Réf. : Cons. const., décision n° 2019-817 QPC, du 6 décembre 2019 (N° Lexbase : A9880Z4P)
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par June Perot
le 02 Janvier 2020
► Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les dispositions de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) qui posent l’interdiction d’utiliser tant un appareil photographique ou d'enregistrement sonore ou audiovisuel au cours des audiences des juridictions administratives ou judiciaires, que la cession ou la publication du document ou de l'enregistrement obtenu au moyen de cet appareil ;
pour ce faire, le Conseil constitutionnel retient notamment qu’il s’agit d’assurer la sérénité des débats, de prévenir les atteintes au respect de la vie privée des parties au procès et des personnes participants aux débats, à la sécurité des acteurs judiciaires et, en matière pénale, à la présomption d'innocence de la personne poursuivie ;
il relève également que, d’une part, s'il est possible d'utiliser des dispositifs de captation et d'enregistrement qui ne perturbent pas en eux-mêmes le déroulement des débats, l'interdiction de les employer au cours des audiences permet de prévenir la diffusion des images ou des enregistrements, susceptible quant à elle de perturber ces débats ; d'autre part, l'évolution des moyens de communication est susceptible de conférer à cette diffusion un retentissement important qui amplifie le risque qu'il soit porté atteinte aux intérêts précités ;
enfin, l'interdiction résultant des dispositions contestées, à laquelle il a pu être fait exception, ne prive pas le public qui assiste aux audiences, en particulier les journalistes, de la possibilité de rendre compte des débats par tout autre moyen, y compris pendant leur déroulement, sous réserve du pouvoir de police du président de la formation de jugement.
C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a tranché la question qui lui était posée au sujet de la conformité de l’article 38 ter de la loi de 1881, dans une décision rendue le 6 décembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-817 QPC, du 6 décembre 2019 N° Lexbase : A9880Z4P).
La QPC. Les Sages avaient été saisis le 3 octobre 2019 par la Chambre criminelle (Cass. crim., 1er octobre 2019, n° 19-81.769, FS-D N° Lexbase : A5020ZQY). La question était formulée comme suit : «Les dispositions de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, qui interdisent dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image, portent-elles atteinte au principe de nécessité des délits et des peines garanti aux articles 5 (N° Lexbase : L1369A9L) et 8 (N° Lexbase : L1372A9P) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et limitent-elles la liberté de communication garantie à l’article 11 (N° Lexbase : L1358A98) de ce texte de manière nécessaire, adaptée et proportionnée, alors qu’elles érigent en infraction pénale la captation de sons et d’images effectuée par des journalistes au cours d’un procès, qui est pourtant susceptible d’être effectuée sans troubler la sérénité des débats, sans porter une atteinte excessive aux droits des parties, ni menacer l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ? ».
Griefs formulés. La requérante et l'association intervenante reprochaient à ces dispositions d'interdire tant l'utilisation d'un appareil photographique ou d'enregistrement sonore ou audiovisuel au cours des audiences des juridictions administratives ou judiciaires, que la cession ou la publication du document ou de l'enregistrement obtenu au moyen de cet appareil. Selon elles, l'évolution des techniques de captation et d'enregistrement ainsi que le pouvoir de police de l'audience du président de la juridiction suffiraient à assurer la sérénité des débats, la protection des droits des personnes et l'impartialité des magistrats. L'association intervenante dénonçait également le fait que le législateur n'ait pas prévu d'exception à cette interdiction afin de tenir compte de la liberté d'expression des journalistes et du «droit du public de recevoir des informations d'intérêt général». Il en résulterait une méconnaissance de la liberté d'expression et de communication. L'interdiction étant sanctionnée d'une peine d'amende, ces dispositions contreviendraient, pour les mêmes motifs, au principe de nécessité des délits et des peines.
Conformité. Reprenant les motifs précités, le Conseil constitutionnel considère que l'atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui résulte des dispositions contestées est nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution.
Et les live-tweet ? Il nous semble que le Conseil ne condamne pas cette pratique puisqu’il énonce que l’interdiction litigieuse ne prive pas le public, et en particulier les journalistes, de la possibilité de rendre compte des débats par tout autre moyen, y compris pendant leur déroulement, sous réserve (évidemment) du pouvoir de police du président de la formation de jugement.
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