La lettre juridique n°804 du 28 novembre 2019 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] La forme du congé du preneur donné pour l’expiration d’une période triennale

Réf. : Cass. civ. 3, 24 octobre 2019, n° 18-24.077, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4722ZSP)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Mutelet-Prigent & Associés, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 29 Novembre 2019

Le preneur peut valablement notifier un congé pour une échéance triennale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dès lors que les dispositions de l’article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L9957LMQ), dans leur rédaction applicable au moment où il a été notifié, lui permettent de donner congé, notamment, sous cette forme.

En l’espèce, le 1er septembre 2010, le locataire principal de locaux à usage commercial, en avait sous-loué une partie. Par lettre recommandée du 18 février 2016, le sous-locataire avait donné congé pour l'échéance triennale du 1er septembre 2016 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les juges du fond (CA Caen, 6 septembre 2018, n° 16/02685 N° Lexbase : A4568X3L) ayant déclaré nul ce congé au motif qu’il aurait dû être notifié par acte extrajudiciaire, le sous-locataire s’est pourvu en cassation. La décision est censurée. La Cour de cassation rappelle en effet que l’article L. 145-4 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC), confère au preneur la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire.

I - La forme du congé du preneur

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (N° Lexbase : L4967I3D), dite «loi Pinel», avait modifié le dernier alinéa de l'article L. 145-9 du Code de commerce pour introduire la possibilité de notifier un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire «au libre choix de chacune des parties» (C. com., art. L. 145-9, anc. N° Lexbase : L5043I38).

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC), dite loi «Macron», avait modifié l'article L. 145-9 du Code de commerce pour supprimer toute référence à la notification du congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui doit donc de nouveau, en principe, «être donné par acte extrajudiciaire» (cf. C. com., art. L. 145-9, mod. N° Lexbase : L2009KGI).

Cependant, parallèlement, la loi «Macron» avait également modifié l'article L. 145-4 du Code de commerce pour permettre au preneur «de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire».

La faculté de donner congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception a donc été maintenue, mais au seul profit du preneur.

Il doit être relevé que ce texte vise le congé donné à l'expiration d'une période triennale et que la question se pose, en conséquence, de savoir si le preneur pourrait donner congé dans cette forme pour le terme du bail qui ne coïnciderait pas avec une période triennale ou en cours de tacite prorogation (sur ce point, J.-P. Dumur, Lexbase, éd. aff., 2015, n° 434 N° Lexbase : N8736BU4).

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rapporté, le bail avait été conclu antérieurement à la loi «Pinel» mais le congé du preneur avait notifié postérieurement à la loi «Macron».

La question pouvait donc se poser de savoir quelles dispositions devaient régir la forme du congé et s’il pouvait régulièrement être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

II - L’application dans le temps des règles relatives à la forme du congé

Dans la décision objet du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt rapporté (CA Caen, 6 septembre 2018, n° 16/02685, préc.), la cour d’appel avait jugé que le congé n’était pas «valide» car il ne pouvait être notifié que par acte extrajudiciaire en application des dispositions de l’article L. 145-9 issues de la loi «Macron».

La cour d’appel a donc a priori procédé à l’application immédiate des dispositions issues de la loi «Macron», sans toutefois qu’un débat ait eu lieu sur leur application dans le temps.

Dans ce cas, le congé notifié pour l’expiration d’une période triennale aurait dû être jugé régulier en application des nouvelles dispositions de l’article L. 145-4 du Code de commerce.

La cour d’appel semble toutefois n’avoir pas pris en compte ces dispositions pour se fonder exclusivement sur celles de l’article L. 145-9 du Code de commerce qui, certes, avant la loi «Pinel» et après la loi «Macron» énoncent de manière générale que «le congé doit être donné par acte extrajudiciaire». Toutefois, depuis, la loi «Macron», il existe une dérogation pour le congé du preneur notifié pour l’expiration d’une période triennale, texte qui n’a pas été pris en compte par la cour.

La Cour de cassation a censuré la décision.

Elle rappelle qu’en application de l’article L. 145-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi «Macron», le preneur peut notifier un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception six mois à l’avance à l’expiration de la période triennale.

La Haute cour précise que la cour d’appel a violé l’article L. 145-4 du Code de commerce par refus d’application et l’article L. 145-9 du Code de commerce par fausse application.

S’agissant de l’application de la loi dans le temps, et même si le débat n’était pas orienté sur cet aspect, la Cour de cassation a procédé à une application immédiate des dispositions de la loi «Macron».

Le contrat ayant été conclu avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, à une époque où, en application des articles L. 145-4 et L. 145-9 du Code de commerce, le congé du preneur ne pouvait être donné que par acte extrajudiciaire, il aurait pu être soutenu qu’en vertu du principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, le congé notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception était nul.

Il résultait en effet d’une jurisprudence constante, rendue sous l’empire des dispositions antérieures à la loi «Pinel», que le congé notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception était nul (voir par exemple, Cass. civ. 3, 23 mars 2011, n° 10-12.254, FS-P+B N° Lexbase : A7734HIB).

Cependant, en application de la règle d’origine prétorienne selon laquelle les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, il a été jugé que les nouvelles dispositions relatives au délai de préavis du congé s’appliquaient aux contrats en cours (Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-21.541, FS-P+B N° Lexbase : A5503KIN).

Cette solution justifie également l’application des nouvelles règles relatives à la forme du congé aux congés donnés postérieurement à leur entrée en vigueur, même pour les baux en cours.

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