Le Quotidien du 13 mars 2020 : Commercial

[Brèves] Dénigrement vs. droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement : une information de nature à jeter le discrédit sur un produit doit se rapporter à un sujet d’intérêt général et reposer sur une base factuelle suffisante

Réf. : Cass. com., 4 mars 2020, n° 18-15.651, F-P+B (N° Lexbase : A89833H8)

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[Brèves] Dénigrement vs. droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement : une information de nature à jeter le discrédit sur un produit doit se rapporter à un sujet d’intérêt général et reposer sur une base factuelle suffisante. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57152023-0
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par Vincent Téchené

le 18 Mars 2020

► Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 4 mars 2020 (Cass. com., 4 mars 2020, n° 18-15.651, F-P+B N° Lexbase : A89833H8).

L’affaire. Une société fabrique et commercialise des plans de travail en marbre, en granit et pierre naturelle et en quartz de synthèse. Soupçonnant ce dernier matériau d’être dangereux pour la santé de ses employés, la société a fait réaliser une étude par l’Institut de recherche et d’expertise scientifique de Strasbourg (l’IRES), et publié sur son site internet et sur les réseaux sociaux de son dirigeant les résultats des deux rapports établis par cet organisme confirmant la présence de composants dangereux dans le quartz de synthèse, puis a lancé une alerte auprès du magazine 60 millions de consommateur en indiquant que ce matériau était dangereux pour la santé, non seulement lors du façonnage, mais aussi « lors de l’utilisation quotidienne en cuisine ». Après une mise en demeure, restée infructueuse, de cesser cette campagne, qualifiée de dénigrement, une association qui a pour objet de promouvoir la réalisation de plans de travail de cuisines et salles de bain en quartz de synthèse et qui regroupe plusieurs fabricants de pierres agglomérées, invoquant l’existence d’un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, a assigné en référé la société, afin d’obtenir, sous astreinte, des mesures conservatoires de retrait et d’interdiction de diffusion des informations relatives aux études menées par l’IRES concernant le quartz de synthèse.

L’arrêt d’appel. La cour d’appel rejette ces demandes (CA Versailles, 22 février 2018, n° 17/03986 N° Lexbase : A2132XEP). Elle estime notamment que la mise en garde publique, par la société, sur un matériau qu’elle a cessé de vendre, convaincue du risque de sa nocivité, en alertant parallèlement la ministre des Affaires sociales et de la Santé et la direction de l’évaluation des risques de l’ANSES, relève de la nécessaire information du consommateur, qui doit être mise en regard avec le droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement reconnu par la loi à toute personne physique et morale qui estime de bonne foi devoir diffuser une information concernant un fait, une donnée ou une action dont la méconnaissance lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement. Elle en déduit qu’au regard de ce droit d’alerte et des interrogations persistantes et légitimes sur la nocivité pour la santé du consommateur du quartz de synthèse utilisé pour les plans de travail de cuisine, le caractère manifeste du dénigrement reproché à la société n’est pas établi avec l’évidence requise en référé.

La décision. La Haute juridiction énonçant le principe précité, censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9) et 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A). En effet, elle relève que les juges d’appel ont constaté d’un côté, que le message diffusé publiquement par la société faisait état du danger présenté par les plans de cuisine en quartz de synthèse, de l’autre, que les rapports de l’IRES, invoqués au soutien de ces affirmations, étaient critiqués tant par les deux experts mandatés par l’association que par la DGCCRF, qui soulignaient que les tests de l’IRES n’avaient pas été réalisés dans des conditions normales d’utilisation par des consommateurs et que l’IRES lui-même reconnaissait que son étude ne portait pas sur l’évaluation des migrations de substances contenues dans l’air ou les denrées alimentaires en contact avec ce matériau. Il en résulte ainsi que l’information divulguée ne reposait pas sur une base factuelle suffisante au regard de la gravité des allégations en cause, de sorte que la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

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