La lettre juridique n°453 du 15 septembre 2011 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Septembre 2011

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N7636BSM

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le 15 Septembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts relatifs aux conséquences de l'absence de déclaration des créances dans le délai imparti par les textes. Ainsi, le Professeur Le Corre nous livre-t-il, d'abord, son analyse d'une décision de la Cour de cassation en date du 12 juillet 2011, appelée à la plus grande diffusion (arrêt P+B+R+I) dans laquelle sa Chambre commerciale énonce de la façon la plus nette que, sous l'empire des dispositions issues de la loi de sauvegarde non réformée (procédures ouvertes entre le 1er janvier 2006 et le 15 février 2009), la sanction de l'inopposabilité à la procédure collective de la créance non déclarée, qui "prive son titulaire des répartitions et dividendes, ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement". Ensuite, Emmanuelle Le Corre-Broly a choisi de revenir sur un autre arrêt de la Chambre commerciale du 12 juillet 2011, qui a trait au nouveau cas de relevé de forclusion que constitue l'omission volontaire, et plus précisément sur la question de la démonstration par le créancier du caractère volontaire de l'omission.
  • Le sort du cautionnement en l'absence de déclaration de créance sous l'empire de la loi de sauvegarde non réformée (Cass. com., 12 juillet 2011, n° 09-71.113, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0184HWQ)

L'une des règles les plus emblématiques de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR) posait en principe l'extinction de la créance non déclarée dans les délais. Rapidement, la question s'était posée de savoir si le cautionnement pouvait survivre à la disparition de la dette principale. Certains avaient répondu par l'affirmative en considérant que l'extinction de la créance était purement personnelle au débiteur, et non inhérente à la dette (1). De la sorte, se trouvait écartée l'une des règles essentielles du cautionnement : la règle de l'accessoire. La Cour de cassation n'a pas suivi l'analyse en posant l'équation fort connue de tous selon laquelle à créance principale éteinte correspondait un cautionnement éteint (2). Et l'on ne pouvait que souscrire à l'analyse : quoi de plus inhérent à la dette que son existence même (3) ?

L'une des innovations majeures de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150GHT) est d'avoir supprimé la règle de l'extinction de la créance non déclarée. Suivant en cela une doctrine nombreuse (4), la Cour de cassation a estimé, en statuant sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine, que la créance non déclarée était inopposable à la procédure collective (5). L'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), anticipant sur la solution qu'allait adopter la Cour de cassation, a elle-même considéré que la créance non déclarée était inopposable. Mais la rédaction du texte est doublement maladroite, en ce que, d'une part, la règle n'a été explicitement posée qu'en phase d'exécution des plans et, d'autre part, vise une chimérique inopposabilité au débiteur. La défectuosité incontestable du texte justifierait sans doute une retouche, afin que le législateur retraduise plus fidèlement sa pensée, qui a priori a été de prévoir une inopposabilité de la créance non déclarée le temps de la procédure, c'est-à-dire en période d'observation et en liquidation judiciaire, relayée par une interdiction des poursuites pendant l'exécution des plans et même après leur complète exécution.

Sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine, il faut observer le mutisme du législateur relativement à l'effet de l'absence de déclaration de créance régulière dans les délais, à l'égard des garants du débiteur.

Aucune difficulté ne peut se présenter si les garants ne sont pas accessoires, par exemple des codébiteurs ou des garants autonomes. Sous réserve des restrictions au droit de poursuite à l'encontre des personnes physiques, codébiteurs et garants autonomes, pendant la période d'observation, leur poursuite s'avère possible, indépendamment d'une déclaration de créance au passif du débiteur sous procédure collective.

Mais que décider pour des garants accessoires, telles les cautions ? Telle était la question posée à la Cour de cassation dans l'arrêt du 12 juillet 2011. Cette dernière y répond de la manière la plus nette, dans une décision appelée à la plus large publicité (P+B+I+R) : la sanction de l'inopposabilité à la procédure collective de la créance non déclarée, qui "prive son titulaire des répartitions et dividendes, ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement".

La solution avait déjà été clairement annoncée dans les travaux préparatoires de la loi de sauvegarde. La créance non déclarée régulièrement dans les délais n'étant plus éteinte, il sera possible de poursuivre la caution (6). La solution avait également été largement préconisée en doctrine, de sorte que l'affirmation de la Cour de cassation ne surprendra personne. Ainsi, le principe est-il clair : puisque la créance non déclarée est seulement inopposable à la procédure collective, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse être opposée à une caution, personne morale ou personne physique.

Cela ne signifie pas pour autant que la liberté des poursuites, par le créancier non déclarant, soit totale. Le créancier non déclarant n'aura pas plus de droits que le créancier qui a déclaré sa créance, voire qui a été admis au passif, pour poursuivre une caution personne physique. Or il importe de rappeler que le créancier ne peut, pendant la période d'observation, entamer ou poursuivre une action en paiement contre une caution personne physique. Faute de distinction du texte, qui serait au demeurant illogique, l'interdiction vaut que le créancier ait ou non déclaré sa créance. En revanche, pendant cette même période d'observation, le créancier est en droit de pratiquer des mesures conservatoires contre la caution personne physique. La mesure conservatoire pourra être convertie en mesure définitive, lorsque le créancier aura obtenu la condamnation du débiteur après la période d'observation. Aucune difficulté ne se présente si le débiteur a, à l'issue de la période d'observation, obtenu un plan de redressement ou a été placé en liquidation judiciaire. En revanche, une difficulté sérieuse se présente si le débiteur obtient un plan de sauvegarde : en effet, le garant bénéficie des dispositions du plan, et notamment des délais. Comment le créancier pourra-t-il faire condamner la caution, alors que la dette n'est pas exigible contre elle, du fait des délais du plan ? Tout au plus, la condamnation ne pourra porter que sur la fraction de la dette devenue exigible par l'écoulement du temps, après adoption du plan de sauvegarde, c'est-à-dire le ou les dividendes impayés du plan. En outre, avant même l'adoption du plan de sauvegarde, c'est-à-dire pendant la période d'observation de la sauvegarde, le juge de l'exécution, ou le président du tribunal de commerce en présence d'une créance commerciale, pourrait avoir quelques scrupules à autoriser de pratiquer une mesure conservatoire. La créance est-elle en péril alors que le débiteur principal n'est pas, par hypothèse, en état de cessation des paiements ? Ces problématiques n'avaient pas été aperçues au lendemain de la loi de sauvegarde. Elles deviennent aujourd'hui source de sérieuses interrogations.

Si, sous réserve des règles de protection applicables aux cautions personnes physiques, pendant la période d'observation, le principe demeure celui de la liberté de poursuite de la caution, en dépit de l'absence de déclaration régulière de la créance au passif, cela signifie-t-il, pour autant, que la caution soit totalement désarmée ? Ne peut-elle tenter d'opposer quelques arguments pour sa défense ?

La caution est en droit de bénéficier des dispositions de l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP ; anciennement C. civ., art. 2037 N° Lexbase : L2282AB7), qui prévoit une possibilité de décharge lorsque la subrogation de la caution aux droits préférentiels du créancier ne peut plus s'opérer par le fait de ce dernier. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que le créancier se trouve dans une situation différente de celle d'un simple créancier chirographaire, qu'il dispose, sinon d'une sûreté lui accordant un droit de préférence, du moins d'une garantie lui permettant d'obtenir plus sûrement son paiement que s'il était simple créancier chirographaire. Cette solution, que nous avions préconisée, a été adoptée par la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, qui juge que la décharge de la caution "ne se produit que si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation", ce qui n'est pas le cas lorsque les créanciers chirographaires, au rang desquels figure le créancier cautionné, n'avaient pas été réglés.

Sous l'empire de l'ordonnance du 18 décembre 2008, les solutions ne sont pas purement et simplement reconductibles.

Le projet d'ordonnance, y compris dans sa version avant passage en Conseil d'Etat, ne prévoyait pas de disposition relative au sort de la créance non déclarée dans les rapports du créancier et des garants. Le Conseil d'Etat a introduit dans l'ordonnance de réforme (ordonnance n° 2008-1345, art. 34), en insérant ainsi un alinéa 2 dans l'article L. 622-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L2534IEL), la précision selon laquelle "les créances non déclarées sont inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie".

Cette précision met clairement en échec l'interprétation qui avait été développée par la communauté des spécialistes du droit des entreprises en difficulté et du droit des sûretés, au lendemain de la loi de sauvegarde et qui est aujourd'hui celle de la Cour de cassation. L'inopposabilité de la créance à la procédure collective est strictement limitée aux rapports entre le créancier et le débiteur ou la procédure collective.

Désormais, l'article L. 622-26, alinéa 2, du Code de commerce prévoit que l'inopposabilité de la créance s'étend à toutes les personnes physiques codébiteurs ou ayant consenti une sûreté personnelle. Cette dernière formule vise les cautions, les garants autonomes, mais aussi les personnes ayant donné une promesse de porte-fort sûreté. Le législateur fait encore bénéficier de l'inopposabilité de la créance non déclarée les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Il s'agit donc, d'une part, de ce que l'on appelait par le passé les cautions réelles -affectation d'un bien à la garantie de la dette d'un autre- et, d'autre part, des constituants de fiducie-sûreté pour autrui -cession d'un bien en garantie-.

L'inopposabilité de la créance non déclarée ne concerne toutefois que les seuls garants personnes physiques. En conséquence, les solutions développées au lendemain de la loi de sauvegarde continueront à valoir pour les garants personnes morales, qui pourront donc être poursuivis.

L'inopposabilité de la créance non déclarée à l'égard des garants personnes physiques n'a, d'abord, pas besoin d'être posée pendant la période d'observation, du fait de l'interdiction de poursuivre ces personnes, en cette phase, tant en sauvegarde, qu'en redressement judiciaire.

Cette inopposabilité n'existe pas à l'égard des garants en cas de liquidation judiciaire du débiteur. Ils pourront donc, en cette phase, être poursuivis.

L'inopposabilité de la créance aux garants personnes physiques est, en revanche, expressément édictée pendant la période d'exécution du plan de sauvegarde (C. com., art. L. 622-26, al. 2 ; ordonnance n° 2008-1345, art. 34), mais non pendant celle d'exécution du plan de redressement (ordonnance n° 2008-1345, art. 80).

Toutefois, elle ne se prolonge pas après la complète exécution du plan de sauvegarde (C. com., art. L. 622-26, al. 2 ; ordonnance n° 2008-1345, art. 34), contrairement à la solution posée dans les rapports intéressant le créancier avec son débiteur (ordonnance n° 2008-1345, art. 80). Il sera donc possible de poursuivre un garant personne physique, même si le débiteur exécute correctement son plan de sauvegarde ou de redressement, sous réserve qu'après cette complète exécution, moment sans doute éloigné de l'ouverture de la procédure collective, le créancier n'ait pas encouru la prescription. La question est ici, à notre sens, autrement plus compliquée que lorsqu'il s'agit de raisonner sur les rapports entre le créancier et le débiteur, du fait d'interdictions du droit d'agir contre les garants personnes physiques, à certaines phases de la procédure collective.

Cette règle est sans aucun doute une disposition extrêmement incitative pour la sauvegarde, et conduit le débiteur à formuler le voeu d'erreur ou d'omission de la part des créanciers. La discrimination positive à l'égard de la sauvegarde apparaît ici d'une manière extrêmement patente. Elle conduit à traiter beaucoup plus durement des cautions dans la procédure de redressement judiciaire que des garants autonomes dans la procédure de sauvegarde. La finalisation du régime des garanties atteint ici son paroxysme, la règle de droit commun étant complètement déformée pour pénaliser le débiteur qui n'utilise pas la sauvegarde et avantager, au contraire, celui qui y a recours.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • La preuve de l'omission volontaire fondant le relevé de forclusion (Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-20.703, F-D N° Lexbase : A0476HWK)

Le créancier antérieur à l'ouverture de la procédure collective qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai qui lui est imparti tombe sous le coup de la forclusion. Sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985, une seule échappatoire était mise à sa disposition. Il pouvait être relevé de forclusion à condition de démontrer que sa défaillance à déclarer dans les délais n'était pas due à son fait. Cette démonstration était particulièrement difficile à rapporter, surtout lorsque le créancier était considéré comme "institutionnel". En effet, en tant que tel, il est censé se tenir parfaitement informé des ouvertures de procédures collectives par une lecture assidue du BODACC. La loi de sauvegarde des entreprises a ouvert une deuxième issue de secours aux créanciers retardataires. Ainsi, résulte-t-il des dispositions de l'article L. 622-26 du Code de commerce que les créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance dans le délai prévu à l'article L. 622-24 (N° Lexbase : L3455ICX) peuvent également être relevés de la forclusion encourue s'ils établissent que leur défaillance est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste de ses créanciers. Cette liste, réglementée par les articles L. 622-6, alinéa 2 (N° Lexbase : L8846INX), et R. 622-5 (N° Lexbase : L0877HZI) du Code de commerce, doit être remise dans les huit jours du jugement d'ouverture à l'administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire et déposée au greffe par le mandataire judiciaire (C. com., art. R. 622-5, al. 2) (7). En liquidation judiciaire, la liste est remise au liquidateur, qui la dépose au greffe (C. com., art. R. 641-14 N° Lexbase : L9326ICE). Le mandataire judiciaire ou le liquidateur, dans le délai de 15 jours à compter du jugement d'ouverture, avertit alors, par lettre simple (8), les créanciers connus -c'est-à-dire, en pratique, ceux figurant sur cette liste- d'avoir à lui déclarer leurs créances (C. com., art. R. 622-21, al. 1er N° Lexbase : L9260ICX).

Le nouveau cas de relevé de forclusion, que constitue l'omission volontaire, est autonome (9), de sorte qu'il peut désormais y avoir place à relevé de forclusion indépendamment de la question de savoir si la défaillance est ou non due au fait du créancier (10). Il reste que le créancier qui souhaite se prévaloir de cette omission volontaire supporte la charge de cette preuve. Or, la preuve qu'une omission est volontaire semble, a priori, malaisée à rapporter. Un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 12 juillet 2011 a trait, précisément, à cette question de la démonstration du caractère volontaire de l'omission.

En l'espèce, arguant du fait qu'il ne figurait pas sur la liste établie par le débiteur en application de l'article L. 622-6 du Code de commerce, un créancier retardataire avait présenté une demande en relevé de forclusion à laquelle les juges du fond avaient fait droit. Le débiteur s'était pourvu en cassation et reprochait à la cour d'appel d'avoir considéré que le défaut de mention dans la liste établie par le débiteur de la créance dont il connaissait parfaitement l'existence était nécessairement constitutif d'une omission volontaire justifiant le relevé de forclusion. Il était alors reproché aux juges du fond d'avoir ainsi édicté une présomption d'omission volontaire née de l'absence de déclaration d'une créance dans cette liste sans caractériser en quoi le débiteur se serait rendu coupable d'une omission frauduleuse. L'argumentation ne convainc pas la Chambre commerciale qui rejette le pourvoi en considérant qu'après avoir retenu qu'un jugement de condamnation avait été signifié au débiteur quelques jours avant l'établissement de la liste des créances, la cour d'appel avait "retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le débiteur ne pouvait ignorer l'existence de sa dette et qu'il a, de mauvaise foi, omis de la déclarer au mandataire judiciaire".

Deux points doivent être soulignés à la lecture de cet arrêt.

Premièrement, la démonstration du caractère volontaire de l'omission du débiteur est une question de fait et, partant, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (11).

Deuxièmement, le caractère volontaire de l'omission se caractérise par une abstention empreinte de mauvaise foi, la mauvaise foi se définissant comme un "comportement incorrect qui participe, à des degrés divers, de l'insincérité, voire de la déloyauté" (12). Il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à exiger une fraude de la part du débiteur, c'est-à-dire une "action révélant chez son auteur la volonté de nuire à autrui" (13) comme l'évoquait le pourvoi. Même si, a priori, il semble difficile d'apporter la démonstration du caractère volontaire d'une omission, cette démonstration pourra s'avérer plus aisée qu'il n'y paraît. En effet, puisque l'omission volontaire est un fait juridique (14), tout moyen permettra de l'établir, de sorte que tous éléments ou faisceaux d'indices convergents seront susceptibles d'emporter la conviction des juges du fond.

Devrait ainsi conduire au relevé de forclusion pour cause d'omission volontaire du créancier :
- le fait que le débiteur omette de la liste une créance d'un montant important (15) au regard de la constitution globale de son passif, celle de son principal fournisseur, celle de son unique banquier ou encore celle de son bailleur de locaux professionnels ;
- le fait, pour un débiteur personne physique, d'omettre la créance d'un prêteur immobilier ;
- le fait que le débiteur omette la créance des organismes sociaux auxquels il est affilié (16) ;
 le fait que le débiteur omette une créance pour laquelle il a été relancé -par quelque moyen que ce soit, dès lors que le créancier pourra en apporter la preuve-, quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective, et ce, même si le débiteur ne se reconnaît pas débiteur du créancier qui se présente à lui comme tel (17) ;
- le fait pour le débiteur d'avoir sollicité un moratoire auprès de son créancier peu de temps avant l'ouverture de la procédure ;
- le fait pour le dirigeant de l'entreprise débitrice d'omettre de la liste la créance pour laquelle il a été mis en demeure ou poursuivi en sa qualité de caution.

Il en est de même lorsque, comme en l'espèce, un jugement de condamnation a été rendu à l'encontre du débiteur, qu'au cours de l'instance ce dernier a sollicité des délais de paiement et que le jugement lui a été signifié quelques jours avant l'établissement de la liste.

Dans toutes ces hypothèses, il semble peu concevable qu'un débiteur qui n'est pas frappé de sénilité oublie de faire mention de la créance en question.

En définitive, l'omission volontaire pourrait être définie comme une omission dont il n'est pas concevable qu'elle ait pu exister si le débiteur avait établi la liste de ses créanciers avec le minimum de sérieux que l'on est en droit d'exiger de lui.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) F. Derrida, P. Godé. et J.-P. Sortais, avec la collab. d'A. Honorat, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, Dalloz, 3ème éd., 1991, n° 542.
(2) Cass. com., 17 juillet 1990, deux arrêts, n° 88-15.630, publié (N° Lexbase : A4359ACG) et n° 89-13.439, publié (N° Lexbase : A4168AGH), Bull. civ. IV, n° 214 ; Cass. com., 17 juillet 1990, n° 89-13.138, publié (N° Lexbase : A4515AC9) Bull. civ. IV, n° 215, Gaz. Pal., 1990, II, 678, note A. Piedelièvre, RD banc. et bourse, 1990, 246, obs. M. J. Campana et Calendini, JCP éd. E, 1991, II, 101, note G. Amlon, RTDCom., 1990, 642, n° 2, obs. A. Martin-Serf, D., 1990, 494, note A. Honorat, Rev. proc. coll., 1991, 110, n° 2, obs. Ph. Delebecque, D., 1991, somm. 12, obs. F. Derrida ; Cass. com., 23 octobre 1990, n° 88-19.257, publié (N° Lexbase : A4141AGH), Bull. civ. IV, n° 244 ; Cass. com., 30 mars 1993, n° 91-15.351, publié (N° Lexbase : A5728ABR), Bull. civ. IV, n° 124 ; Cass. com., 6 juillet 1993, n° 90-21.443, inédit (N° Lexbase : A6333CNU), Rev. huissiers, 1994, 93, note D. Vidal ; Cass. com., 12 juillet 1994, n° 92-14.483, publié (N° Lexbase : A6955AB9), Bull. civ. IV, n° 260 ; Cass. com. 22 octobre 1996, n° 94-16.687, inédit (N° Lexbase : A7746CYK), Rev. sociétés, 1997, 596, note P. Didier ; Cass. civ. 1, 7 octobre 1998, n° 96-18.093, publié (N° Lexbase : A8646AHP) Bull. civ. I, n° 283, Rev. proc. coll., 2000, 56, n° 4, obs. E. Kerckhove ; Cass. com., 10 décembre 2002, n° 01-02.486, inédit (N° Lexbase : A4186A4S), Rev. proc. coll., 2003, p. 331, n° 12, obs. Ch. Léguevaques ; Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-12.570, F-D (N° Lexbase : A6766DPB) ; CA Paris, 15ème ch., sect. B, 15 novembre 2007, n° 06/01968 (N° Lexbase : A8437DZI).
(3) Sur l'affirmation, v. ainsi, CA Paris, 5ème ch., sect. A, 18 mai 2005, n° 2003/19003 (N° Lexbase : A4775DIP).
(4) Réf. cit. in P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 6ème éd., 2012/2013, à paraître octobre 2011, n° 665.75.
(5) Cass. com., 3 novembre 2010, n° 09-70.312, FS-P+B (N° Lexbase : A5651GDN), D., 2010, AJ 2645, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal. éd. sp. Droit des entreprises en difficulté 7 et 8 janv. 2011, n° 7 et 8, note E. Le Corre-Broly ; JCP éd. E, 2011, chron. 1030, n° 10, obs. M. Cabrillac ; Rev. Sociétés, 2011, p. 194, note crit. Ph. Roussel Galle ; Gaz. Pal., 25 et 26 février 2011, p. 45, note S. Reifegerste ; nos obs in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Novembre 2010, Lexbase Hebdo n° 228 du 18 novembre 2010 - édition affaires (N° Lexbase : N5745BQT).
(6) Rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 221.
(7) Ce texte est applicable en redressement judiciaire (C. com., art. R. 631-18 N° Lexbase : L9325ICD, anciennement décret du 28 décembre 2005, art. 187 N° Lexbase : L3297HET).
(8) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 7 avril 2006, n° 05/12965 (N° Lexbase : A1942DQY) ; J.-CL. COM., J. Vallansan, fasc. 2352, [Déclaration et admission des créances], éd. 2007, n° 137. L'avertissement par courrier recommandé est en revanche imposé pour l'avertissement des créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou d'un contrat publié (C. com, art. R. 622-21, al. 3 N° Lexbase : L9260ICX).
(9) V. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 665.53 ; rapport J.-J. Hyest, no 335, préc., p. 53 et p. 218 ; A. Lienhard, Procédures collectives, 4ème éd., Delmas, 2011, n° 1109 ; J.-CL. COM., J. Vallansan, fasc. 2352, [Déclaration et admission des créances], éd. 2007, n° 136 et n° 158. V. sol. impl., CA Paris, 3ème ch., sect. B, 8 novembre 2007, n° 07/02567 (N° Lexbase : A5520D3T), RTDCom., 2008, 194, n° 2, obs. A. Martin-Serf.
(10) Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-13.511, F-D (N° Lexbase : A8238ETB), Gaz. Pal. éd. spéc. Droit des entreprises en difficulté, 2 et 3 juillet 2010, n° 183 et 184, p. 34, nos obs ; RTDCom.. 2010, 606, n° 1, obs. A. Martin-Serf.
(11) V. égal., Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-13.511, F-D, préc. et les obs. préc..
(12) Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème éd., v° "mauvaise foi".
(13) Ibid., v° " fraude ".
(14) Sur ce point V. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 665.53.
(15) Dans une espèce où la créance était importante et ancienne : Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-13.511, F-D, préc. et les obs. préc..
(16) Pour une application, Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-13.511, F-D, préc. et les obs. préc..
(17) Cass. com., 12 janvier 2010, n° 09-12.133, F-P+B (N° Lexbase : A3121EQN), D., 2010, AJ 264, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2010/5, n° 69, note O. Staes ; RTDCom., 2010, 606, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; Defrénois, 2010, chron. 39138, p. 1480, note D. Gibirila ; nos obs.in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Février 2010, Lexbase Hebdo n° 383 du 18 février 2010 - édition privée (N° Lexbase : N2390BNT).

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