 précité. Au surplus, la Cour estime qu’en l’espèce, l’infraction n’était pas, par elle-même, susceptible de remédier au danger dénoncé.

S’agissant de la caractérisation de la complicité, la Chambre criminelle constate qu’il ressortait des constatations de la cour d’appel que le prévenu avait une parfaite connaissance de l’opération, qu’il avait tenu, la veille des faits, une conférence liée directement à l’intrusion du lendemain, qu’il avait accompagné les journalistes pour permettre l’enregistrement audiovisuel de l’intrusion et qu’il s’était associé à la réussite de l’opération en en faisant le bilan face à la caméra. La Haute juridiction estime que la cour d’appel a justifié sa décision en appréciant souverainement les faits desquels il ressortait des actes d’aide et assistance à l’acte principal d’intrusion poursuivi.

S’agissant de l’infraction de provocation ou incitation, suivie d’effet, à intrusion dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires, retenue à l’encontre de Greenpeace, la Chambre criminelle constate que cette nouvelle qualification avait été mise dans le débat par la prévenue elle-même et que la cour d’appel a justifié sa décision de requalifier les faits initialement poursuivis sous la qualification d’intrusion. Il résulte en effet de l’arrêt d’appel que les faits litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur le risque nucléaire conduite par Greenpeace et que les autres prévenus n’avaient fait que participer au type d’action qu’elle avait choisi.

Pour aller plus loin :

  • J.-B. Thierry, ÉTUDE : Les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale, Les conditions tenant au péril, in Droit pénal général, (dir. J-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1542GAD) ;
  • E. Raschel, ÉTUDE : La détermination des personnes responsables, La notion de complicité, in Droit pénal général, (dir. J-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1520GAK).

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