La lettre juridique n°784 du 23 mai 2019 : Éditorial

[A la une] Publication de la loi «PACTE» au Journal officiel

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par Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances

le 24 Mai 2019

Le Conseil constitutionnel [1] a validé fin mai l’intégralité des grandes mesures contenues dans la loi «PACTE» (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK).

Cette décision des Sages vient conclure un travail de deux ans pour élaborer, affiner et valider ce texte majeur pour notre économie et pour les Français. Il est le fruit de consultations partout en France d’entrepreneurs, de salariés, d’associations, de fédérations professionnelles. Ils nous ont fait des propositions, que nous avons soumises au vote des Français.

 

Les grandes orientations de la loi répondent ainsi à trois préoccupations majeures exprimées aussi bien par nos entreprises que par nos concitoyens : efficacité, justice et clarification.

La loi «PACTE» est d’abord un texte d’efficacité. L’efficacité consiste à lever tous les obstacles qui freinent aujourd’hui la croissance et le développement de nos entreprises.

 

Le constat est unanime : nos entreprises sont encore trop petites. La France compte 5 800 entreprises de taille intermédiaire quand elles sont 12 500 en Allemagne. Nos PME font face à des blocages à toutes les étapes de leur développement, qu’ils soient administratifs, financiers, techniques ou culturels. Leur accumulation empêche nos entreprises de se développer, d’être compétitives, d’exporter, de créer les emplois et d’apporter la prospérité dont les Français ont besoin. Ces blocages devaient être levés.

 

Le premier blocage à la croissance des entreprises est bien connu : ce sont les seuils sociaux et fiscaux. Avant la loi «PACTE», on comptait 49 niveaux de seuils, 199 obligations, 4 modes de calculs et aucun délai d’adaptation aux nouvelles règles. Ces niveaux vont maintenant être ramenés au nombre de trois : 11, 50, 250. Notre texte supprime notamment le seuil de 20 salariés, à l’exception des obligations liées aux travailleurs handicapés. Le mode de calcul est par ailleurs unifié et nous instaurons un délai d’adaptation de 5 ans.

Les seuils ne sont cependant pas le seul obstacle à la croissance des entreprises : des barrières existent à toutes les étapes de leur vie. Les créateurs d’entreprises se perdent dans des démarches administratives trop lourdes. La transmission est également trop complexe, alors que près de la moitié des patrons de PME ont plus de 60 ans. Nous avons donc apporté des simplifications majeures à la création, en créant une plateforme unique pour la création d’entreprises, au financement, en développant le PEA-PME, ou à la transmission en assouplissant le «pacte Dutreil».

Enfin, la croissance de nos entreprises repose sur leur capacité d’innovation. Nous donnons donc à toutes les entreprises les moyens d’innover et les cadres adéquats pour expérimenter. Nous avons développé un cadre réglementaire pionnier pour les levées de fonds en jetons. Nous avons également établi de nouvelles règles pour renforcer les ponts entre la recherche publique et l’entreprise : un fonctionnaire-chercheur pourra maintenant dédier jusqu’à 50 % de son temps à l’entreprise pour laquelle il travaille ou pour l’entreprise qu’il a fondée. Surtout, il pourra désormais conserver les parts au capital de son entreprise. 

 

La loi «PACTE» est aussi un texte de justice. 

 

La première demande de justice est que le travail paye. Les salariés doivent être mieux associés à la réussite de leurs entreprises et pouvoir récolter les fruits de leurs succès. C’est tout le sens de la suppression du forfait social dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, que nous avons votée dans le cadre du «PLFSS» [2]. Cette disposition trouve son prolongement dans les nombreuses mesures favorables au développement de l’épargne salariale et au partage de la valeur dans la loi «PACTE».

 

La loi «PACTE» redonnera également la voix aux salariés avec la modification de la composition du conseil d’administration. Les salariés auront davantage leur place, avec le développement de l’actionnariat salarié qui doit associer les salariés dans le capital de l’entreprise, avec l’incitation à la reprise d’entreprise par les salariés afin de poursuivre la vie d’une entreprise en difficulté.

 

Enfin, la justice demande de mieux protéger ceux qui travaillent et de lutter pour l’égalité femmes-hommes dans les revenus, les carrières et les responsabilités. La loi «PACTE» renforce ainsi la parité dans les procédures de recrutement des administrateurs. Elle remédie également à la faiblesse actuelle du statut de conjoint collaborateur pour les indépendants, qu’ils soient artisans, commerçants ou de professions libérales. Un quart des indépendants travaillent avec leur conjoint, à temps partiel ou à temps complet. Or près d’un tiers de ces conjoints, qui sont majoritairement des femmes, travaillent et ne sont pas protégés.

 

Enfin, la loi «PACTE» est un texte de clarification sur le rôle respectif des entreprises et de l’Etat dans la société et l’économie française.

 

Le rôle de l’entreprise ne peut plus se limiter à la création de profits. Le profit est une condition nécessaire mais désormais insuffisante du rôle de l’entreprise dans la société. L’entreprise participe à l’amélioration de la qualité de vie, à l’amélioration de notre environnement, à l’insertion dans la vie active des plus faibles. Elle peut donner à ceux qui sont en situation de handicap la possibilité de travailler et de développer leurs talents. Elle se bat pour l’égalité femmes-hommes et pour l’intégration. L’entreprise a un rôle social et une raison d’être qui dépasse le profit.

 

Il était donc nécessaire de le reconnaître en réécrivant les articles 1833 et 1835 du Code civil. En modifiant l’article 1833, nous avons consacré la notion jurisprudentielle d’intérêt social pour affirmer la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans l’activité d’une entreprise. L’article 1835, quant à lui, reconnait la possibilité pour les sociétés qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être dans leur statut. Ce n’est pas une obligation, ni une nouvelle contrainte, mais un choix qui consacrera les engagements pris par de nombreuses entreprises au titre de la responsabilité sociale et environnementale.

 

Le rôle de l’Etat mérite lui aussi d’être clarifié. Je suis convaincu que l’Etat a un rôle à jouer dans l’économie mais il doit être redéfini en profondeur. L’Etat a le mauvais rôle dans l’économie quand il exerce des activités commerciales en lieu et place d’un entrepreneur privé. En revanche, il a le bon rôle quand il fait respecter l’ordre public économique, quand il protège contre des investissements agressifs qui menacent notre souveraineté et quand il investit dans les technologies qui feront la croissance et les emplois de demain.

 

La privatisation du groupe Aéroports de Paris et de la Française des Jeux s’inscrit dans cette nouvelle doctrine de l’Etat actionnaire qui doit dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer l’innovation et le développement des technologies fondamentales pour le XXIème siècle : l’intelligence artificielle, le stockage de l’énergie ou les biotechnologies. La France manquait d’ambition technologique parce qu’elle manquait d’une stratégie claire pour l’Etat actionnaire. Cette stratégie est désormais définie dans la loi «PACTE». Elle se résume en une phrase simple : le rôle de l’Etat n’est pas d’immobiliser du capital dans des activités matures, mais d’investir pour financer les innovations de rupture.

Le texte voté définitivement le 11 avril 2019 et publié au Journal officiel le 23 mai 2019 doit maintenant être utilisé par tous. Nous devons faire la pédagogie des mesures de la loi «PACTE» pour qu’elles deviennent pleinement effectives et puissent ainsi produire rapidement des résultats pour les entreprises et les Français. Cet effort de pédagogie est un enjeu collectif : il devra être mené par les administrations, les associations, par les entreprises elles-mêmes mais aussi par les professionnels du droit, qui ont un rôle déterminant à jouer.

 

[1] Cons. const., décision n° 2019-781 DC, du 16 mai 2019 (N° Lexbase : A4734ZBX).

[2] Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, de financement de la Sécurité sociale pour 2019 (N° Lexbase : L5466LNR).

 

 

Sommaire de la revue Lexbase Affaires n° 595 du 23 mai 2019

Numéro Spécial Loi «PACTE»

 

Droit des affaires

[Textes] Santé des entreprises : les multiples dangers de la loi «PACTE»

Par Olivier Salustro, Président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris et président du collectif CAC en Mouvement

► Droit bancaire

[Textes] Loi «PACTE» : la réforme de la Caisse des dépôts et consignations

Par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

 

[Textes] Loi «PACTE» : abrogation de l’ordonnance du 1er juin 2017, relative aux clauses de domiciliation des revenus prévues dans les contrats de crédit immobilier

Par Nicolas Eréséo, Maître de conférences à l’Université de Strasbourg

► Droit commercial 

[Textes] Loi «PACTE» : la création et l’exercice de l’activité des entrepreneurs individuels «facilités»

Par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

► Droit financier

[Textes] La réglementation des initial coin offerings (ICO) en France par la loi «PACTE»

Par Hubert de Vauplane et Victor Charpiat, avocats, Kramer Levin LLP

► Droit des entreprises en difficulté

[Textes] La loi «PACTE» et le livre VI du Code de commerce

Par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice

► Droit de la propriété intellectuelle

[Textes] Loi «PACTE» et droits de propriété industrielle : vers un changement de paradigme ?

Par Yann Basire, Maître de conférences au CEIPI, Directeur de la section française du CEIPI

► Droit des sociétés

[Textes] Loi «PACTE» et droit des sociétés : RSE et raison d’être (art. 169), société à mission (art. 176) et contrat de partage de plus-value (art. 162)

Par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à l’Université d’Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés

 

[Textes] Loi «PACTE» : libéralisation des règles applicables aux actions et au capital

Par Gabriel Flandin, Avocat à la Cour, Willkie Farr & Gallagher LLP et Hugo Nocerino, Avocat à la Cour, Willkie Farr & Gallagher LLP

 

[Textes] Loi «PACTE» et gouvernance : brèves observations

Par Véronique Bruneau Bayard, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

Directeur scientifique :
Bernard Saintourens, 
Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Rédacteur en chef :
Vincent Téchené

 

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