Lexbase Droit privé n°855 du 25 février 2021 : Copropriété

[Chronique] Chronique de droit de la copropriété – La jurisprudence des cours d’appel (décembre 2020 - janvier 2021)

Réf. : CA Montpellier, ch. civ. 5, 1er décembre 2020, n° 18/04190 (N° Lexbase : A359138I) ; CA Paris, Pôle 04 ch. 02, 2 décembre 2020, 2 arrêts n° 17/07965 (N° Lexbase : A767038L) et n° 20/03301 (N° Lexbase : A94274AE) ; CA Aix-en-Provence, Pôle 01 ch. 05, 3 décembre 2020, n° 18/03412 (N° Lexbase : A43124AX) ; CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2020, Pôle 01 ch. 05, n° 18/07955 (N° Lexbase : A33454A7) ; CA Paris, Pôle 04 ch. 02, 27 janvier 2021, n° 19/19807 (N° Lexbase : A33654ED) ; CA Metz, ch. 03, 28 janvier 2021, n° 19/02191 (N° Lexbase : A80624DX)

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par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris et Docteur en droit

le 24 Février 2021

 


Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit de la copropriété de Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en droit. 

L’auteur revient, en premier lieu, sur un arrêt rendu le 1er décembre 2020 par la cour d’appel de Montpellier rappelant que le syndic n’a pas à rédiger le projet de résolution des questions demandées par les copropriétaires (CA Montpellier, ch. civ. 5, 1er décembre 2020, n° 18/04190). C’est ensuite le commentaire d’un arrêt du 3 décembre 2020 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui est proposé, celui-ci ayant retenu que les nus-propriétaires et usufruitiers ont qualité à agir en contestation d’une assemblée générale bien que non représentés par un mandataire commun (CA Aix-en-Provence, Pôle 01 ch. 05, 3 décembre 2020, n° 18/03412). Un arrêt de la même cour du 17 décembre 2020 relatif à la démolition d’une construction empiétant sur la parcelle d’un immeuble en copropriété retient également l’attention (CA Aix-en-Provence, pôle 01 ch. 05, 17 décembre 2020, n° 18/07955) et sera rapproché de deux arrêts rendus par la cour d’appel de Paris le 2 décembre 2020 (CA Paris, pôle 01 ch. 03, 2 décembre 2020, n° 20/03301 et n° 17/07965), l’ensemble montrant la faible pénétration du principe de proportionnalité dans les débats. L’auteur s’intéresse, enfin, à un arrêt de la cour d’appel de Paris, rendu le 27 janvier 2021, permettant utilement de rappeler que toute cession ne se vote pas à la majorité renforcée (CA Paris, pôle 04 ch. 02, 27 janvier 2021, n° 19/19807) et à un arrêt de la cour d’appel de Metz qui a, étonnamment, considéré que l’assemblée générale pouvait unilatéralement imposer de nouvelles tâches au syndic (CA Metz, ch. 03, 28 janvier 2021, n° 19/02191).


 

I. Le syndic n’est pas tenu de formuler les projets de résolutions correspondant aux questions souhaitées par un copropriétaire (CA Montpellier, ch. civ. 5, 1er décembre 2020, n° 18/04190 N° Lexbase : A359138I)

Un copropriétaire avait sollicité l’inscription d’une question à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires du syndicat dont il est membre. Le syndic, qui n’avait reçu aucun projet de résolution, ne l’y a pas inscrite. Le copropriétaire, qui s’était contenté de solliciter l’évocation de la question des jardinières en étage, l’a alors assigné en responsabilité.

Pour trancher ce litige, la cour d’appel de Montpellier réitère une solution ancienne et peu discutable de la cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 31 août 2011, n° 10/00344 N° Lexbase : A4014HXX) : si tout copropriétaire peut demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour, il lui appartient de rédiger le projet de résolution lorsque celui-ci est imposé par l’article 11 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5497IGP). Cette solution est par ailleurs conforme aux obligations faites par l’article 8-1 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L7288LYL) au copropriétaire sollicitant la convocation d’une assemblée générale. Le syndic n’a donc pas à se substituer au copropriétaire et n’est pas tenu de rédiger à sa place le projet de résolution.

En l’espèce, les demandeurs sont en conséquence déboutés de leur demande, ce d’autant qu’ils n’avaient pas démontré le préjudice subi du fait de ce défaut d’inscription.

II. Qualité à agir en contestation d’une assemblée générale de copropriétaires (CA Aix-en-Provence, Pôle 01 ch. 05, 3 décembre 2020, n° 18/03412 N° Lexbase : A43124AX)

L’assemblée générale des copropriétaires d’un syndicat décide de la couleur des rideaux métalliques des locaux commerciaux afin que l’esthétique de ces derniers respecte l’harmonie de la façade. Le syndicat décide que les couleurs devront être à prédominance de la couleur des façades (dans des tons clairs) alors que le rideau métallique, qualifié de partie privative par le règlement de copropriété, de l’un de ces locaux est de couleur noire.

Des époux, usufruitiers du lot de commerce en rez-de-chaussée, ainsi que le nu-propriétaire de ce même lot, assignent ensemble le syndicat des copropriétaires devant le TGI de Marseille afin d’obtenir l’annulation de la résolution.

S’est alors posée la question de savoir si les usufruitiers et le nu-propriétaire du lot avaient qualité à agir sans être représentés par un mandataire commun (1) et si le syndicat des copropriétaires pouvait imposer, au motif du respect de l’harmonie de l’immeuble, le choix d’une couleur aux propriétaires du rideau métallique (2).

1°) La qualité à agir

Le syndicat des copropriétaires assigné contesta la qualité à agir des usufruitiers et du nu-propriétaire faute pour eux d’être représentés par un mandataire commun. Le syndicat des copropriétaires invoquait les dispositions de l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4823AH4), estimant que celles-ci avaient une portée générale. En ce sens, il serait impossible pour les titulaires d’un droit de propriété démembré d’agir, même conjointement, sans représentation par un mandataire commun, qu’il s’agisse de participer à l’assemblée générale ou d’agir en justice. L’argument repose, notamment, sur le fait que l’article 42 (N° Lexbase : L4849AH3) n’ouvre l’action en contestation des décisions d’assemblée générale qu’aux copropriétaires opposants ou défaillants et que ce copropriétaire défaillant ou opposant ne peut être que représenté par un mandataire commun pour exprimer son opposition. Par analogie, seul ce mandataire commun pourrait agir contre le syndicat des copropriétaires en nullité de l’assemblée générale.

L’argument était bien construit et pouvait se prévaloir d’une position qui paraît être relayée par une partie de la doctrine [1]. Toutefois, il nous paraît que, contrairement à cette présentation, la position n’est pas aussi claire et l’étude de la jurisprudence récente permet, à rebours de celle-ci, d’entrevoir une solution différente et plus favorable aux titulaires d’un droit de propriété démembré.

En effet, la cour d’appel de Paris a pu considérer que si l’usufruitier n’avait pas seule qualité à agir, le consentement de l’usufruitier et du nu-propriétaire permettait d’agir en contestation de l’assemblée [2]. De manière plus libérale encore, la cour d’appel de Versailles [3] a pu même accueillir l’action en nullité engagée seulement par les usufruitiers. Plus récemment et dans le même sens, la cour d’appel de Paris [4] a pu faire une distinction importante, en précisant que l’usufruitier « dispose du droit de contester une assemblée générale des copropriétaires » sauf lorsqu’un mandataire commun est désigné. Dans ce cas, seul ce dernier disposerait du pouvoir d’agir.

Le débat restait donc relativement ouvert à défaut d’une position unificatrice de la Cour de cassation.

C’est sans doute ce qui a permis à la cour d’Aix-en-Provence de reconnaître aux usufruitiers et au nu-propriétaire d’agir conjointement sans représentation par un mandataire commun, considérant que l’article 23 de la loi du 10 juillet n’avait pas exclu « leur droit à agir en contestation des décisions prises en sens contraire de leur vote ».

Il faut en effet remarquer que l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965 n’impose littéralement la désignation d’un mandataire commun qu’afin de représenter l’indivision à l’assemblée générale. C’est pourquoi il nous semble que cette décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence mérite approbation et paraît confirmer la tendance jurisprudentielle qui se dessine en la matière.

2°) Les limites du pouvoir de l’assemblée générale

Le syndicat des copropriétaires avait décidé d’imposer une couleur au rideau métallique d’un local commercial en rez-de-chaussée. Cette décision avait été motivée par la volonté de faire respecter l’harmonie de l’immeuble. Cette question est un leitmotiv du droit de la copropriété, « l’harmonie », par nature collective, s’opposant classiquement aux droits individuels des copropriétaires.

En l’espèce, le règlement de copropriété précisait que le rideau métallique était une partie privative. Il ne contenait, en revanche, aucune clause d’harmonie. Au contraire, le règlement stipulait que la décoration extérieure pouvait être librement exécutée en ce qui concerne les boutiques. En conséquence, l’assemblée générale ne pouvait imposer aux copropriétaires le changement de couleur du rideau métallique sans porter atteinte à la destination de leurs parties privatives et aux modalités de leur jouissance. La résolution ne pouvait donc qu’être annulée, en application de l’article 26 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4826AH9) qui interdit une telle atteinte. Ce que fit la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans ce qui paraît être une solution irréprochable.

III. Remise en état, démolition et contrôle de proportionnalité (CA Paris, Pôle 04 ch. 02, 2 décembre 2020, n° 17/07965 N° Lexbase : A767038L ; CA Paris, 2 décembre 2020, pôle 01 ch. 03, n° 20/03301 N° Lexbase : A94274AE ; CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2020, Pôle 01 ch. 05, n° 18/07955 N° Lexbase : A33454A7)

Dans la première affaire, jugée le 2 décembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 04 ch. 02, n° 17/07965), un copropriétaire avait réalisé des travaux sans autorisation, consistant à remplacer un châssis à tabatière par la pose d’un velux de dimensions plus grandes. Le copropriétaire est condamné à la remise en état des parties communes.

Dans la deuxième affaire, jugée le même jour par la même cour (pôle 01 ch. 03, n° 20/03301), un copropriétaire a fait construire, dans la cour de l’immeuble, un chalet en bois perpendiculairement à la façade de l’immeuble, sans autorisation. Il a également détruit un abri de jardin pour le remplacer par un nouvel abri, sans plus d’autorisation. Débouté par le juge des référés de Bobigny, le syndicat interjeta appel et obtint satisfaction devant la cour qui reconnut le trouble manifestement illicite résultant de ces constructions et condamna le copropriétaire à démolir à ses frais les ouvrages bâtis.

Dans la troisième affaire, jugée le 17 décembre 2020 par la cour d’Aix-en-Provence (pôle 01 ch. 05, n° 18/07955), le voisin d’un syndicat de copropriétaires est à l’origine d’un aménagement en pierres, sous forme de rocailles, sur la propriété du syndicat, sans avoir obtenu l’autorisation de ce dernier. Il a en outre installé une unité extérieure de système de climatisation surplombant la parcelle du syndicat. La cour d’Aix-en-Provence condamne alors la suppression de l’empiètement par l’enlèvement de la rocaille et la suppression du compresseur de climatisation.

Dans les trois situations, les solutions sont conformes à celles traditionnellement retenues (V° not. en ce sens Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 15-19.561, FP-P+B N° Lexbase : A9101SG8 ; v° sur le sujet : A. Caston et M. Poumarède, L’obligation de démolir l’immeuble, RDI 2020, 647). Ce n’est donc pas l’objet du présent commentaire que de s’intéresser à l’application de la règle ou la qualification des faits. Il s’agit plutôt de relever un point qui est commun à chacune de ces décisions et qui interroge : aucune demande de contrôle de proportionnalité n’a été faite.

Il est en effet frappant de constater que, dans ces arrêts, la question de la proportionnalité de la sanction à l’atteinte alléguée n’ait pas été soulevée. Le contrôle de proportionnalité, fondé sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4798AQR) ou sur l’article 1er du premier protocole additionnel (N° Lexbase : L1625AZ9) a pourtant pénétré le droit français depuis près d’une dizaine d’années.

De nombreux arrêts récents en droit des biens, notamment, en ont fait application, principalement pour sanctionner l’absence de contrôle concret de proportionnalité exercé par les juges du fond (Cass. civ. 3, 10 octobre 2019, n° 17-28.862, FS-P+B+I N° Lexbase : A0096ZRY ; Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 19-10.375, FS-P+B+I N° Lexbase : A17463BB : v° H. Périnet-Marquet, chron., JCP G n° 20-21, 18 mai 2020, doctr. 648 ; Cass. civ. 3, 19 décembre 2019, n° 18-25.113, FS-P+B+I N° Lexbase : A4769Z87 : RTD civ. 2020, 416, obs. W. Dross).

Si ce contrôle n’empêche pas le juge de prononcer la démolition de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 7 novembre 2019, n° 18-17.748, FS-P+B+I N° Lexbase : A8602YWI ; Cass. crim., 22 octobre 2019, n° 18-85.910, F-D N° Lexbase : A6448ZSM) et la restitution des parties communes, il doit a minima le conduire à s’interroger sur la proportionnalité de cette sanction. Il s’agit donc d’un moyen particulièrement utile afin de discuter de la sanction envisagée dans les situations susvisées. De plus, dans un contentieux pouvant s’avérer être à fort enjeu – la démolition paraît en être un – cette qualification est d’autant plus importante devant les juges du fond que la Cour de cassation pourra, le plus souvent, soulever d’office le moyen comme étant de pur droit (V° rapport du groupe de travail sur le contrôle de conventionalité, Cour de cassation, 2020). C’est pourquoi les parties ont tout intérêt à s’emparer elles-mêmes du débat dans les contentieux de la copropriété.

IV. Toute cession de parties communes ne se vote pas à la majorité renforcée (CA Paris, Pôle 04 ch. 02, 27 janvier 2021, n° 19/19807 N° Lexbase : A33654ED)

Lors d’une assemblée générale, les copropriétaires ont décidé de céder une partie de terrain d’assiette de la copropriété à des tiers au syndicat. La résolution fut adoptée à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix, majorité requise par l’article 26 a pour « a) Les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l'article 25 d ; » (N° Lexbase : L4826AH9).

La décision est toutefois contestée par un copropriétaire au motif qu’elle ne pouvait être adoptée à cette majorité. Débouté en première instance, appel est interjeté.

La cour d’appel de Paris, releva que la parcelle cédée était constituée de plus de la moitié du jardin de l’immeuble en copropriété et que ce jardin constituait une « source de lumière et de quiétude ». En outre, la construction envisagée d’une maison allait, selon la cour, « nécessairement entraîner la création de vue sur la copropriété, une perte d’ensoleillement du terrain ainsi que des nuisances liées à l’urbanisation ». Par conséquence, l’aliénation du terrain en vue de la construction d’une maison portait atteinte à la destination de l’immeuble, en plus de modifier les conditions de jouissance des propriétaires de deux lots disposant d’un droit de jouissance privative du jardin.

La résolution ne pouvait en conséquence être valablement adoptée qu’à l’unanimité, conformément aux deux derniers alinéas de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.

Pour la réalisation de tels projets, il convient donc de procéder préalablement à la qualification précise de la destination de l’immeuble et du concours qu’apporte la partie commune à céder à celle-ci. Il faut en outre vérifier si la cession n’emporte pas des conséquences sur les modalités de jouissance des copropriétaires, faute de quoi leur accord devra être impérativement recueilli.

V. L’assemblée générale peut-elle étendre unilatéralement les fonctions du syndic ? (CA Metz, ch. 03, 28 janvier 2021, n° 19/02191 N° Lexbase : A80624DX)

L’assemblée générale des copropriétaires d’un syndicat décide d’imposer au syndic de présenter les comptes annuels de charges de copropriété faisant apparaître, outre les charges récupérables auprès des locataires, les charges fiscalement déductibles ainsi que les charges non fiscalement déductibles des revenus fonciers.

Un arrêt de la cour d’appel de Metz, qui pourrait être rapproché d’un arrêt récent de la Cour de cassation rendu à l’aune des textes anciens (Cass. civ. 3, 28 janvier 2021, n° 19-22.446 F-D N° Lexbase : A17234EK), a estimé que cette décision s’imposait au syndic. Celui-ci ne pouvait dès lors s’en exonérer en soutenant que son logiciel ne permettait pas son application, et ce même s’il n’en a pas l’obligation légale. La Cour fonde cette décision sur l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 qui charge le syndic « d’assurer l’exécution des décisions d’assemblée générale sans qu’il ait à se faire juge de l’opportunité de ces décisions, sous peine d’engager sa responsabilité ». Dès lors, le syndic ne pourrait s’opposer à communiquer, aux frais des copropriétaires demandeurs, les comptes de charges conformément à la décision de l’assemblée générale.

La solution étonne, fortement, pour deux raisons. D’une part, les missions du syndic sont définies par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ). Si la liste qu’il établit n’est pas limitative, l’objet de ses fonctions l’est précisément : le syndic représente le syndicat et administre l’immeuble dans l’intérêt collectif de ses membres. Il doit en outre agir selon l’objet légalement défini du syndicat, par l’article 14, c’est-à-dire pour la conservation, l’amélioration de l’immeuble et l’administration des parties communes. En conséquence, tout ce qui est dans l’intérêt exclusivement individuel des copropriétaires, et non légalement prévu, ne paraît pas relever de ses fonctions. C’est ce que relève d’ailleurs, et contradictoirement nous semble-t-il, la cour d’appel de Metz. En ce sens, l’assemblée générale paraît avoir en l’espèce ajouté une mission tout à fait étrangère aux fonctions du syndic en ce qu’elle n’est menée que dans l’intérêt individuel des copropriétaires. Il leur appartient en principe d’établir les éléments de déclaration fiscales et de récupération des charges auprès des locataires – ce d’autant que le type de charges pouvant être récupérées varie selon la nature des contrats de location.

D’autre part, si l’on devait analyser la portée de la solution de la cour d’appel, il faudrait remarquer que la résolution de l’assemblée générale consiste soit en la modification unilatérale du contrat synallagmatique de syndic, défini par décret, soit en la formation d’un nouveau contrat entre le syndic et les copropriétaires pris individuellement.

- Dans le premier cas, cela reviendrait à autoriser l’assemblée générale a modifier le contrat du syndic et les obligations qui en résultent sans obtenir son consentement. Le cas échéant, cela signifierait que l’assemblée générale pourrait imposer unilatéralement au syndic de réaliser n’importe quelle tâche, et la rattacher au forfait de gestion courante, c’est-à-dire sans coût supplémentaire, ou créer des prestations hors forfait non initialement prévues au contrat et facturable au syndicat ou aux seuls copropriétaires concernés. Cela ne peut pourtant pas s'opérer sans porter gravement atteinte au principe de l’article 1193 du Code civil (N° Lexbase : L0911KZR) et sans violer les dispositions d’ordre public de l’article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5472IGR).

- Dans le second cas, la solution permettrait à l’assemblée générale d’imposer au syndic une relation contractuelle nouvelle, à laquelle il n’a pas consenti, au profit des copropriétaires pris individuellement qui en souhaiteraient l’exécution.

Dans un cas comme dans l’autre, la solution paraît injustifiable et ce pour une raison simple : sans accord des parties, il ne peut y avoir de contrat. Peu importe alors que les décisions de l’assemblée générale doivent recevoir exécution par le syndic. Il suffit pour s’en convaincre de substituer au syndic le plombier de l’immeuble et il est aisé de comprendre que personne ne pourra l’obliger à réparer la canalisation de l’immeuble s’il n’en est pas d’accord.

Voilà donc un arrêt contre lequel un pourvoi en cassation, le cas échéant, devrait être suivi avec attention !

 

[1] P. Capoulade et D. Tomasin (dir.), La copropriété, Dalloz, 10e éd., 2020, n° 334.111.

[2] CA Paris, ch. 23 B, 4 mai 2006, n° 05/14290 (N° Lexbase : A2014DRZ).

[3] CA Versailles, 4e ch., 4 février 2013, n° 11/01031 (N° Lexbase : A1396I7T).

[4] CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mars 2018, n° 15/09907 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 45090748, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CA Paris, 4, 2, 21-03-2018, n\u00b0 15/09907, Confirmation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A7730XHR"}}).

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