Réf. : AMF, analyse juridique du 6 mars 2020 ; AMF, position n° 2020-02, 6 mars 2020 (N° Lexbase : L3799LWM)
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par Vincent Téchené
le 11 Mars 2020
► L’Autorité des marchés financiers a publié le 6 mars 2020, une analyse juridique sur les obstacles juridiques au développement des security tokens ainsi qu’une position apportant des précisions relatives à la notion de plate-forme de négociation, applicables notamment aux titres financiers inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (AMF, position n° 2020-02, 6 mars 2020 N° Lexbase : L3799LWM)
Au-delà des Initial Coin Offerings (ICO), offres au public de jetons encadrées par la loi « PACTE » (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK ; sur ce point lire not. les obs. de H. de Vauplane et V. Charpiat, La réglementation des initial coin offerings (ICO) en France par la loi « PACTE » N° Lexbase : N9116BXW), les acteurs de l’écosystème blockchain et les acteurs traditionnels ont manifesté un fort intérêt pour les Security Token Offerings (STO) et plus généralement l’inscription d’instruments financiers sur la blockchain. L’AMF considère que la « tokénisation » des actifs financiers pourrait être une tendance de long terme s’inscrivant dans l’automatisation de la chaîne post-marché.
L’analyse juridique de l’AMF a porté à la fois sur l’émission et l’échange de security tokens ainsi que sur leur inscription dans des fonds d’investissement. S’agissant de l’émission, la réglementation « Prospectus » paraît compatible avec les STO. Dans le domaine de la gestion d’actifs, les réglementations européennes et nationales n’empêchent pas le développement des security tokens. Les sociétés de gestion qui voudraient développer cette activité devraient demander un agrément à l’AMF ou mettre à jour leur programme d’activité.
En revanche, l’échange de security tokens fait face à des obstacles juridiques majeurs, du fait de la nature décentralisée de la technologie blockchain.
La négociation de security tokens pourrait se voir appliquer la réglementation financière actuelle sans trop de difficultés. Des plateformes pourraient fournir certains services d’investissement en security tokens (réception, transmission d’ordres pour compte de tiers, exécution d’ordres pour compte de tiers) en demandant un agrément de prestataire de services d’investissement (PSI) ou de conseiller en investissements financiers (CIF), sous réserve d’avoir un gestionnaire identifié, ce qui exclut les plateformes décentralisées.
Pour proposer un réel marché secondaire des security tokens et exploiter une plateforme de négociation au sens de la Directive « MIF 2 » (Directive 2014/65 du 15 mai 2014 N° Lexbase : L5484I3I), un agrément en tant que système multilatéral de négociation (SMN) ou de système organisé de négociation (OTF) serait nécessaire, ce qui écarte également les plateformes décentralisées.
En revanche, l’AMF publie également le 6 mars 2020 une position précisant dans quelle mesure certaines interfaces de security tokens permettant l’affichage d’intérêts acheteurs et vendeurs, sans confrontation des ordres, ne nécessiteraient pas d’agrément en tant que plateforme de négociation au sens de « MIF 2 » (AMF, position n° 2020-02, 6 mars 2020).
Quant à la livraison des titres contre paiement (le règlement-livraison), si elle est d’ores et déjà possible pour les titres financiers non cotés grâce à l’ordonnance « blockchain » du 8 décembre 2017, elle pose d’importantes difficultés pour les autres security tokens. La réglementation actuelle ne permet pas d’assurer le règlement-livraison entièrement sur la blockchain. Dès lors, une plateforme cotant des security tokens devrait soit passer par un intermédiaire agréé comme dépositaire central soit être elle-même agréée comme tel.
Un aménagement du Règlement « CSDR » (Règlement n° 909/2014 du 23 juillet 2014 N° Lexbase : L1236I4K) apparaît ainsi nécessaire pour permettre le règlement-livraison en crypto-monnaie.
Parmi les pistes avancées, l’AMF propose que soit créé au niveau européen un dispositif d’exemption, que l’on pourrait qualifier de « laboratoire numérique » (digital lab), qui permettrait aux autorités nationales compétentes de lever, en contrepartie de garanties appropriées, certaines exigences imposées par la réglementation européenne et identifiées comme incompatibles avec l’environnement blockchain. Cette exemption serait accordée sous réserve que l’entité en bénéficiant respecte les principes clés de la réglementation et qu’elle fasse l’objet d’une surveillance accrue.
Un tel dispositif permettrait l’émergence de projets d’infrastructures de marché de security tokens qui pourraient se développer dans un environnement juridique sécurisé. Il serait encadré par un mécanisme de suivi précis au niveau européen (ESMA).
Cette expérimentation dans le cadre d’un « laboratoire numérique » permettrait d’envisager, au terme d’une clause de revue de trois ans, les aménagements nécessaires de la réglementation financière européenne, en s’appuyant sur l’expertise acquise par les autorités nationales et l’ESMA (cf. AMF, communiqué de presse du 6 mars 2020).
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