Le Quotidien du 18 juillet 2018 : Construction

[Brèves] Responsabilité contractuelle des constructeurs : caractérisation de la faute dolosive

Réf. : Cass. civ. 3, 12 juillet 2018, n° 17-19.701, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7967XXD)

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par June Perot

le 18 Juillet 2018

► Ne constitue pas une faute dolosive du constructeur, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, la circonstance qu’il a commis une erreur de conception de l’ouvrage en utilisant du béton armé de mauvaise qualité et inadapté et en fournissant des plans d’armatures non-conformes conduisant à un important déficit de ferraillage du béton armé. Telle est la solution d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 12 juillet 2018 (Cass. civ. 3, 12 juillet 2018, n° 17-19.701, FS-P+B+I N° Lexbase : A7967XXD).

 

Dans cette affaire, une chambre de commerce et d’industrie avait fait édifier, en qualité de promoteur, un groupe d’immeubles, qu’elle a vendu par lots en l’état futur d’achèvement. Le syndicat des copropriétaires a autorisé des travaux dans un local commercial lui appartenant et situé au rez-de-chaussée d’un des bâtiments. Des travaux entraînant la suppression de toutes les cloisons intérieures du local réaménagé ont été réalisés. Des fissures étant apparues par la suite, le syndicat a, après expertise, assigné la chambre de commerce et d’industrie et la société qui était bureau d’études techniques lors de la construction de l’immeuble, qui a mis en cause la société chargée du contrôle technique. L’assureur de la chambre de commerce est intervenu volontairement à l’instance.

 

En cause d’appel, la société constituant le bureau d’études techniques (BET) a été condamnée à indemniser le syndicat, au motif que le professionnel avait commis une faute lourde tellement grave qu’elle devait être qualifiée de dolosive.

 

Cette solution ne convainc pas la Haute juridiction qui censure l’arrêt en énonçant la solution précitée.

 

La troisième chambre civile estime, de manière constante, que le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles (v. Cass. civ. 3, 5 janvier 2017, n° 15-22.772, FS-P+B N° Lexbase : A4806S3E, Cass. civ. 3, 27 juin 2001, n° 99-21.017 N° Lexbase : A7017C8E, Cass. civ. 3, 27 mars 2013, n° 12-13.840, FS-P+B N° Lexbase : A2686KB4). Dans un arrêt du 8 septembre 2009, elle offrait une conception relativement souple de la notion de dol puisque, concernant l’installation d’une cheminée dans une maison à ossature bois, réalisée dans des circonstances «calamiteuses» et incorrectes, elle a retenu que le constructeur n’ayant pas pris les précautions élémentaires dans toute construction de cheminée, avait commis, de manière délibérée, une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle (Cass. civ. 3, 8 septembre 2009, n° 08-17.336, F-P+B N° Lexbase : A8977EKP). Invoquant cette notion de «précautions élémentaires», elle est toutefois revenue en 2017, à une appréciation plus stricte de cette faute dolosive. Elle a en effet estimé, s’agissant de travaux de gros œuvres sous-traités, que ne constituait pas une faute dolosive du constructeur de nature à engager sa responsabilité contractuelle, la circonstance qu'il n'a pas pris les précautions élémentaires pour surveiller l'exécution des travaux qu'il a sous-traités (Cass. civ. 3, 5 janvier 2017, n° 15-22.772, FS-P+B, préc.).

 

Dans son arrêt rendu le 12 juillet 2018, la troisième chambre civile censure la cour d’appel qui, pour retenir une faute dolosive, avait relevé, notamment, les éléments suivants :

 

- défauts majeurs sur le plancher ;

- caractéristiques techniques du béton faibles, proches de la valeur minimale imposée ;

- plans d’armatures non-conformes entraînant un déficit en armature de 83 % ;

- qualité du béton à la limite de l’acceptable (selon les dires de l’expert) ; 

- ampleur «considérable» du déficit de ferraillage du béton armé.

 

Tous ces éléments n’ont pas, selon la Cour, suffi à caractériser une faute dolosive de la part du constructeur (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E4478ETZ).

 

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