Le Quotidien du 4 février 2021 : Concurrence

[Brèves] Concurrence déloyale : absence de responsabilité de la société coopérative de commerçants détaillants pour des faits commis par ses adhérents

Réf. : Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-14.774, F-D (N° Lexbase : A16424EK)

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N6314BYI

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[Brèves] Concurrence déloyale : absence de responsabilité de la société coopérative de commerçants détaillants pour des faits commis par ses adhérents. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64892091-0
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par Vincent Téchené

le 04 Février 2021

► Ni la loi, ni les statuts d’une société coopérative de commerçants détaillants n'instituant une subordination juridique entre la société coopérative et ses adhérents mais seulement une faculté d'organiser une coopération financière, les agissements de certains des membres du réseau, pénalement répréhensibles, ne peuvent relever que de leur fait personnel, de sorte que la coopérative qui n'est responsable d'aucune négligence ou passivité fautive, n’a commis aucun acte de concurrence déloyale.

Faits et procédure. La société X exerce directement ou sous forme de franchise une activité de vente au détail d'équipements d'optique dans près de huit cents magasins. La société coopérative Y, qui rassemble près de 550 opticiens adhérents sur le territoire national, exerce une activité identique. Reprochant à cette dernière ainsi qu’à plusieurs de ses adhérents qui exercent sous son enseigne des pratiques constitutives de concurrence déloyale, la société X les a assignés en cessation, sous astreinte, des agissements dénoncés et en paiement de dommages-intérêts. La société Y, alléguant des actes de dénigrement, a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.
L’ensemble des demandes de chacune des parties ayant été rejetées (CA Versailles, 6 mars 2018, n° 16/08054 N° Lexbase : A1782XG4), un pourvoi principal et un pourvoi incident ont été formés.

Décision. Ce qui retient principalement l’attention est le rejet, par la cour d’appel approuvée en cela par la Cour de cassation, de la demande formée contre la société coopérative, écartant ainsi toute responsabilité de cette dernière. L’arrêt est sur ce point instructif et argumenté.

Il est relevé que la coopérative n'exploite elle-même aucun magasin et que, constituée sous la forme d'une société coopérative de commerçants détaillants à capital variable, elle est régie par les articles L. 124-1 (N° Lexbase : L2425LRA) à L. 124-16 du Code de commerce et par ses statuts, desquels il résulte que les opticiens de l'enseigne disposent d'une autonomie certaine par rapport à la société coopérative, en sont juridiquement indépendants et que toute subordination ainsi que tout contrôle, au sens juridique, des commerçants indépendants exerçant sous cette enseigne, est exclue.

Il souligne que l'appartenance à un réseau est insuffisante pour justifier la responsabilité de la coopérative et énonce que cette responsabilité ne peut résulter que d'un fait personnel, la notion d'entité économique unique, propre au droit de la concurrence, ne trouvant pas application en matière de responsabilité civile délictuelle de droit commun fondée sur les dispositions des articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR), devenus 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) et 1241 (N° Lexbase : L0949KZ8), du Code civil, dont relève la concurrence déloyale (v. déjà dans une affaire similaire, Cass. com., 14 février 2018, n° 16-24.619, F-D N° Lexbase : A7566XDL). En outre la société X ne justifie pas par quel moyen la société Y s'immiscerait dans la gestion des sociétés exploitées par les opticiens adhérents qui sont propriétaires de leurs verres et de leurs montures, les commercialisent et en fixent le prix de vente, gèrent leurs stocks et n'ont pas d'obligation d'approvisionnement exclusif auprès de la centrale d'achat. Il relève encore que les documents versés aux débats établissent que la société Y a mis en place, antérieurement à l'assignation de la société X, des actions de prévention visant à informer ses adhérents de la réglementation applicable et du caractère illégal des pratiques d'arrangement de factures, au moyen du magazine interne du réseau, d'affiches et affichettes anti-fraude destinées à être posées dans les magasins, ainsi que de divers courriers et d'un avenant type aux contrats de travail.

Ainsi, la Cour de cassation en conclut que, faisant ressortir que ni la loi, ni les statuts de la société coopérative n'instituaient une subordination juridique entre la société coopérative et ses adhérents mais seulement une faculté d'organiser une coopération financière, la cour d'appel a pu retenir que les agissements de certains des membres du réseau Y, pénalement répréhensibles, ne pouvaient relever que de leur fait personnel et que la société Y, qui n'était responsable d'aucune négligence ou passivité fautive, n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale.

L’arrêt d’appel est toutefois censuré au visa de l’article 1240 du Code civil en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Y en paiement de dommages-intérêts pour dénigrement. Pour ce faire, l'arrêt d’appel a retenu qu'il est écrit dans l'article du magazine l'Opticien que la société X annonce une offensive judiciaire contre douze enseignes et de nombreux indépendants, sans que les déclarations de son président, qu'il reproduit, désignent expressément la société Y, laquelle n'est donc pas visée directement et spécifiquement. Mais pour la Haute juridiction « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la référence à "douze grosses enseignes" visée par l'action en justice dont la société [X] annonçait l'introduction n'emportait pas désignation nécessaire de la société [Y], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Pour aller plus loin : v. Étude : Les sociétés coopératives de commerçants détaillants, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E6190ETG).

 

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