Le Quotidien du 1 juin 2021 : Vente d'immeubles

[Brèves] Travaux réalisés par l’acquéreur avant la vente & dol du vendeur

Réf. : Cass. civ. 3, 12 mai 2021, n° 19-25.547 F-D (N° Lexbase : A85804R9)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 31 Mai 2021

► Les caractères du dol relèvent de la libre appréciation des juges du fond ;
► il faut démontrer que le silence gardé par le vendeur sur les travaux réalisés était intentionnel ; ou que les travaux réalisés avant la vente caractérisaient une intention de dissimuler un vice connu.

L’honnêteté c’est pour les imbéciles ? Cette citation d’Ulrich Wickert ne fera sans doute pas sourire l’acquéreur de cette maison d’habitation qui, comme nombre d’entre eux, ont l’impression d’avoir été dupés par leur vendeur.

En l’espèce, le vendeur avait procédé lui-même à des travaux de réfection de la toiture et d’agrandissement en 1992, puis en 2010 et 2013. Se plaignant d’infiltrations sur les murs dès l’entrée dans les lieux, l’acquéreur assigne, après expertise, les vendeurs en nullité de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Seul le premier fondement sera mis en avant.

La cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt confirmatif du 22 octobre 2019 (CA Poitiers, 22 octobre 2019, n° 18/03556 N° Lexbase : A2568ZSW), rejette la demande sur le fondement du dol. L’acquéreur ne démontre pas que le silence gardé par le vendeur sur les travaux réalisés (anciens et récents) était intentionnel ni qu’il eut été déterminant du consentement des acquéreurs. De plus, les travaux de peinture réalisés peu avant la vente ne démontrent pas une intention de dissimuler un vice connu des vendeurs, l’application d’une couche de peinture avant de proposer un bien à la vente constituant une pratique usuelle pour le mettre en valeur et n’ayant, en elle-même, aucun caractère suspect.

L’acquéreur forme un pourvoi en cassation. Il considère que les vendeurs ont bien réalisé les travaux pour dissimuler les désordres dont l’expertise judiciaire a permis d’établir qu’ils avaient parfaitement connaissance de leur nature. Selon le moyen, la maison vendue était affectée de traces d’humidité et d’infiltrations causées par les désordres de la toiture résultant des travaux réalisés par les vendeurs et que la peinture appliquée par ces derniers peu de temps avant la vente avait eu pour effet de camoufler.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. La cour d’appel a souverainement retenu que l’acquéreur ne démontrait pas que le silence gardé par les vendeurs sur les travaux réalisés était intentionnel ni que les travaux de peinture réalisés peu avant la vente démontraient une intention de dissimuler un vice connu par eux.

Le dol dans la formation du contrat, prévu à l’article 1137 du Code civil (N° Lexbase : L1978LKH) est usuellement défini comme une tromperie destinée à surprendre le consentement du cocontractant. Le dol est une erreur provoquée. Il se caractérise classiquement par :

  • un élément matériel : les manœuvres qui peuvent, comme il l’est prétendu en l’espèce, se composer de maquillages et trucages (pour exemple, Cass. civ. 3, 28 mai 2002, n° 00-22.339 N° Lexbase : A6296C4X) ;
  • un élément intentionnel : la dissimulation fautive, laquelle doit être déterminante du consentement.

Le dol apparaît ainsi comme un fondement récurrent dans les domaines à forts enjeux financiers et/ou personnels tels que l’achat d’un bien pour l’habitation. Les exemples sont nombreux et parfois couronnés de succès :

  • pour exemple, ont été condamnés sur le fondement de la réticence dolosive les vendeurs d’une maison qui avaient entrepris d’importants travaux de maçonneries pour colmater les fissures qui rendaient la maison peu attrayante, sans le signaler au moment de la vente (Cass. civ. 3, 27 avril 2011, n° 10-14.601, F-D N° Lexbase : A5297HPU) ;
  • pour exemple encore, la réticence dolosive est caractérisée lorsque le vendeur a procédé, avant la vente, à de simples travaux consistant à la reprise des peintures intérieures et extérieures en masquant les fissures et sans se préoccuper en aucune manière de leur cause (CA Aix-en-Provence, 12 juin 2014, n° 13/08636 N° Lexbase : A5083MQC) ;
  • pour exemple encore, qu’il avait été établi par une expertise judiciaire que la réalisation des travaux n’avait pas eu pour objet de résoudre la cause des remontées d’humidité mais de masquer, par la pose de plusieurs couches de peinture, d’importants décollements, caractérise un dol (CA Nouméa, 20 septembre 2018, n° 16/00163 N° Lexbase : A9759YNR).

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