Le Quotidien du 20 novembre 2019 : Baux d'habitation

[Brèves] Caractérisation des délits de mise à disposition de locaux impropres à l'habitation, et de soumission de personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine

Réf. : Cass. crim., 14 novembre 2019, n° 18-84.565, F-P+B+I (N° Lexbase : A2148ZY9)

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[Brèves] Caractérisation des délits de mise à disposition de locaux impropres à l'habitation, et de soumission de personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54909898-0
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 19 Novembre 2019

► Le délit de mise à disposition de locaux impropres à l'habitation est constitué par le non-respect, en connaissance de cause, d’arrêtés pris afin d’assurer la protection de la santé et de la dignité des occupants des lieux ; en l’espèce, la cour d’appel a valablement caractérisé l’élément intentionnel des délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, en retenant que les deux logements avaient été déclarés impropres à l’habitation par arrêtés préfectoraux notifiés et que, compte-tenu de la pratique d’atermoiement et de tergiversation systématique des prévenus, de l’état général de la résidence qui perdurait dans le temps, après les nombreuses visites officielles effectuées et de l’absence de réalisation de travaux significatifs visant à remédier aux nombreux désordres, les offres de relogement étaient artificielles ;

► procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d’appel a également caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de soumission et soumission aggravée de personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine.

Telle est la solution d’un arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 14 novembre 2019, n° 18-84.565, F-P+B+I N° Lexbase : A2148ZY9).

En l’espèce, sur la plainte déposée par le locataire d’un appartement situé dans un ensemble immobilier, le procureur de la République avait ouvert une enquête préliminaire concernant les 17 logements de cet ensemble, propriété d’une SCI ; auparavant, à la suite d’un signalement effectué par la locataire d’un des logements de l’immeuble, les services de l’Agence Régionale de la Santé avaient procédé à plusieurs contrôles des habitations en mai 2013, avril 2015, juin 2015 et juillet 2016, conduisant à la prise de cinq arrêtés préfectoraux notifiés au propriétaire pour logements insalubres ou impropres à la location ; à l’issue de l’enquête pénale, la SCI et son gérant avaient été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel pour y répondre des chefs d’abus de confiance, de blanchiment de fraude fiscale, soumission et soumission aggravée de personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine, menace ou actes d’intimidation en vue de contraindre l’occupant d’un local insalubre à renoncer à son droit au relogement et infractions au Code de la santé publique et au Code de la construction ; le tribunal correctionnel, par jugement du 7 juin 2017, avait relaxé la SCI et son gérant des chefs d’abus de confiance et blanchiment de fraude fiscale, les avait déclarés coupables des autres infractions visées à la prévention et prononcé sur les intérêts civils ; la SCI et son gérant, le ministère public, et les parties civiles, avaient interjeté appel de cette décision.

♦ Concernant le délit de mise à disposition de locaux impropres à l'habitation (cf. C. santé publ., art. L. 1337-4 N° Lexbase : L0235LNZ et L. 1331-22 N° Lexbase : L0249LNK), pour répondre aux conclusions des demandeurs au pourvoi, qui avaient soutenu avoir proposé une offre de logement dans l’ensemble d’habitation de la SCI, la cour d’appel s’était prononcée comme indiqué ci-dessus ; elle est approuvée par la Cour suprême, qui estime que la cour d’appel avait ainsi caractérisé l’élément intentionnel des délits dont elle a déclaré les prévenus coupables.

♦ Concernant le délit de soumission et soumission aggravée de personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine (cf. C. pén., art. 225-14 N° Lexbase : L2183AMS et 225-16 N° Lexbase : L2030IEW), précisément pour avoir soumis, entre le 5 septembre 2016, date du rapport de l’Agence régionale de santé, et le 6 janvier 2017, date de l’audition des locataires, se trouvant dans une situation économique précaire, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, en leur faisant occuper depuis avril 2016 un studio d’environ 11 m², présentant des traces d’humidité, de moisissures, des infiltrations, une absence de ventilation, un manque d’isolation et une exiguïté, constatées au cours de l’enquête préliminaire, notamment par des clichés photographiques indiqués au jugement, la Haute juridiction approuve là encore la cour d’appel qui, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle avait déclaré les prévenus coupables et a justifié sa décision au regard des articles 225-14 et 225-16 du Code pénal sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées.

Ainsi, pour répondre aux conclusions des demandeurs, qui avaient soutenu qu’à la date de conclusion du contrat de location en avril 2016, le locataire était employé en contrat à durée indéterminée et qu’à aucun moment, il n’avait fait état de sa situation de précarité financière ou de vulnérabilité, la cour d’appel avait retenu que tous deux étaient dans une situation économique précaire et que les demandeurs avaient été mis en demeure de réaliser des travaux de mise en conformité dans un délai de six mois après l’arrêté d’insalubrité remédiable du 17 mars 2017 ; l’arrêt énonçait, en outre, que la défense ne pouvait utilement invoquer que le jour de la conclusion du contrat, le locataire était titulaire d’un contrat à durée déterminée en qualité de manutentionnaire et qu’il bénéficiait du cautionnement de son père ; que son état de précarité, accentué par la présence de son amie, sans ressources, était caractérisé par la modestie de ses revenus, bénéficiant d’un travail à mi-temps partiel, à rapprocher du montant élevé du loyer (590 euros), totalement prohibitif pour ce secteur géographique ; qu’enfin les diverses constatations matérielles, jamais contestées juridiquement, témoignaient de conditions de logement incompatibles avec la dignité humaine.

De même, pour répondre aux conclusions des demandeurs, qui s’étaient prévalus, en l’absence d’arrêté préfectoral d’insalubrité, d’un état des lieux ne mentionnant aucune réserve lors de la conclusion du contrat de bail en date du 11 septembre 2015, de leur ignorance de la présence d’humidité et d’infiltrations ainsi que de la situation de précarité du locataire, la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, avait retenu notamment que, d’une part, les demandeurs ne pouvaient ignorer les diverses visites effectuées et les constatations matérielles faites par les services officiels, jamais contestées au plan administratif, que, d’autre part, le locataire était dans une situation économique précaire, sans emploi, avec pour seul revenu une pension mensuelle d’un montant de 765 euros, rendant le montant du loyer disproportionné au regard du confort et de la superficie du logement dans ce secteur de location.

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