La lettre juridique n°447 du 7 juillet 2011 : Marchés publics

[Doctrine] Le juge administratif français et le principe européen de non discrimination entres signatures électroniques et signatures manuscrites

Réf. : TA Toulouse, 9 mars 2011, n° 1100792 (N° Lexbase : A7114HP8)

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par Colette de Marguerye, avocat au barreau de Paris et médiateur, société d'avocat Marguerye

le 08 Juillet 2011

Dans une ordonnance rendue le 9 mars 2011, le tribunal administratif de Toulouse a dit pour droit que la signature de fichiers "zip", qui permettent l'archivage et la compression des données, ne peut être assimilée aux documents en nombre variable que ces fichiers peuvent contenir. Cette signature ne peut donc pallier l'absence de signature électronique des documents figurant dans ces fichiers. Le fait que les documents aient été signés sur le support papier, et scannés avant leur transmission électronique, est sans incidence sur le bien-fondé de la constatation par le pouvoir adjudicateur de leur absence de signature sous forme électronique. Parmi les points techniques et juridiques posés par l'affaire, la présente étude s'attache plus particulièrement à l'"irrégularité" retenue par le juge tenant aux règles de la signature, notamment de la signature électronique, mais aussi aux règles de la transmission du dossier de candidature par voie électronique, en l'occurrence par fichiers "zip" lors de la passation d'un contrat par voie électronique.
I - Les faits de l'espèce

Le CNRS, établissement public administratif à caractère scientifique et technologique, lance le 20 octobre 2010 une procédure d'appel d'offres ouvert pour "assistance à gestion de projets". Une société de conseils en "organisation et en systèmes d'information" spécialisée en pilotages de projets répond dans les délais par voie électronique, soit avant le 2 décembre 2010. Par courrier du 9 décembre, le CNRS, après ouverture des plis, rejette l'offre comme "irrégulière" pour "défaut de signature de chacune des pièces de la candidature et de l'offre pour lesquelles cela était requis", se fondant sur l'article 4-2-3 du Règlement de consultation (1), ainsi que sur l'article 1316-4 du Code civil (N° Lexbase : L0630ANN) (2).

Le 14 décembre 2010, le candidat conteste la décision du CNRS, affirmant que "les documents papiers ont été signés et scannés et les enveloppes zippées, pour optimiser les volumes d'envoi, ont été signées par clé numérique". Le 22 décembre 2010, le CNRS maintient sa position. Il s'appuie sur l'article 56-II du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2773ICP) autorisant le pouvoir adjudicateur à imposer la transmission des documents du candidat par voie électronique, et rendant celle-ci obligatoire pour les achats de services informatiques d'un montant supérieur à 90 000 euros HT. Le CNRS, citant un chat de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Economie, compare : "signer le fichier 'zip' est comme sceller une enveloppe papier : cela peut être utile pour en garantir l'intégrité, mais le cachet sur l'enveloppe ne remplace pas la signature des documents qu'elle contient... scanner des signatures manuscrites ne donne pas valeur d'original au document scanné".

Le CNRS s'appuie aussi sur l'arrêté du 28 août 2006 (N° Lexbase : L6698HKB), d'application de l'article 48-1 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2698ICW), disposant que, lors des procédures de passation dématérialisée des marchés publics, les candidatures et actes d'engagement sont signés par signature électronique qui garantit, notamment, l'identification du candidat.

II - La décision du tribunal administratif

Par ordonnance du 9 mars 2011, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir rappelé les pouvoirs du juge des référés, s'appuie sur un raisonnement rigoureux pour rejeter la requête de la société.

1 - Après avoir rappelé ses pouvoirs lorsqu'il est saisi durant la période pré-contractuelle de passation de contrats de marchés publics, le juge toulousain, visant l'article L. 551-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1601IEZ) relatif aux obligations du pouvoir adjudicateur de surseoir à la signature finale du contrat jusqu'à ce que le juge ait statué, en déduit que la demande de la société est irrecevable. Ainsi, la question de la garantie de l'égalité de traitement des entreprises répondant à appel d'offres selon une procédure de passation de contrat dématérialisée ne reçoit pas de réponse dans cette espèce.

Cette question mérite, cependant, d'être examinée par les magistrats de l'ordre administratif qu'il s'agisse des moments des échanges signés et transmis qui précèdent l'accord final éventuel, ou de l'examen des différentes fonctions de la signature, et des objectifs de développement des échanges fixés par la Directive (CE) 1999/93 du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques (N° Lexbase : L0093AWD).

Enfin, l'on peut penser que les magistrats auront à se prononcer sur leur devoir d'appréciation et d'évaluation des irrégularités lors de la passation des contrats de marchés publics par signature électronique sécurisée, à l'instar des magistrats de l'ordre judiciaire qui examineront les conditions de passation des contrats commerciaux de même nature dans le secteur privé.

Malheureusement, le lecteur reste sur sa faim : certes, le juge rappelle les articles L. 551-1 (N° Lexbase : L1591IEN) à L. 551-4 du Code de justice administrative aux termes desquels "il incombe au juge des référé précontractuels de rechercher si, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, les manquements allégués aux obligations de publicité et de mise en concurrence sont susceptibles de léser la société requérante ou risquent, fût-ce de manière indirecte, de la léser en favorisant une autre entreprise".

Toutefois, ce rôle, comme le rappelle la jurisprudence, a une finalité et une fonction :

- le juge a un devoir d'appréciation du manquement par le pouvoir adjudicateur à ses obligations de mise en concurrence "eu égard à la portée desdites obligations et au stade de la procédure auquel il se rapporte", étant précisé qu'il s'agit d'un "contrôle de pleine juridiction", le juge n'ayant pas à "rechercher si les irrégularités ont, en fait, porté préjudice à la société demanderesse" ;

- il évalue aussi l'irrégularité conformément à sa mission de contrôle de pleine juridiction, notamment en matière de signature, comme dans cette affaire où "le défaut de signature antérieure à la soumission au marché constitue une irrégularité substantielle dès lors qu'il n'y a pas été remédié avant la date limite du dépôt des offres par le gérant, ou par un mandataire dûment habilité" (3).

Il y a fort à parier que le juge administratif, statuant sur les conditions de passation de procédure dématérialisée, se devra d'apprécier les manquements et d'évaluer le caractère des irrégularités substantielles ou "bénignes". Apparemment, le juge a entendu, malgré son pouvoir de contrôle de pleine juridiction, examiner les circonstances du rejet de l'offre invoquées comme motif par le CNRS, en ayant davantage pour objectif d'apprécier la sécurité des échanges dématérialisés qu'en se fixant sur la question de savoir si l'irrégularité était substantielle, plus particulièrement au stade de la procédure où il entendait la relever.

2 - Le juge a donc examiné l'irrégularité due aux circonstances de la procédure dématérialisée relevant une absence de signature électronique de chacune des pièces de la candidature, ainsi qu'une absence de signature électronique de l'offre. Le raisonnement du juge est d'une logique implacable :

a) depuis le 1er janvier 2010, les documents du candidat répondant à un appel d'offres d'un montant supérieur à 90 000 euros HT sont transmis par voie électronique ;

b) les candidatures et actes d'engagement transmis par voie électronique sont revêtus d'une signature sécurisée par certificat électronique ;

c) la transmission électronique implique la signature électronique de la candidature et de l'acte d'engagement ;

d) le dernier point est repris par le règlement de la consultation de l'appel d'offres, ce qui n'est pas contraire à l'article 1316-4 du Code civil, et n'interdit donc pas au CNRS d'exiger une signature de document sous forme électronique ;

e) la signature des fichiers de transmission "zip" ne peut pallier l'absence de signature électronique de chaque document.

f) enfin, la signature manuscrite de l'acte d'engagement sur support papier puis scannée avant transmission électronique ne saurait suffire pour répondre aux exigences de signature électronique requises.

C'est ainsi que le juge, par un raccourci logique mais, à notre sens, critiquable, et après appréciation essentiellement technique, conclut que le rejet de l'offre du candidat pour "irrégularité" par le pouvoir adjudicateur n'est pas contraire aux obligations de ce dernier en matière de publicité et de mise en concurrence. L'on peut penser que cette décision, qui qualifie l'irrégularité, est considérée comme substantielle.

III - L'apport du droit commun de la signature électronique au développement économique

Il s'agit d'aboutir à une transmission répondant aux exigences du lien "SE/ICS/DNA/MUDD" ("Signature Electronique/ Identification et Contrôle de celle-ci par le Signataire/ Données Non Altérables/ Modification Ultérieure des Données Détectable").

1 - La Directive européenne du 13 décembre 1999, afin de sécuriser les échanges sur internet, s'est fixée pour tâche de faciliter les signatures électroniques en contribuant à leur reconnaissance juridique, d'instituer des services de certification, de définir les critères de la signature électronique, et de poser le principe de non-discrimination entre la signature électronique et manuscrite (art. 5). L'article 2 de la Directive, distinguant la "signature électronique" de la "signature électronique avancée", fait ressortir la notion de lien, consubstantielle au monde électronique et à ses exigences. La signature doit donc être liée uniquement au signataire, permettre de l'identifier, être sous son contrôle exclusif, et être liée aux données auxquelles elle se rapporte, de sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable. Ce moyen technique de signature est fondé sur des systèmes de cryptage : une signature électronique se signe au moyen d'une clé de chiffrement, dite "privée" sous contrôle de celui qui l'utilise. La "clé publique", copie restreinte de la clé privée, qui fonctionne par paire avec la clé privée, permet de déchiffrer le message de l'expéditeur, de garantir l'authentification de l'expéditeur, ainsi que la non-altération du message.

Le champ d'application de la Directive est très large. Il est prévu que les prestataires de services de certification (PSC) décrits dans la Directive pourront fournir aussi d'autres services : horodatage, archivage, services de publications, de consultations, etc.. Grâce à l'Europe, le législateur français qui hésitait à libéraliser l'usage de la communication électronique pour les échanges sécurisés, sensible aux applications de cryptologie, relevait le 17 mars 1999, la taille des clés de cryptage de 40 bits à 128 bits, ceci afin de garantir la confidentialité des messages.

2 - La loi de transposition française du 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique (loi n° 2000-230 N° Lexbase : L0274AIY) fût votée à l'unanimité au Sénat le 8 février 2000 et adoptée sans modification à l'Assemblée nationale le 29 février 2000. Codifiée au sein du Code civil, il s'agit d'un texte fondateur destiné à assurer un cadre sécure aux transactions. Après avoir redéfini la preuve littérale (C. civ., art. 1316 N° Lexbase : L1427ABH), le législateur admet, ainsi, la force probante de l'écrit électronique et lui confère une force probante de "même force" que l'écrit sur support papier (C. civ., art. 1316-1 et 1316-3 N° Lexbase : L0629ANM).

Deux conditions sont exigées par le législateur pour atteindre la même force probante : une possibilité d'identification de celui dont émane l'acte écrit, et une conservation dans des conditions pouvant en garantir l'intégrité. L'on peut rappeler que les trois fonctions de la signature, à savoir l'identification, l'adhésion du signataire au contenu, et la garantie de l'intégrité du document signé, doivent être respectées dans le monde numérique :

a) l'identification certaine par signature numérique repose sur un système de clés asymétrique. S'il s'agit d'une signature électronique, elle a aussi pour finalité de régir des relations sur des réseaux ouverts par l'intermédiaire desquels les parties nouent des relations contractuelles ;

b) la signature électronique exprime le consentement du signataire et établit le lien entre celui-ci et le contenu du document ;

c) quant au maintien de l'intégrité d'un document signé de manière manuscrite, il est assuré par l'absence de rature ou de correction sur le document signé. Le maintien de l'intégrité est assuré par la fonction dite de "hachage irréversible". Cette fonction va appliquer au document une opération mathématique de manière à produire un condensé numérique du message. Ce résumé est codé à l'aide de la clé privée : le résultat est alors numérique. Cette signature est envoyée en accompagnement du fichier principal au destinataire. A la réception, la signature sera lue à l'aide de la "clé publique" qui lui correspond. En appliquant l'opération mathématique inverse, la fonction de hachage reconstitue le fichier condensé, qui pourra être comparé au fichier principal. Dès lors, toutes atteintes à son intégrité seront décelables.

Le mécanisme de transmission par fichier "zip" a pour fonction : l'assemblage de documents en vue d'une transmission combinant en un seul objet binaire les documents assemblés et la sécurité lors de la transmission de l'intégrité de leurs contenus ; la compression par paquets des documents à transmettre, le document principal renvoyant aux documents compactés et liés à celui ci, créant ainsi une application de compression "zip" (il restera à lier l'expéditeur du paquet de documents compactés par une signature électronique spécifique ajoutée aux documents signés et aux pièces jointes éventuelles) ; l'identification de l'expéditeur de nature à permettre au destinataire de détecter les altérations éventuelles non autorisées en cours de transmission.

IV - L'enjeu économique de la position du pouvoir adjudicateur en l'espèce

L'argument du CNRS pour rejeter l'offre après ouverture des plis est relatif à la signature du fichier de transmission "zip" : le fichier "zip" contenant les documents, dont l'acte d'engagement, est "attaché à l'enveloppe et non au contenu". Le CNRS semble retenir un parallélisme des formes, puisqu'il indique dans son argumentation que, "dans une procédure dématérialisée [doivent être signés] électroniquement tous les documents qui doivent recueillir une signature manuscrite dans une procédure papier. La signature électronique doit être apposée directement sur chaque fichier constituant un document à signer". Il pose une exigence technique ajoutant à celles du législateur. Selon cette exigence supplémentaire à celle de la loi, chaque document doit être signé selon la voie électronique. Ceci a des conséquences juridiques essentielles.

Le CNRS met, ainsi, en question la valeur de la signature manuscrite de l'acte d'engagement inclus dans l'enveloppe présentée par voie dématérialisée. Pourtant, l'acte d'engagement a été signé et scanné. Cette signature est, selon la loi, valable en soi. Certes, l'acte d'engagement ne comporte pas de certificat électronique dédié, mais, selon la loi, il est valablement signé. En droit pur, reste donc à examiner les conditions dans lesquelles l'acte d'engagement, document essentiel du dossier de candidature, sera transmis. Il importe, en effet, que l'acte d'engagement reste un document intègre et ne subisse pas d'altération lors de la transmission, ceci afin que la validité de sa signature puisse être contrôlée.

Les exigences du CNRS ont, a priori, pour effet de rompre l'égalité de principe des candidats mis en concurrence, égalité voulue par le législateur, gardien des règles visant à éviter des dommages à l'économie, et d'ignorer le principe de non-discrimination des signatures manuscrites et électroniques voulu par le législateur européen. Ainsi, le contrôle du juge s'impose pour plusieurs motifs : soit le pouvoir adjudicateur est privé d'une candidature, soit le candidat est privé d'une chance d'emporter le marché, soit le marché est faussé, ou encore un dommage à l'économie peut en résulter. La société concernée, qui avait un "intérêt manifeste", comme le relève le juge, à conclure le marché, engageait un référé pré-contractuel, invoquant les règles de publicité et de mise en concurrence que doivent respecter les acheteurs publics.

D'autres développements sont nécessaires, notamment au regard du droit des contrats passés sous forme électronique, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé. Comme l'écrit Roland Richer "par leur objet, les marchés publics sont semblables aux contrats que concluent entre eux les particuliers. Il s'agit, en effet, de contrats par lesquels l'administration se procure des fournitures ou des services et fait réaliser des travaux moyennant un prix. Ces contrats sont identiques aux contrats de vente, de location de service du droit privé". Doivent aussi être pris en compte la volonté affirmée par le législateur européen de susciter la confiance des opérateurs économiques et des pouvoirs adjudicateurs dans le développement exponentiel de l'économie numérique (Directive européenne du 13 décembre 1999, précitée) et la mission du juge des référés pré-contractuel, à travers l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3).

V - La question de la transmission des documents et de la candidature

L'absence de signature électronique de chaque pièce et de l'offre parvenue avant l'ouverture des plis dans le cadre de la procédure dématérialisée nuit-elle à la sécurité de la signature, est-elle contraire au droit qui affirme l'égalité de force probante des signatures manuscrite et juridique ? Si oui, cette irrégularité était-elle de nature à exempter le pouvoir adjudicateur de ses obligations de mise ne concurrence à l'égard de la société candidate ou le pouvoir adjudicateur devait-il demander au candidat de remédier à l'irrégularité supposée ?

Bien que le tribunal, dans sa décision, fasse référence au Code civil, il se fonde principalement sur les textes du Code des marchés publics tant sur l'exigence de signature que sur les conditions de transmission des offres. L'article 11 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7083IGG) affirme que l'acte d'engagement, pièce constitutive du dossier, doit être signé par le candidat puis par le pouvoir adjudicateur. Quant aux modalités de la transmission des offres par voie électronique, l'article 11 prévoit qu'il sera précisé par un arrêté du ministre de l'Economie. L'article 48 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2698ICW) précise que "les offres sont transmises en une seule fois". L'article 56 du même code (N° Lexbase : L2773ICP) réaffirme pour le pouvoir adjudicateur, dans les cas où la transmission électronique des offres est obligatoire, une obligation d'assurer la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'Economie. Quant aux dispositions des articles 5 à 7 de l'arrêté du 28 août 2006, pris en application du point I des articles 48 et 56 du même code, elles ne traitent pas du mode de transmission par voie électronique des candidatures et actes d'engagement, signés au moyen d'un certificat de signature électronique conforme au référentiel intersectoriel de sécurité, mais de la signature.

S'agissant des appels d'offres ouverts, les articles 57 (N° Lexbase : L7061IEA) à 59 du Code des marchés publics reprennent les garanties de confidentialité et de sécurité. Par ailleurs, il est indiqué que l'ouverture des plis n'est pas publique mais qu'avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats de compléter leur dossier de l'enveloppe de candidature. L'article 56-IV du même code, s'il traite des garanties que le pouvoir adjudicateur doit aux candidats, ne traite pas du mode de transmission électronique des offres.

Autrement dit, si la fonction de la signature est prévue par les textes du Code des marchés publics, les conditions de la transmission garantissant le lien entre la signature et la sécurité de sa transmission ne sont pas traitées par les textes. Dans un louable mais inutile souci de sécurité, le règlement de consultation du CNRS exige une signature électronique de chaque document transmis. Ce souci résulte d'une comparaison entre la sécurité de transmission d'une enveloppe contenant des documents papier et d'une enveloppe "zip" qui mérite d'être reprise :

a) dans le cas où l'on transmet une lettre recommandée avec avis de réception "papier" contenant des documents non signés, falsifiés ou sans documents, il ne sera pas possible au destinataire de prouver que les documents supposés envoyés précisément dans cette enveloppe ne correspondent pas aux documents censés s'y trouver. Il restera avec son accusé de réception, certes, mais le lien entre la réception et le contenu de l'envoi n'est pas sécurisé et n'est pas prouvable ;

b) si l'on transmet une enveloppe "zip" ne contenant pas de documents ou contenant des documents différents ou non signés, la situation sera différente. La transmission "zip" fonctionne paire par paire, ce qui garantit l'intégrité des données : compression et décompression ne sont possibles que si les deux clés de compression et de décompression fonctionnent ensemble et sont compatibles. En l'espèce, la signature manuscrite est incorporée au document puisque le document et la signature sont "liés logiquement". Le fichier "zip" serait donc rejeté par la clé de compression au cas où les documents inclus y seraient falsifiés ou non signés.

L'on ne saurait donc exciper du caractère distinct du fichier "zip" et des documents qu'il contient pour en déduire que la signature peut ne pas être identifiable. Ainsi, au cas où la signature manuscrite sous l'acte d'engagement transmise par le "zip" émanerait d'un tiers non autorisé à signer, ceci serait inévitablement prouvable.

Le transfert de fichier "zip" garantit l'intégrité des données transmises. Compression et décompression ne sont possibles que si les deux clés fonctionnent ensemble et sont compatibles. Le fichier "zip" aurait été rejeté par la clé de compression au cas où la signature manuscrite incorporée au document joint n'aurait pas rempli les fonctions que le droit assigne à la signature électronique transmise dans les conditions du fonctionnement par paire. En effet, le document et la signature sont liés logiquement. Comme le note le tribunal, ajouter à l'article 1316-4 du Code civil n'est certes pas interdit.

Toutefois, ajouter aux conditions établies par le droit européen, codifiées dans le droit commun semble inutile quand bien même ce souci de sécurité à 100 % est de nature à rassurer le pouvoir adjudicateur et à influencer le juge de façon fort compréhensible. Oublier les circonstances dans lesquelles la réforme de 2000 a été mise en application semble constituer une barrière dangereuse à un développent économique non seulement souhaité et voulu par le législateur européen. Ce dernier a clairement exprimé sa volonté d'établir la confiance dans l'établissement de contrats dans le monde numérique, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé.

Ajouter au droit positif, ne serait-ce pas aller à l'encontre de l'objectif du législateur ? Il serait dommage que les juges à l'avenir se penchent davantage sur les questions de sécurité, et recherchent un "100 % sécurité" lorsqu'ils examinent les conditions de passation des contrats dans le monde numérique.

Cabinet Marguerye e-legal.fr


(1) L'article 4-2-3 du règlement de consultation énonce que "la signature électronique des candidatures et des offres se fera via l'utilisation de certificats électroniques valides [...] les catégories de certificats de signature reconnues par la plateforme sont celles qui sont reconnues par le référentiel intersectoriel de sécurité et par la liste publiée à l'adresse suivante : www.telecom.gouv.fr
L'attention des candidats est attirée sur le fait que des certificats de signature devront être utilisés à deux étapes de la procédure de dépôt :
- 1)
Lors de la signature des documents : [...] Ce certificat devra être utilisé pour signer numériquement chacun des documents pour lesquels cela est requis [...] Cette signature est l'équivalent dématérialisé de la signature manuscrite [...] sur des documents papier.
- 2)
Lors du dépôt du dossier de candidature : le certificat, utilisé pour chiffrer le dossier sur la plateforme, devra seulement répondre aux impératifs des deux premiers alinéas du présent paragraphe [...] Ce chiffrement est l'équivalent dématérialisé du scellement d'une enveloppe contenant une offre physique. Pour pouvoir faire une réponse électronique, l'opérateur doit s'assurer de répondre aux pré-requis techniques de la plateforme.
- 3)
La notification de l'accord-cadre se fera par voie papier. Pour ce faire, l'acte d'engagement sera rematérialisé par le CNRS et sera transmis à l'attributaire pour signature.
(2) L'article 1316-4 du Code civil énonce que "la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte [...] lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat".
(3) CE, Sect., 3 octobre 2008, n° 305420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5971EAE) ; CE 2° et 7° s-s-r., 20 mai 2009, n° 318871, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1829EH9) ; CE 2° et 7° s-s-r., 28 avril 2006, n° 286443, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2025DPP) ; CE 7° et 5° s-s-r., 16 octobre 2000, n° 213958, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1398B8B) ; CE, 10 décembre 1993, n° 124529, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1536AN9).

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