Le Quotidien du 10 juillet 2020 : Discrimination

[Brèves] Nullité du licenciement fondé sur le port de la barbe

Réf. : Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.743, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A71533QY)

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N4082BYT

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par Charlotte Moronval

le 15 Juillet 2020

► Est nul et discriminatoire, le licenciement d'un salarié fondé sur le port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques.

Dans les faits. Un salarié, consultant sûreté d’une société assurant des prestations de sécurité et de défense pour des gouvernements, organisations internationales non gouvernementales ou entreprises privées, est licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant le port d’une barbe « taillée d’une manière volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique ». Soutenant avoir été licencié pour un motif discriminatoire, le salarié saisit la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de son licenciement.

La procédure. Le salarié obtient gain de cause auprès du conseil de prud’hommes, puis auprès de la cour d’appel. L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Rappel des règles relatives à la protection de la liberté religieuse. Sur le fondement des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) et L. 1132-1 (N° Lexbase : L4889LXD) du Code du travail ainsi que des dispositions de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4), la Chambre sociale rappelle, dans un premier temps, que les restrictions à la liberté religieuse doivent répondre aux conditions cumulatives suivantes :

  • être justifiées par la nature de la tâche à accomplir ;
  • répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.

Par ailleurs, le règlement intérieur ne peut pas contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1321-3 N° Lexbase : L7923LCG).

Possibilité d’adopter une clause de neutralité. Dans un second temps, la Chambre sociale rappelle que l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur ou dans une note de service une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients (v. Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855, FS-P+B+I N° Lexbase : A3737NGI).

En l’espèce, la cour d’appel, qui a relevé que l’employeur ne produisait aucun règlement intérieur ni aucune note de service précisant la nature des restrictions qu’il entendait imposer au salarié en raison des impératifs de sécurité invoqués, en a déduit à bon droit que l’interdiction faite au salarié, lors de l’exercice de ses missions, du port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et l’injonction faite par l’employeur de revenir à une apparence considérée par ce dernier comme plus neutre caractérisaient l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié.

L’absence d’exigence professionnelle essentielle et déterminante pour justifier la discrimination. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 N° Lexbase : A4830T3B) que la notion d’« exigence professionnelle et déterminante », au sens de l’article 4 §, 1 de la Directive n° 2000/78, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause, sans qu’elle puisse couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.

En l’espèce, la Chambre sociale de la Cour de cassation énonce que les demandes d’un client relatives au port d’une barbe pouvant être connotée de façon religieuse ne sauraient, par elles-mêmes, être considérées comme une exigence professionnelle et déterminante au sens de l’article 4 §, 1 susvisé.

→ Quid de la sécurité des personnes ? La Cour de cassation admet, en revanche, que l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives et, par suite, permet à l’employeur d’imposer aux salariés une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nécessaire afin de prévenir un danger objectif, ce qu’il lui appartient de démontrer.

En l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’employeur ne justifiait pas des risques invoqués de sécurité spécifiques liés au port de la barbe dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié, de nature à constituer une justification à une atteinte proportionnée aux libertés de ce dernier.

Ainsi, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le licenciement du salarié reposait bien sur un motif discriminatoire, l’employeur s’étant fondé sur ce qu’il considérait comme l’expression par le salarié de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de sa barbe.

► Pour en savoir plus, v. ETUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Le port d'un signe religieux, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E6262XYL).

► Lire également les actes de la table ronde « L'entreprise confrontée aux comportements religieux », organisée à la Faculté de droit d'Aix-Marseille le 21 février 2020, in Lexbase Social, mai 2020, n° 824 (N° Lexbase : N3306BY4).

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