Le Quotidien du 21 avril 2021 : Droit pénal international et européen

[Brèves] Prise en compte en France des condamnations pénales prononcées par un État membre de l’Union : un Brexit sans effet sur les condamnations prononcées avant la sortie de l’Union européenne

Réf. : Cass. crim., 14 avril 2021, n° 20-82.529, F-P+I (N° Lexbase : A25474PZ)

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par Virginie Jeanpierre, docteur en droit pénal et sciences criminelles

le 20 Avril 2021

► L’article 132-23-1 du Code pénal, prévoyant que les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un État membre de l’Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que celles prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets juridiques que celles-ci, n’est pas impacté par le Brexit s’agissant des condamnations pénales prononcées par le Royaume-Uni avant son départ de l’Union européenne ;

Ces dernières demeurent des décisions prononcées par un pays faisant partie de l’Union européenne lors de leur prononcé, peu importe que ce pays ait quitté l’Union depuis.

Rappel des faits. Un homme, dont le casier judiciaire britannique comporte deux condamnations, en 2004 et 2011, respectivement pour des faits de possession de stupéfiants, de possession de substances contrôlées avec l’intention d’approvisionner, ainsi que pour des faits de fourniture de substances contrôlées, a commis en France, en 2018, de nouvelles infractions dont celles d’importation et de détention de stupéfiants.

Procédure. Le juge d’instruction a retenu l’état de récidive légale. Le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable et l’a condamné à dix ans d’emprisonnement.

Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.

En cause d’appel. Le jugement retenant l’état de récidive légale a été confirmé.

Le prévenu a formé un pourvoi personnellement. Son conseil a également formé un pourvoi le même jour.

Moyens du pourvoi. Le premier moyen a été écarté.

Le deuxième moyen faisait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement retenant l’état de récidive légale alors que l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique rendait inapplicables les dispositions de l’article 132-23-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7416IGR) prévoyant la prise en compte en France des condamnations pénales prononcées par les juridictions des États membres de l’Union européenne. La cour d’appel aurait ainsi méconnu l’exception de la rétroactivité in mitius à la règle de non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle, toutes deux envisagées à l’article 112-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2215AMY).

L’auteur du pourvoi invoque également un potentiel conflit de normes entre l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (N° Lexbase : L0230LGM) et l’accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conclu avec l’Union européenne.

Décision. La Chambre criminelle déclare irrecevable le pourvoi formé par le conseil du prévenu. Elle rejette également le pourvoi formé par ce dernier, au visa de l’article 132-23-1 du Code pénal.

Une condamnation prononcée par un pays qui faisait partie de l’Union européenne au jour de ce prononcé constitue une condamnation prononcée par la juridiction pénale d’un État membre et est prise en compte dans les mêmes conditions que les condamnations par les juridictions pénales françaises y compris lorsque ce pays a depuis quitté l’Union.

L’accord de retrait ne constitue pas, selon la Cour de cassation, une loi pénale nouvelle.

Il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle.

Contexte. La sortie du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne s’invite une nouvelle fois hors de la sphère purement économique. Ce n’est pas la première fois, depuis le Brexit du 1er janvier 2021 ou au cours de la période dite transitoire, que la Cour de cassation doit se pencher sur les conséquences du Brexit en droit pénal national ou dans le cadre des dispositions des feux piliers Justice et Affaires intérieures (JAI) et Coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJMP).

Cet arrêt du 14 avril 2021 s’inscrit dans la parfaite lignée de la jurisprudence récente de la Chambre criminelle en matière de Brexit.

Tout comme dans l’arrêt du 26 janvier 2021 (Cass. crim., 26 janvier 2021, n° 21-80.329, F+P+I N° Lexbase : A65994DR) relatif à l’application du mandat d’arrêt européen au-delà de la période transitoire de sortie de l’Union européenne, la Cour privilégie la cohérence et l’homogénéité afin que la sécurité juridique ne soit pas impactée.

En effet, si la Cour de cassation avait considéré que les décisions prononcées par les juridictions pénales du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord avant le Brexit n’étaient plus des condamnations d’un État membre de l’Union européenne, bien des décisions de condamnations en état de récidive légale auraient été impactées.

Au-delà du seul état de récidive légale, une telle prise de position aurait d’ailleurs eu plus généralement une incidence sur l’application et l’exécution des peines – pensons notamment aux condamnations avec sursis ou aux aménagements de peine prenant en compte le passé pénal du délinquant. Il aurait fallu, pour cause de Brexit, ignorer une condamnation pourtant inscrite au casier judiciaire du délinquant alors même que, quelques semaines auparavant, la même condamnation aurait produit des effets devant les juridictions pénales françaises et que – dans un même temps – des condamnations prononcées en matière pénale par le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord continuaient d’avoir des effets sur des condamnations pénales françaises en cours d’exécution.

Tout comme dans l’arrêt du 26 janvier 2021, la Cour de cassation joue son rôle de filtre et considère qu’il n’y a pas de raison de poser une question préjudicielle à CJUE au motif d’une parfaite clarté des textes. Il parait en effet inutile de recourir à la juridiction luxembourgeoise et de retarder – ainsi – l’appréciation en droit de la situation par la Cour de cassation dès lors que la lecture avisée faite par la Chambre criminelle parait juridiquement indubitable.

Pour aller plus loin :

  • v. E. Maurel, ÉTUDE : Les règles de compétences pénales, Les infractions commises hors du territoire de la République, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E17953B4).
  • v. J.-B. Thierry, ÉTUDE : L’aggravation de la peine, Les termes de la récidive : localisation dans le temps et localisation dans l’espace, in Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E2646GAA).

 

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