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par Etienne de Larminat, Avocat fiscaliste
le 05 Février 2020
Les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés de personnes dont l'Etat du Koweït est associé ne peuvent (même partiellement) être exonérées pour ce motif. Les dispositions de l'art. 244 bis A du Code général des impôts (N° Lexbase : L9068LN8), qui prévoient une exonération en faveur des Etats étrangers, ne s'appliquent, en effet, qu'aux PV que ces Etats réalisent directement (CE 9° et 10° ch.-r., 22 janvier 2020, n° 423160, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A65023CS). La convention fiscale franco-koweïtienne ne semble pas, à cet égard, s'opposer à la taxation
L’opération de cession immobilière à une société contrôlée par le vendeur est couramment appelée OBO (owner buy-out), ou vente à soi-même.
L’opération d’OBO immobilier, mise en œuvre de façon adéquate, ne présente pas de difficultés fiscales particulières. Certains évoquent pourtant le risque d’abus de droit. Il existe effectivement mais ne doit pas être surestimé. Il ne saurait y avoir d’abus de droit si des précautions élémentaires sont prises.
Ce type d’opération est en réalité assez fréquent.
L’intérêt principal consiste à pouvoir dégager des liquidités immédiatement disponibles à partir d’un bien immobilier dont le contribuable est propriétaire.
1 - OBO immobilier : exemple
En pratique, l’opération se déroule comme suit :
2 - Appréciation générale du risque d’abus de droit
Comme l’exemple ci-avant le montre, la vente à soi-même est une opération relativement simple dans son principe.
Le risque d’abus de droit est cependant parfois invoqué pour mettre en garde les candidats potentiels.
En réalité, un tel risque ne doit être ni exagéré ni sous-estimé.
Quoi qu’il en soit, il ne saurait être évalué de façon abstraite.
Certaines opérations d’OBO sont dangereuse et risquent effectivement de donner lieu à des redressements sur le fondement de l’abus de droit.
A l’inverse, d’autres sont totalement dénuées de risques.
Il faut donc regarder au cas par cas.
Analysons les choses à partir de deux situations différentes :
Nous examinerons ensuite rapidement le risque de fictivité, commun à ces deux opérations.
Nous aborderons enfin la question du mini-abus de droit.
On laissera de côté les autres problématiques fiscales, notamment concernant le choix d’une structure transparente où à l’impôt sur les sociétés pour racheter l’immeuble.
3 - L’OBO sur un immeuble dont le contribuable se réserve la jouissance & imputation de l’éventuel déficit foncier: une opération dangereuse
Certains auteurs ont pu écrire qu’une telle opération n’était pas à proscrire systématiquement (Michel Leroy, OBO immobilier sur résidence de jouissance et abus de droit, La revue fiscale du patrimoine, n° 4, avril 2019, 6).
Il existe effectivement des hypothèses dans lesquelles une telle vente à soi-même est possible.
Ces hypothèses sont toutefois relativement rares.
En effet, la jurisprudence en la matière est sévère.
A - Position du problème
La chose est connue, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu.
Cela résulte de l’article 15, II du Code général des impôts (N° Lexbase : L1055HLN).
Cet article explique seul l’absence d’impôts au titre des revenus fonciers sur la résidence principale ou secondaire d’une personne physique.
A priori, cette règle est plutôt avantageuse.
Mais son corollaire ne l’est pas.
En effet, elle implique nécessairement que les charges afférentes à de tels immeubles ne sont pas déductibles.
B - OBO immobilier : exemple d’opération à proscrire absolument
Certains contribuables ont donc eu l’idée suivante :
Sauf hypothèses très particulières, une telle opération est à bannir.
Dans l’opération décrite ci-avant, le Conseil d’Etat refuse alors l’imputation du déficit foncier.
Il a ainsi pu être jugé, dans une telle hypothèse :
« Estimant que la vente de la villa M. [résidence des contribuables] puis sa mise en location au profit [des contribuables] caractérisaient un abus de droit destiné à faire échec à l’application des dispositions du II de l’article 15 du Code général des impôts, qui prévoient que les revenus des logements dont le contribuable se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu et dont il se déduit que les charges correspondantes ne sont pas déductibles, elle les a écartées, sur le fondement [de l’abus de droit], comme ne lui étant pas opposables » (CE 9° et 10° ch.-r., 8 février 2019, n° 407641, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6214YW3)
Pour le dire autrement, le Conseil d’Etat considère que la cour administrative d’appel a eu raison de refuser la déduction des charges en cause sur le fondement de l’abus de droit.
Bien sûr, mais cela va de soi, l’opération peut tout à fait être réalisée, à condition de n’imputer aucun déficit fiscal en lien avec l’immeuble en cause. Cela n’enlève rien à l’intérêt non fiscal de l’opération.
4 - Owner buy out immobilier sur un immeuble locatif : une opération opportune
On visera ici la vente à soi-même d’un immeuble loué à un tiers.
A l’inverse de l’hypothèse évoquée précédemment, une telle opération ne pose pas en soi de problème particulier au titre de l’abus de droit.
Bien sûr, chaque situation doit être examinée au cas par cas.
Il n’en reste pas moins qu’elle ne pose pas de problème particulier dans son principe.
A - Position du problème
Il existe deux types d’abus de droit : l’abus de droit par simulation (ou fictivité) et l’abus de droit par fraude à la loi.
L’abus de droit par simulation sera examiné plus bas.
On examinera uniquement dans cette partie l’abus de droit par fraude à la loi.
Il y a abus de droit par fraude à la loi, selon les articles L. 64 A ([LXB=]) et L. 64 (N° Lexbase : L9266LNI) du Livre des procédures fiscales, lorsque le contribuable, recherchant le bénéfice d’une application littérale d’un texte fiscal, passe des actes dans le seul but, ou dans le but principal, d’éluder l’impôt, et de façon contraire à l’intention du législateur.
En pratique, l’abus de droit sera caractérisé lorsque l’opération avait pour but principal ou exclusif d’éluder l’impôt.
L’abus de droit est donc écarté lorsque peuvent être invoqués les buts déterminants, autres que fiscaux qui ont conduit à l’opération.
B - Analyse de l’opération à l’aune de l’abus de droit
Il faut donc se demander quels buts principaux autres que fiscaux peuvent conduire à la mise en œuvre d’une opération d’owner buy out immobilier.
Or, sauf cas particulier, de tels objectifs sont faciles à déceler.
Donnons-en ici quelques exemples :
Il faut bien sûr examiner chaque situation au cas par cas.
Mais dans bien des hypothèse, l’opération ne sera pas mise en œuvre dans un but exclusivement ou principalement fiscal.
Sauf cas particulier à examiner individuellement, il n’y a donc pas de risque d’abus de droit.
Ajoutons que le nouvel article L.64 A du Livre des procédures fiscales, qui instaure le « mini abus de droit » , ne change pas radicalement la donne.
5 - OBO immobilier : éviter l’abus de droit pour fictivité
Deux situations sont susceptibles de caractériser un abus de droit.
La situation la plus fréquente, toutes problématiques confondues, est celle d’abus de droit par fraude à la loi.
C’est cette hypothèse que je visais dans les développements précédents.
Mais qu’en est-il de l’abus de droit par simulation ?
Dans le cas d’une vente à soi-même, l’abus de droit par fictivité est susceptible d’être caractérisé en cas de fictivité, soit de la vente, soit de la société.
La situation sera extrêmement rare, et ne peut résulter que de la négligence du contribuable ou de ses conseils.
L’abus de droit par fictivité de la vente ne se rencontrera pas en pratique.
En effet, celle-ci aura bel et bien lieu.
Le prix sera effectivement payé, et l’intervention d’un notaire assurera la sécurité juridique de l’acte.
Pour sa part, le redressement pour abus de droit lié à la fictivité d’une société se rencontre parfois en pratique.
Pour l’éviter, il suffit que ladite société ait une existence réelle.
Pour le démontrer, il convient simplement de se plier au formalisme nécessaire :
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