Le Quotidien du 12 mai 2021 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Insuffisance d’actif : responsabilité du directeur général délégué et conditions de la condamnation

Réf. : Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-23.575, F-P (N° Lexbase : A32254RU)

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[Brèves] Insuffisance d’actif : responsabilité du directeur général délégué et conditions de la condamnation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/67812899-0
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par Vincent Téchené

le 12 Mai 2021

► D’une part, il résulte des articles L. 225-53 (N° Lexbase : L2161LYP) et L. 225-56, II (N° Lexbase : L5927AID), du Code de commerce que le directeur général délégué d'une société anonyme, qui est chargé d'assister le directeur général et dispose de pouvoirs dont l'étendue est déterminée par le conseil d'administration, a la qualité de dirigeant de droit au sens de l'article L. 651-2 du même code (N° Lexbase : L7679LBZ), de sorte qu'il engage sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l'exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués ;

► D’autre part, la condamnation d'un dirigeant pour insuffisance d’actif est subordonnée à l'existence d'une insuffisance d'actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d'être prononcée, de sorte que le juge doit préciser, au jour où il statue, le montant de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure collective de la société.

Faits et procédure. Une société était la société mère d'un groupe dont les activités étaient réparties entre un pôle promotion et un pôle exploitation. Le 2 mars 2009, les sociétés appartenant au pôle exploitation ont été mises en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 28 janvier 2010. Le 28 janvier 2013, le liquidateur a assigné, notamment, deux dirigeants de droit en responsabilité pour insuffisance d'actif. Le directeur général délégué ayant été condamné (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 12 septembre 2019, n° 18/15272 N° Lexbase : A3232ZNZ), il a formé un pourvoi en cassation.

Décision. Le demandeur au pourvoi soutenait, en premier lieu, que le directeur général délégué, dont les pouvoirs, leur étendue et leur durée sont déterminés par le conseil d'administration, en accord avec le directeur général, exerce une fonction d'auxiliaire de ce dernier auquel il est subordonné et n'a donc pas qualité de dirigeant de droit.

Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette cet argument.

En second lieu, il soutenait qu'en condamnant le dirigeant à verser la somme de 100 000 euros, sans constater aucun passif, partant aucune insuffisance d'actif concernant cette société, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce.

Cet argument convainc en revanche la Cour de cassation. En effet, elle énonce que la condamnation d'un dirigeant sur le fondement du texte susvisé est subordonnée à l'existence d'une insuffisance d'actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d'être prononcée. Or, en l’espèce, l'arrêt d’appel se borne à relever l'existence de fautes de gestion et la qualité de dirigeant de l’intéressé. Dès lors, en statuant ainsi, sans préciser, au jour où elle statuait, le montant de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure collective de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Observations. Concernant la qualité de dirigeant de droit, la Cour de cassation a notamment précisé que l'administrateur d'une société anonyme est un dirigeant de droit et qu’il peut donc se voir imputer des fautes de gestion dans l'exercice de ses pouvoirs propres, même si le président et directeur général dispose des pouvoirs les plus étendus (Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-16.774, F-D N° Lexbase : A2364DB8 – Cass. com., 10 mars 2004, n° 01-03.004 N° Lexbase : A6390DBB).

En revanche, les membres du conseil de surveillance ne sont pas des dirigeants de droit, mais pourront, le cas échéant, être qualifiés de dirigeants de fait (Cass. com., 12 juillet 2005, n° 03-14.045, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A9154DIU). La même solution a été rappelée s’agissant d’une action en interdiction de gérer (Cass. com., 8 janvier 2020, n° 18-23.991, F-P+B N° Lexbase : A46593AS ; A. Bavitot, Lexbase Pénal, février 2020, n° 24 N° Lexbase : N2207BYE).

Enfin, dernièrement, elle a retenu que l'article 1992, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2215ABN), selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l'insuffisance d'actif de celle-ci sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s'appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu'il soit rémunéré ou non (Cass. com., 9 décembre 2020, n° 18-24.730, F-P+B N° Lexbase : A591439W ; Lexbase Affaires, décembre 2020, n° 659 N° Lexbase : N5726BYQ).

Concernant la nécessité pour le juge condamnant un dirigeant de constater l’insuffisance d’actif au jour où il statue, montant qui constitue alors le plafond de la condamnation, la Cour de cassation opère ici un rappel (v. not. Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-12.816, F-D N° Lexbase : A9084DCG – Cass. com., 30 octobre 2007, n° 06-15.247, F-D N° Lexbase : A2323DZ3).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, L'application des sanctions pécuniaires aux dirigeants de droit (N° Lexbase : E0833E9Q) et Le montant de la condamnation à combler l'insuffisance d'actif (N° Lexbase : E0871E97), in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase.

 

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