Le Quotidien du 18 novembre 2019 : Droit financier

[Brèves] «Sanctions AMF» : pas d’application du principe des droits de la défense aux phases antérieures à la notification de griefs et encadrement des fonds à formule

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 6 novembre 2019, n° 414659, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8847ZTT)

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[Brèves] «Sanctions AMF» : pas d’application du principe des droits de la défense aux phases antérieures à la notification de griefs et encadrement des fonds à formule. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54667117-0
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par Vincent Téchené

le 13 Novembre 2019

► D’une part, le principe des droits de la défense s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF, ni a fortiori aux étapes antérieures à cette phase d'enquêtes et de contrôle ;

► D’autre part, concernant les fonds à formule, qui garantissent à l'investisseur la réalisation d'un objectif financier défini à l'avance dans le contrat, par application d'une formule de calcul indexée sur les marchés financiers, la «formule» ne saurait être regardée comme déterminant le montant maximal de la rémunération à laquelle les porteurs de parts d'un fonds à formule ont droit et l'invocation du caractère parcellaire ou erroné des informations relatives au frais de gestion applicable peut être utilement invoquée contre les fonds à formule.

Tels sont les principaux enseignements d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 6 novembre 2019 (CE 5° et 6° ch.-r., 6 novembre 2019, n° 414659, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8847ZTT).

L’affaire. Une société de gestion de portefeuille (SGP) agréée par l’AMF conçoit et gère notamment des «fonds à formule» constitués soit sous forme d’OPCVM soit sous forme de FIA et font. En l’espèce, pour tous les fonds à formule en cause, le souscripteur a l’assurance, à l’échéance du fonds, de pouvoir récupérer, hors commission de souscription, l’intégralité du capital qu’il avait initialement investi, majoré du produit de la formule, soit un certain pourcentage de la performance d’un panier d’actions, ou d’un indice, donné. Le 3 février 2015, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder à un contrôle portant sur le respect par la SGP de ses obligations professionnelles. Le contrôle a porté sur 133 fonds structurés et a donné lieu à l’établissement d’un rapport le 16 novembre 2015. Par une décision du 31 mai 2016, le collège de l’AMF a notifié à la SGP deux séries de griefs, la première relative au «prélèvement des commissions de rachat acquises aux fonds», la seconde au «prélèvement à l’échéance de la différence issue de la marge de structuration». La SGP a donc attaqué la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la commission des sanctions de l’AMF, après avoir estimé que l’ensemble des griefs notifiés étaient caractérisés, a prononcé à son encontre un avertissement ainsi qu’une sanction pécuniaire de 35 millions d’euros et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l’AMF en fixant à cinq ans à compter de la date de sa décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

La décision.

Sur la régularité de la décision, la requérante soutenait que l'absence, dans le dossier de procédure à laquelle elle avait accès, de tout procès-verbal de l’entretien de son ancien directeur conformité, contrôle interne et risques qu'un collaborateur de l'AMF a rencontré le 21 novembre 2014, en méconnaissance de ce que prévoit le Code monétaire et financier, a porté atteinte au principe du respect des droits de la défense. Le Conseil d’Etat balaye ce grief. Il retient que si l'article R. 621-35 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2072I37), en particulier, prévoit que les auditions conduites par les enquêteurs de l'AMF font l'objet de procès-verbaux, ces dispositions ne sont applicables qu'à la phase de contrôle, ouverte le jour de la signature des ordres de mission par le secrétaire général de l'AMF. Or en l'espèce, la rencontre litigieuse du 21 novembre 2014 est intervenue avant l'ouverture du contrôle, décidée le 3 février 2015. D'autre part, le principe des droits de la défense s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF, ni a fortiori aux étapes antérieures à cette phase d'enquêtes et de contrôle. Et, si les enquêtes réalisées par les agents de l'AMF, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, il n'est en l'espèce pas établi, ni même allégué, qu'il aurait été porté une telle atteinte irrémédiable aux droits de la SGP. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'audition de l'ancien directeur conformité, contrôle interne et risques de cette société aurait porté atteinte au droit de la défense est écarté.

Sur le bien-fondé de la décision, le Conseil relève que, si aux termes des articles R. 214-28 (N° Lexbase : L5762IXP) et R. 214-32-39 (N° Lexbase : L5597IXL) du Code monétaire et financier, les fonds à formule sont définis par un «objectif de gestion» consistant à «atteindre, à l'expiration d'une période déterminée, un montant déterminé par application mécanique d'une formule de calcul prédéfinie», de telles dispositions ne font pas obstacle à ce que la rémunération finale des porteurs excède un tel montant. Il résulte, par ailleurs, des dispositions des articles 319-16 et 321-120 du règlement général de l'AMF respectivement applicables aux FIA et aux OPCVM que les porteurs de parts d'un fonds à formule doivent être regardés soit comme les copropriétaires indivis de l'actif du fonds (dans le cas d'un FIA), soit comme les propriétaires directs des actifs-sources (dans le cas d'un OPCVM). Ainsi à l'échéance du fonds, si la valeur liquidative du fonds est supérieure à la valeur liquidative correspondant à la réalisation de la formule, chaque porteur a droit à ce que lui revienne sa quote-part de l'intégralité du revenu supplémentaire généré. Dès lors le Conseil en conclut que la «formule» ne saurait être regardée comme déterminant le montant maximal de la rémunération à laquelle les porteurs de parts d'un fonds à formule ont droit.

En outre, la détermination de la formule elle-même par la société de gestion commercialisant le fonds dépend de la rémunération que cette société souhaite se réserver, ainsi qu'aux autres intervenants. Le caractère plus ou moins avantageux de la formule proposée est donc directement fonction de la nature et du montant des frais de gestion applicables au fonds en question, l'affichage de frais de gestion plus faibles qu'ils ne le sont en réalité peut donner l'impression que la formule du fonds est plus intéressante pour les investisseurs potentiels qu'elle ne l'est en réalité. Par ailleurs, si la valeur liquidative garantie est indépendante de la valeur liquidative du fonds et n'est pas affectée par les frais de gestion autrement que, ainsi qu'il vient d'être dit, au travers du calcul de ladite formule, les frais qui viennent en minoration de l'actif net du fonds et de la valeur liquidative affectent, en revanche, directement les investisseurs rachetant leurs parts en cours de vie, puisque ces investisseurs se heurtent alors à un niveau de valeur liquidative dégradée. Ainsi, le Conseil en conclut que l'invocation du caractère parcellaire ou erroné des informations relatives au frais de gestion applicable peut être utilement invoquée contre les fonds à formule litigieux.

Enfin, approuvant l’AMF en ce qui concerne les manquements reprochés à la SGP, le Conseil d’Etat estime que, tout en maintenant l'avertissement qui lui a été signifié, il convient de ramener la sanction pécuniaire à un montant de 20 millions d'euros.

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