Le Quotidien du 4 août 2020 : Baux d'habitation

[Brèves] Échec de l’application, pour exonérer le bailleur de sa responsabilité, d’une clause insérée dans un contrat de bail mettant à la charge du preneur l’obligation d’informer le bailleur des dégradations éventuelles des biens loués

Réf. : Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 19-12.836, F-D (N° Lexbase : A12833RX)

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[Brèves] Échec de l’application, pour exonérer le bailleur de sa responsabilité, d’une clause insérée dans un contrat de bail mettant à la charge du preneur l’obligation d’informer le bailleur des dégradations éventuelles des biens loués. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59252031-brevesechecdelapplicationpourexonererlebailleurdesaresponsabiliteduneclauseinsereedans
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par Manon Rouanne

le 22 Juillet 2020

► Dans le cadre de l’effondrement, du fait d’une chute de neige, d’un bâtiment loué destiné au stockage des produits agricoles, le bailleur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute du locataire victime qui aurait consisté dans le manquement à son obligation, née d’une stipulation contractuelle, d’informer le bailleur de « toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toutes dégradations et détériorations qui viendraient à se produire dans les locaux loués et qui rendraient nécessaires des travaux incombant au bailleur » ; clause qui est inopérante dans la mesure où il appartient au propriétaire, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l’entretien de son immeuble ;

En revanche, il doit, en vertu de la force obligatoire des conventions, être fait droit à la demande de prise en charge du sinistre par l’assureur du propriétaire dans la mesure où, même si la ruine du bâtiment avait pour cause la corrosion des aciers de la structure, il est certain que la présence de la neige sur le toit du bâtiment avait contribué à son effondrement et qu’il n’était pas contesté que le contrat d'assurance garantissait les dommages résultant du poids de la neige accumulée sur les toitures.

Résumé des faits. Une société a donné à bail à une autre société des locaux destinés au stockage de produits agricoles dont elle est propriétaire. Dans le contrat de bail, les parties avaient inséré une clause contractuelle ayant pour objet de mettre à la charge du preneur du bail, l’obligation d’informer le bailleur de « toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toutes dégradations et détériorations qui viendraient à se produire dans les locaux loués et qui rendraient nécessaires des travaux incombant au bailleur ». Dix ans après la conclusion du contrat de bail, l’un des bâtiments loués s’est effondré à la suite d’une chute de neige.

En cause d’appel. La cour d’appel a décidé d’opérer un partage de responsabilité pour moitié entre le propriétaire et le locataire en écartant le jeu de la clause contractuelle au motif que le bailleur ne pouvait, par une clause relative à l’exécution de travaux dans les lieux loués, s'affranchir de son obligation de délivrance et qu’ il appartenait, dès lors, au propriétaire, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux, à l’entretien de son immeuble. Aussi, les juge du fond en ont déduit que le bailleur engage sa responsabilité pour manquement à son obligation de délivrance de la chose louée en bon état et pour son absence d’entretien de la structure du bâtiment. En outre, la juridiction du second degré a également rejeté la demande de prise en charge du sinistre par l’assureur du propriétaire du bâtiment en cause en retenant que, bien que le contrat d’assurance couvrait les dommages matériels directs résultant de l’action directe du poids de la neige, le sinistre avait pour origine le corrosion des poteaux structurant le hangar.

A hauteur de cassation. S’opposant au fait d’avoir été déclaré responsable pour moitié du sinistre et au rejet de la prise en charge de celui-ci par son assureur, le bailleur a contesté la position adoptée par les juges du fond devant la Cour de cassation.

Tout d’abord, le demandeur au pourvoi s’est prévalu, sur le fondement de la force obligatoire des conventions, du jeu de la clause contractuelle créant, à la charge du preneur, une obligation d’informer le bailleur de toute dégradation des bâtiments loués en alléguant que les parties pouvaient aménager conventionnellement les modalités d'exécution des obligations de délivrance et d’entretien qui pèsent sur le bailleur dès lors qu’elles ne déchargent pas le bailleur de son obligation de délivrance, ce qui était le cas en l’occurrence, dans la mesure où la clause obligeait uniquement le locataire à informer le bailleur des dégradations et détériorations afin qu’il effectue les travaux nécessaires sans décharger ce dernier de son obligation de délivrance.

Aussi, cette clause devant être mise en œuvre, le propriétaire a, ensuite, argué, sur le fondement de celle-ci, que le manquement à son obligation de délivrance d’un bien en bon état trouvait sa cause dans le manquement du preneur à son obligation née du contrat de l’informer des dégradations et détériorations qui rendaient nécessaires des travaux ; de sorte que cette faute de la victime était de nature à l’exonérer de sa responsabilité.

Enfin, toujours sur le fondement du principe de la force obligatoire des conventions, le demandeur a contesté le rejet de sa demande de prise en charge du sinistre par son assureur en se prévalant du fait que son contrat d’assurance couvrait les dommages matériels directs résultant de l’action directe du poids de la neige et que l’effondrement du bâtiment avait bien été déclenché par le poids de la neige, peu important qu’il ait aussi trouvé son origine dans la corrosion des poteaux.

Décision. Dans un premier temps, la Cour de cassation rejoint les juges du fond en écartant la mise en jeu de la clause contractuelle obligeant le preneur à informer le bailleur des dégradations éventuelles de l’immeuble. En effet, en retenant que la cour d’appel avait relevé que la corrosion physique de la structure métallique du bâtiment était bien antérieure à la prise de possession des lieux par la locataire, de sorte qu’elle était connue de la bailleresse et qu’il appartient au propriétaire, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l’entretien de son immeuble, la Haute juridiction affirme qu’une telle obligation d’information n’était pas à la charge du preneur dont le manquement aurait été de nature à engager sa responsabilité.

En revanche, dans un second temps, le juge du droit censure la position des juges du fond quant à leur rejet de la demande de prise en charge du sinistre par l’assureur du propriétaire et casse l’arrêt d’appel. En effet, la Haute cour affirme que la cour d’appel a violé le principe de la force obligatoire des conventions en rejetant cette demande alors qu’elle avait constaté que la présence de neige sur le toit du bâtiment avait contribué à son effondrement et qu’il n’était pas contesté que le contrat d'assurance souscrit garantissait les dommages résultant du poids de la neige accumulée sur les toitures.

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