Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 29 juin 2020, n° 433937, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A78663PZ)
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par Sarah Bessedik
le 08 Juillet 2020
► Par une décision en date du 29 juin 2020, le Conseil d’État rappelle les exigences en matière de preuve à apporter par l’administration fiscale dans le cadre de l’article 238 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L6051LM3).
Cette disposition issue de l’article 14 de la loi de finances pour 1974 (loi n° 73-1150, du 27 décembre 1973, de finances pour 1974 N° Lexbase : L4190KYT) avait pour objectif d’étendre et de renforcer les moyens d’action de l’administration fiscale en disposant que, dans la mesure où elles se traduisent par des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt en France, certaines transactions faites avec des personnes physiques ou morales domiciliées à l’étranger ne sont opposables à l’administration fiscale que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses dont le paiement lui incombe correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Les entreprises y ont vu un moyen d’optimisation fiscale, en dissociant le lieu du domicile du bénéficiaire, fixé dans un pays à fiscalité normale, et le lieu du paiement situé dans un pays à fiscalité privilégiée.
C’est pourquoi, l’article 90 de la loi de finances pour 1982 (loi n° 81-1160, du 30 décembre 1981, de finances pour 1982 N° Lexbase : L5269I7B) et la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 N° Lexbase : L5203GUA) ont intégré et précisé la notion d’État à fiscalité privilégié. Ce concept est à distinguer d’un premier concept intégré à l’article 238 0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L3333IGK), celui de paradis fiscal.
Ainsi, les dispositions au premier alinéa de l’article 238 A sont étendues aux versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des États à fiscalité privilégiée.
Plus précisément, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’État ou le territoire considéré si :
- elles n’y sont pas imposables,
- elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies.
En somme, l’application de l’article 238 A conduit à un renversement de la charge de la preuve. Toutefois, cette application est subordonnée à la démonstration par l’administration fiscale que l’entreprise est bien soumise à un régime fiscal privilégié.
Résumé des faits : en l’espèce, les juges du Conseil d’État ont donc eu à se prononcer sur la qualification de régime fiscal privilégié ainsi que sur les exigences en termes de preuve apportée par l’administration fiscale.
En effet, la société Berny avait déduit de son résultat imposables les honoraires facturés par une société andorrane. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration va remettre en cause cette déduction en soutenant qu’en Andorre, la société n’était pas soumise à l’impôt sur les sociétés. Pour autant, est-ce une preuve suffisante ?
Solution : les juges du Conseil d’État répondront par la négative. Selon eux, la seule absence d’un impôt sur les sociétés dans l’État du bénéficiaire, sans prendre en compte les autres impositions directes sur les bénéfices et revenus, n’est pas une preuve suffisante pour démontrer que le bénéficiaire serait soumis au régime fiscal privilégié visé par l’article 238 A du CGI.
Par conséquent, l’article 238 A du CGI est inapplicable et aucun renversement de la charge de la preuve n’est possible. La société Berny n’aura pas à démontrer que les honoraires versées à la société andorrane correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Contexte : à noter que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de délimiter la notion d’État à fiscalité privilégié (CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 413129, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7499Y9M ; CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 412284, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7498Y9L) ou de préciser les modalités d’établissement de la preuve par l’administration fiscale (CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 413129 préc.).
A lire sur CE 3° et 8° ch.-r., 24 avril 2019, n° 412284, mentionné aux tables du recueil Lebon, F. Chidaine, Précisions sur la non-déductibilité en charges des versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier soumis à un régime fiscal privilégié, Lexbase Fiscal, mai 2019, n° 784 (N° Lexbase : N9085BXR) |
Ainsi, si la principauté d’Andorre n’est plus considérée comme un paradis fiscal depuis 2009, ce n’est pas non plus un État à fiscalité privilégiée.
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