Le Quotidien du 11 décembre 2019 : Bancaire

[Brèves] Chèque juxtaposant le nom de deux bénéficiaires et responsabilité du banquier tiré et du banquier présentateur

Réf. : Cass. com., 27 novembre 2019, n° 18-11.439, FS-P+B (N° Lexbase : A3449Z4I)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 04 Décembre 2019

► La juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente ;

► Lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, la banque tirée, qui verse la provision entre les mains de la banque présentatrice à charge pour celle-ci d’en créditer le montant sur le compte du ou des bénéficiaires du chèque, n’est tenue ni de vérifier auprès du tireur, en l’absence d’anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, la sincérité de la mention, ni de s’assurer du consentement de l’autre bénéficiaire ;

► En revanche, la banque présentatrice est dans l’obligation, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, de s’assurer du consentement de l’autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis.

Tels sont les enseignements d’un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2019 (Cass. com., 27 novembre 2019, n° 18-11.439, FS-P+B N° Lexbase : A3449Z4I)

L’affaire. M. Z., associé de la société S., avait souscrit par l’intermédiaire de M. V., agent général de la société M., des contrats d’assurance vie afin de constituer une garantie financière au bénéfice de sociétés de travail temporaire dont le capital était détenu par la société S. Cette société, qui était titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la banque L. (la banque tirée), avait établi cinq chèques à l’ordre de la société M. qui avaient été encaissés à son profit par M. V. sur un compte personnel ouvert dans les livres de la banque P. (la banque présentatrice). M. Z. et la société S. avaient alors assigné la société M. en qualité de mandante de M. V. en remboursement des sommes détournées par ce dernier. La société M. avait, quant à elle, recherché la responsabilité de la banque présentatrice et de la banque tirée.

Les moyens. Dans son pourvoi, la société M. faisait grief à l’arrêt des juges du fond d’avoir rejeté son appel en garantie contre la banque tirée alors, selon le moyen, que lorsqu’un chèque est émis au bénéfice de deux personnes distinctes ne disposant pas d’un compte joint, la banque tirée ne peut verser le montant de la provision sur le compte de l’un de ces bénéficiaires sans s’assurer du consentement de l’autre. Dès lors, en écartant toute faute de la banque tirée, sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée si elle n’avait pas commis de faute en débloquant les fonds au profit de M. V., sans s’assurer du consentement de la société M. bien qu’elle ait également été désignée comme bénéficiaire de ces chèques, la cour d’appel aurait violé l’ancien article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), devenu l’article 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9).

La décision. Ce moyen n’est cependant pas jugé fondé par la Haute juridiction. Celle-ci commence par rappeler que la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente (dans le même sens, Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-11.734 F-D N° Lexbase : A8176ETY).

Surtout, elle indique que, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, la banque tirée, qui verse la provision entre les mains de la banque présentatrice à charge pour celle-ci d’en créditer le montant sur le compte du ou des bénéficiaires du chèque, n’est tenue ni de vérifier auprès du tireur, en l’absence d’anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, la sincérité de la mention, ni de s’assurer du consentement de l’autre bénéficiaire.

Mais l’apport de la décision ne s’arrête pas là. Il envisage également le cas de la banque présentatrice du chèque.

La Cour de cassation déclare ainsi que, si la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente, la banque présentatrice demeure tenue, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, «de s’assurer du consentement de l'autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis». Or, pour condamner la banque présentatrice à garantir la société M. à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elle, la cour d’appel avait retenu que cette banque avait commis une faute en procédant à l’encaissement des chèques litigieux à la demande d’un seul des deux bénéficiaires sans s’enquérir de l’accord de l’autre. Dès lors, pour la Haute juridiction, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque présentatrice ne pouvait pas considérer que M. V., agent général de la société M., avait reçu mandat de celle-ci pour l’encaissement des cotisations et, en conséquence, tenir pour acquis, lors de la présentation de chèques portant les noms de ces deux bénéficiaires, le consentement de la seconde à leur encaissement sur le compte du premier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

La Haute juridiction casse par conséquent l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 23 novembre 2017, mais seulement en ce qu’il a condamné la banque présentatrice à garantir à la société M. à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre cette dernière en principal, intérêts, frais et dépens. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Montpellier.

Précisions. On notera que la décision étudiée se montre plus favorable à la banque présentatrice que ne le faisait la jurisprudence applicable jusqu’ici. En effet, cette dernière considérait, d’une façon générale, que le banquier qui venait à créditer le compte d’un seul bénéficiaire, sans avoir obtenu l’accord de l’autre, devait voir sa responsabilité engagée en raison de sa faute (Cass. com., 3 janvier 1996, n° 93-18.863, publié N° Lexbase : A1277ABW).

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