La lettre juridique n°724 du 21 décembre 2017 : Ohada

[Doctrine] La compétence extracommunautaire des tribunaux judiciaires OHADA (première partie)

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N1545BXI

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par Bahoken Valeri Lesmont, Chargé de cours à l'Université de Douala-Cameroun

le 21 Décembre 2017

La réaction du juge judiciaire OHADA n'est pas la même selon que le litige, dont il est saisi, est interne à l'ordre juridique communautaire ou alors, présente des points de contact avec l'étranger. Lorsque le litige comprend un élément d'extranéité, il soulève la question de la compétence extracommunautaire des tribunaux judiciaires OHADA. Cette compétence est directe et parfois indirecte. Elle est directe lorsqu'il s'agit pour le juge de créer un droit à partir des Actes uniformes OHADA et indirecte dès lors que ledit juge est appelé à mettre en oeuvre les voies d'exécution. Toutefois, dans cette seconde hypothèse, en ce qui concerne spécifiquement l'exequatur d'une décision régulièrement acquise à l'étranger, la préoccupation du juge communautaire sera essentiellement, la sauvegarde de l'ordre public international réellement OHADA. L'objectif affirmé des seize Etats signataires du traité de Port-Louis du 17 octobre 1993, relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, tel que révisé à Québec le 17 octobre 2008 (N° Lexbase : L3251LGI) (1), était de favoriser, à travers des règles uniformes, sur les matières qui s'y rapportent, l'émergence d'un "pôle économique" entre les Etats-parties (2). En fait, à partir d'un cadre institutionnel (3) et législatif (4) supranational, l'on met en place un espace économique intégré. Comme l'avait pertinemment relevé le Professeur Paul-Gérard Pougoué, avec l'OHADA, "on ne part plus de l'espace économique intégré pour induire quelques principes juridiques communs, on cherche l'intégration juridique pour faciliter les échanges et les investissements et garantir la sécurité juridique des activités des entreprises" (5).

Or, personne ne peut remettre en cause aujourd'hui, l'influence de l'Ecole du droit libre sur la construction juridique contemporaine. Cette Ecole, qui prend le contre-pied du normativisme juridique (6), nous enseigne en effet que le droit est le produit des forces sociales, il est l'oeuvre de la société et non de l'Etat. Ainsi, le législateur ou le juge ne fait qu'une interprétation des réalités sociales pour établir des normes. Pour cette Ecole, "le droit est ainsi rattaché directement à la société, et non plus à l'Etat. La prétention d'un monopole de l'Etat pour engendrer et constater le droit est inadmissible, car le droit vient spontanément des forces profondes de la société"(7). Les "sources réelles" du droit au regard de ce courant de pensée, remontent donc aux réalités sociales, et les "sources formelles", n'en sont que le produit.

Loin de rentrer dans la contradiction de cette pensée, on remarquera, toutefois, que le monde est devenu un village planétaire. En effet, "l'économie contemporaine est dominée par le concept de mondialisation" (8). Les progrès technologiques ont transformé l'humanité, bref, "la techné en tant qu'effort humain dépasse les fins pragmatiquement limitées des temps antérieurs" (9). Cette réalité sociologique, antérieure à l'OHADA, a fortement influencé son avènement. Par l'effet de la mondialisation, les échanges internationaux et extracommunautaires se sont accentués. Les hommes nouent des relations d'affaires à travers les frontières. Les entreprises, établies dans des pays distincts, passent des contrats de plus en plus importants et ceci, avec les techniques les plus modernes. Pour ces derniers d'ailleurs, ces relations transfrontalières qu'ils établissent bien au-delà de l'espace OHADA, semblent être à la fois la condition de leur survie et de leur expansion. Les règles adoptées par le législateur OHADA (10) doivent donc prendre en compte ces considérations qui vont bien au-delà du droit communautaire (11).

Cette exigence est d'autant plus importante que l'accroissement des échanges internationaux ne va pas sans conflits. En effet, au-delà des conflits de lois dans l'espace, la question des conflits de juridiction peut se poser.

S'agissant des conflits de lois dans l'espace (12), on peut imaginer qu'un contrat commercial conclu entre une entreprise d'un Etat membre de l'OHADA et une entreprise étrangère, soulève des questions liées à la loi applicable, c'est-à-dire que la règle matérielle de l'OHADA entre en concurrence avec une loi étrangère. Le contentieux peut porter sur la forme du contrat ou encore dans le fond. Des règles de répartition de la compétence législative, d'origines légales, jurisprudentielles voire conventionnelles ont été élaborées afin de résoudre ledit conflit (13). En effet, si dans le cadre communautaire, les Etats-parties ont cherché à instaurer des règles de fond, directement applicables et insusceptibles, en principe, de générer les conflits de lois, afin de sécuriser au maximum l'activité économique (14), il n'en demeure pas moins qu'au plan extra-communautaire, ces règles peuvent être mises en concurrence avec d'autres dispositions législatives. Le juge saisi, sera donc amené à choisir la loi la plus apte à régir le rapport de droit considéré.

La multiplication des échanges extracommunautaires peut aussi générer des conflits de juridictions. A la différence des conflits de lois, il ne s'agira plus ici de choix de la loi applicable, mais bien, cette fois, de compétence judiciaire internationale, pour le cas du juge chargé de l'application des Actes uniformes OHADA, susceptible d'être saisi de compétence judiciaire extracommunautaire, à cause de l'élément d'extranéité dont est revêtu le rapport de droit.

La différence entre les conflits de lois et les conflits de juridictions est traditionnelle. Alors que les premiers "sont normalement résolus dans un pays donné au moyen de règles de répartition attribuant la situation à une loi interne donnée" (15), les seconds répondent à la question de savoir, dans quelles circonstances une personne physique ou morale de droit privé, dans un litige international, qui entend faire prévaloir ses droits, peut saisir les tribunaux d'un pays donné, d'un ordre judiciaire spécifique. Bien plus, en matière de conflits de juridiction, les règles qui sont affectées pour résoudre ledit conflit sont matérielles et directes, alors que les règles de répartition sont indirectes et par principe, empreintes de neutralité car ce sont des instruments de désignation de la loi applicable (16). Les matières qui concernent les conflits de juridiction sont la compétence internationale des tribunaux nationaux, la procédure qui y est applicable et l'effet dans le for des jugements étrangers.

En réalité, les questions de conflits de juridictions sont importantes dès lors qu'il n'y a pas, du moins en droit privé, de juridiction supranationale appelée à connaître de tous les litiges qui en relèvent. Au même moment, l'accès au juge, qui se présente comme un droit fondamental, impose que toute personne qui estime que ses droits ont été lésés, puisse accéder à un tribunal pour que celui-ci statue sur sa prétention, que la question soulevée soit interne ou revêtue d'un élément étranger pour le juge saisi.

Les juridictions qui relèvent de l'ordre juridique OHADA peuvent ainsi être saisies même si le rapport juridique présente des points de contact avec l'étranger. D'où la question de savoir : quelles sont les circonstances qui peuvent amener les tribunaux chargés d'appliquer le droit OHADA à se reconnaître compétents lorsque la situation juridique qui leur est soumise est revêtue d'un élément d'extranéité ? Cette interrogation s'annonce pleine d'intérêt, à double titre.

En premier lieu, il convient de rappeler qu'à travers l'uniformisation du droit, l'OHADA a créé un véritable ordre juridique. Or, "l'ordre juridique est à la fois, un ordre normatif et un ordre judiciaire" (17). L'ordre normatif est constitué de toutes les dispositions du droit OHADA (Actes uniformes, Traité, Règlements, etc.), lesquelles appellent des juges pour leur application aussitôt qu'elles sont invoquées. L'ordre judiciaire est composé de l'ensemble des juridictions chargé de l'application des desdits Actes avec à sa tête, la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA). Par conséquent, l'expression "tribunaux judiciaires OHADA" est relative à l'ensemble des juridictions qui ressortissent de cet ordre, de ce système judiciaire en marge de l'arbitrage OHADA. Ces juridictions appartiennent aux Etats-parties et sont placées sous le contrôle de la CCJA. C'est donc une organisation judiciaire bien définie, revêtue d'un objectif précis qui est celui de l'application des Actes uniformes dans tout contentieux y relatif et comprenant des juridictions d'instance et d'appel des Etats-parties avec au sommet, la CCJA qui est en réalité, la "Cour suprême commune" (18) sur le plan communautaire.

En effet, au sein de ces Etats, il n'y pas de juridictions spécialisées pour l'application du droit OHADA. Ce sont les juridictions nationales d'instances et d'appels qui se prononcent préalablement sur le litige concerné (19), la CCJA étant un troisième degré de juridiction (20). Outre les avis consultatifs qu'elle rend sur la sollicitation d'un Etat-partie, des juridictions d'instance ou d'appel et du Conseil des ministres, l'on sait qu'elle est saisie (21) dans le cadre d'un recours exercé contre une décision d'une juridiction d'appel, ou insusceptible d'appel rendue par une juridiction nationale (22) soit lorsque le litige soulève des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité (23), à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales ou encore, sur renvoi d'une juridiction nationale, statuant en cassation (24). Elle se prononce en fait et en droit en cas de recours ou de renvoi sus évoqué.

C'est une organisation pyramidale (25) avec au-bas de la pyramide, les juridictions de fond des Etats-parties, lesquelles sont obligées d'appliquer les Actes Uniformes à cause de leur supranationalité et leur effet direct et, au sommet, la CCJA qui veille à l'harmonie de la jurisprudence OHADA. Comme l'a résumé un auteur, il appartient au juge national d'assurer la protection juridique des justiciables en ce qui concerne l'applicabilité des Actes Uniformes, c'est à lui qu'est confiée la mission de veiller quotidiennement à la bonne application du droit communautaire alors qu'il revient au juge communautaire, "d'assurer l'appréciation de la validité et l'interprétation uniforme du droit communautaire" (26). La question concerne donc à la fois, la CCJA et les juridictions internes appelées à appliquer ce droit.

En second lieu, la question porte sur la vie internationale marquée, en ce qui concerne le monde des affaires, par des échanges transfrontaliers et extracommunautaires. La mise en place de l'OHADA avait pour but, entre autres, de répondre à ces échanges par des règles de droit simples, modernes et homogènes de manière à favoriser les investissements étrangers pour l'essor des économies des Etats-parties. Comme le relève un auteur, les gestions différenciées "de l'héritage commun avaient conduit à des décalages législatifs qui pouvaient brouiller la lisibilité des règles en vigueur dans la Région- surtout par des investisseurs potentiels d'origine lointaine, européenne ou américaine" (27), l'ordre juridique OHADA ne peut donc être refermé sur lui-même, sans portes. L'occasion nous est donc donnée de mesurer l'ouverture du juge judiciaire OHADA vers la société internationale, la compétence dudit juge dans les conflits extracommunautaires. A l'examen, on réalise que, face à cette typologie de litige, il existe une compétence directe du juge OHADA (I) à côté d'une compétence indirecte dominée par les voies d'exécution (II) (cf. sur la seconde partie N° Lexbase : N1546BXK).

I - La compétence directe des tribunaux judiciaires OHADA dans les litiges extracommunautaires

La compétence directe du juge OHADA dans les litiges extracommunautaires, renvoie aux situations dans lesquelles le juge communautaire est directement appelé à se prononcer en fait et en droit dans les litiges comportant des éléments étrangers à l'ordre juridique OHADA. C'est à dire que l'affaire soumise au juge présente un point de contact avec un pays tiers par rapport à l'OHADA. Les situations sont nombreuses, il peut s'agir du caractère extracommunautaire des parties dans un contrat commercial, d'un litige entre des sociétés immatriculées à l'étranger et n'ayant que des succursales dans l'espace OHADA, d'un bail à usage professionnel non écrit entre deux étrangers etc.. Deux conditions sont indissociables pour déterminer la compétence directe du juge OHADA, il s'agit du rattachement du litige à l'ordre judicaire OHADA (A) et l'application des Actes uniformes (B).

A - Le rattachement du litige à l'ordre judiciaire OHADA

En droit international privé, la compétence internationale est attribuée rationne loci, c'est-à-dire que l'affaire est soumise à une organisation judiciaire précise, à un groupe de juridiction donné. C'est quand cet ordre judiciaire a été désigné que le demandeur rentre dans le droit judiciaire privé interne et s'adresse à une juridiction précise en fonction des règles de compétence d'attribution ainsi prévues. Dans l'ordre international, la compétence judiciaire est d'abord géographique avant d'être matérielle. Le principe est donc la transposition dans l'ordre international, avec quelques adaptations, des règles de compétence territoriale interne (1.), à moins que le rapport juridique soit assorti d'une clause attributive de juridiction (2.).

1 - La transposition dans l'ordre international des règles de compétence territoriale interne

Dans l'arrêt "Pelassa", la Cour de cassation française a énoncé le "principe qui étend à l'ordre international les règles internes de compétence" (28) ainsi, chaque règle de compétence territoriale interne a donc vocation à être érigée en règle de compétence territoriale, ou à engendrer une telle règle, sous réserve des adaptations éventuellement rendues nécessaires par le fait que ces règles sont appelées à jouer lorsque le litige est international (29). Cette formule a été reprise par l'arrêt "Scheffel" : "la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne" (30). Les règles de compétences territoriales internes, transposées au plan international, forment le droit commun de la compétence judiciaire internationale en droit international privé.

Ce principe énoncé par la jurisprudence française, trouve son application à l 'ordre judiciaire OHADA, du moins, s'agissant de l'instance et de l'appel (31). Ainsi, cet ordre judiciaire pourrait être saisi, soit en fonction du litige, lorsque la succursale de la société est située dans un des Etats-parties (a) soit par des règles tirées du commerce international (b).

a - Le tribunal du lieu de situation de la succursale de la société

Selon l'article 13 de l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (N° Lexbase : L0647LG3), les statuts d'une société, doivent obligatoirement énoncer le siège social qui est, en réalité, le domicile de ladite personne morale (32). Ledit siège doit être fixé par les associés "soit au lieu du principal établissement de la société, soit à son centre de direction administrative et financière" (33). Il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique précise (34) aux fins d'exploitation par toute personne intéressée. En principe, c'est par référence au siège social que la société peut être légalement rattachée, les actes de procédure devraient ainsi être notifiés audit siège.

Cependant, un assouplissement au tribunal du siège social de la personne morale a été apporté par la jurisprudence des "gares principales" (35). Les sociétés peuvent être assignées au tribunal du lieu de leurs succursales.

La jurisprudence des "gares principales" n'est pas étrangère à l'ordre judiciaire OHADA. La CCJA en a fait illustration dans l'affaire "A. Denis et autres contre Compagnie multinationale Air Afrique et autres" (36). Pour la Cour : "Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la cour d'appel d'Abidjan a considéré que le tribunal d'Abidjan dans le ressort duquel se trouve l'un des sièges sociaux de la Multinationale Air Afrique, est bien compétent pour connaître de la procédure de cessation de paiement à elle présentée et ce, conformément à l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif [...]" qu'"aucune disposition tant du statut juridique que des statuts de la compagnie ne confère à celle-ci un caractère dérogatoire au droit commun des sociétés commerciales, le droit commun en la matière étant en Côte d'ivoire, le lieu du siège social, lieu du principal établissement" et constatant que "la compagnie Air Afrique n'était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible", a prononcé la liquidation des biens.

En fonction de la nature du litige, l'ordre judiciaire OHADA peut être compétent en vertu d'autres règles tirées du commerce international.

b - La règle actor sequitur forum rei

Outre, le lieu de situation de la succursale de la société, la compétence des tribunaux judiciaires OHADA peut découler de l'application du principe actor sequitur forum rei, ou encore en matière de vente internationale de marchandise, de la règle du lieu de livraison de la chose.

En droit judiciaire privé, la règle actor sequitur forum rei est l'une des règles ordinaires et traditionnelle de compétence territoriale. Elle signifie que "le demandeur doit porter son action devant le tribunal du défendeur". Elle existe en droit romain, en droit canonique et est consacrée par toutes les législations modernes. Ce principe revendique une universalité et une permanence incontestable. La doctrine relève que la règle comprend des intérêts à la fois théorique et pratique.

Sur le plan théorique, elle défend diverses présomptions notamment, la présomption selon laquelle personne ne doit rien à personne et la théorie des apparences. Il est donc normal que celui qui entend faire tomber ces présomptions, "soit tenu de faire cette preuve devant le tribunal du domicile de celui qui va défendre à son action et qui, jusqu'à preuve du contraire, est considéré comme opposant une contradiction justifiée à sa prétention" (37). Sur le plan pratique, la règle protègerait le débiteur contre "les demandeurs malhonnêtes" (38) lesquels porteraient leur action partout, même à des lieux très éloignés du débiteur afin de favoriser sa faillite.

Il convient, toutefois, de préciser que cette règle rencontre des applications marginales en droit OHADA compte tenu de la spécificité de la matière. En effet, le principe actor sequitur forum rei trouve sa pleine expansion, nonobstant quelques aménagements (39), en ce qui concerne le statut personnel. En ce sens d'ailleurs, le Code de procédure civile du Cameroun est assez clair : "En matière personnelle, le défendeur sera assigné devant le tribunal de son domicile [...]" ; le droit OHADA traitant des questions du statut réel et du statut des actes juridiques tous, en relation avec l'objet (40) et le domaine (41) du Traité OHADA.

Cependant, sur la base de ce principe, l'ordre judiciaire OHADA peut revendiquer sa compétence surtout à partir de l'Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution (N° Lexbase : L0546LGC). En effet, s'agissant de la procédure d'injonction de payer, l'article 3 dudit Acte uniforme dispose : "La demande est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l'un d'entre eux en cas de pluralité de débiteurs". La règle revient en matière de saisie-conservatoire lorsque le créancier est dépourvu de titre exécutoire : "Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur [...]".

Trouvant sa pleine application au statut personnel, la règle actor sequitur, occupe une place relativement importante en droit des affaires et notamment, s'agissant du domaine déjà uniformisé par le législateur OHADA. Dans les contrats internationaux, diverses règles peuvent fonder la compétence de l'ordre judiciaire OHADA.

c - Les autres règles de compétence des tribunaux judiciaires OHADA

Aux termes de l'article 27 de l'Acte uniforme OHADA relatif aux contrats de transport de marchandises par route (N° Lexbase : L1410LGC), "tout litige auquel donne lieu un transport inter-Etats, [...] le demandeur peut saisir les juridictions du pays sur le territoire duquel :

a) le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l'agence par l'intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu ;

b) la prise en charge de la marchandise a eu lieu ou les juridictions du pays sur le territoire duquel la livraison est prévue".

Le droit OHADA offre donc au demandeur une pluralité d'option en cas de transport de marchandise entre plusieurs Etats. Ces options vont du tribunal de la résidence habituelle du défendeur, du siège social, de la succursale de la société ou de l'agence intermédiaire avec laquelle le contrat de transport de marchandise par route a été conclu.

Il convient de relever que ces options offertes au demandeur sont plus importantes que dans certains droits nationaux à l'instar du droit français, lequel ne retient que la juridiction du lieu de livraison de la chose ou du lieu de la prestation de service (42). On peut remarquer que le droit OHADA innove en donnant l'opportunité au demandeur de porter l'affaire devant l'agence par l'intermédiaire de laquelle le contrat a été conclu. Ce droit OHADA est donc plus avantageux pour le demandeur car, même le tribunal du lieu de situation d'une simple agence, qui n'a ni personnalité juridique, ni une quelconque autonomie, peut être saisi par le demandeur.

En droit international privé, en matière de conflits de juridiction, le principe est donc la transposition dans l'ordre international des règles de compétence territoriale interne. Ainsi, en fonction du litige, le demandeur peut disposer de plusieurs options pour faire valoir ses prestations. Mais, dans la majorité des cas, notamment dans le commerce international, tout ceci est tributaire de l'absence dans le contrat d'une clause attributive de juridiction.

2 - La présence dans le contrat d'une clause attributive de juridiction

La clause attributive de juridiction est une manifestation du volontarisme juridique (43) dans le commerce international. Dérogeant aux règles ordinaires de compétence territoriale, elle exprime la liberté contractuelle, l'accord de volontés car elles permettent aux parties de choisir, par avance, le juge compétent appelé à connaître des litiges qui pourraient naître de leurs relations.

En effet, la clause attributive de juridiction est une disposition que les parties peuvent insérer au contrat, et par laquelle, ils conviennent de confier le règlement d'un litige éventuel survenu au cours de son exécution à une juridiction déterminée. Dans le cadre de notre étude, cette juridiction peut relever de l'ordre judiciaire OHADA. La jurisprudence souligne que pour être valable, la clause attributive de juridiction doit être autant licite que valable.

a - La licéité de la clause attributive de juridiction

Dans l'affaire "Cie des signaux et d'entreprises électriques c. société Sorelec" (44), la Cour de cassation française a posé le principe selon lequel, "les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites, lorsqu'il s'agit d'un litige international et que la clause ne fait pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française".

Pour la jurisprudence, la clause attributive de juridiction est licite si le litige présente un caractère international et si elle ne remet pas en cause la compétence territoriale exclusive d'une juridiction du for.

Le caractère international du litige traduit l'hypothèse dans laquelle le rapport juridique fait appel à des normes juridiques émanant de plusieurs Etats. En droit international privé, pour que la relation soit qualifiée comme telle, il suffit qu'elle soit subjectivement internationale "c'est-à-dire qu'elle présente à l'organe étatique saisie, un élément d'extranéité". (45) Tel était le cas en l'espèce, de ce contrat conclu entre deux sociétés françaises, devant s'exécuter en Lybie découlant du contrat de marchés de travaux conclu entre l'une des sociétés et l'organisme de marché public libyen. Pour qu'il soit international, le contrat doit mettre en exergue des lois appartenant aux systèmes juridiques différents.

Pour sa part, le caractère territorial et impératif d'une juridiction du for renvoie aux lois d'application immédiates encore appelées lois de police. Francescakis les définit comme des lois "dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique et sociale ou économique du pays" (46). Il s'agit concrètement d'un ensemble de règles substantielles internes "que le juge doit appliquer en principe immédiatement, avant tout raisonnement conflictuel" (47).

Ces deux conditions cumulatives sont essentielles pour la licéité de la clause attributive de juridiction, mais il faut encore que celle-ci soit valide.

b - La validité de la clause attributive de juridiction

Pour que la clause attributive de juridiction soit exécutoire, sa licéité n'est pas une condition suffisante. Elle doit être assortie de la validité. Cette dernière s'apprécie par la loi d'autonomie s'agissant des conditions de fond, et de la locus regit actum pour ce qui est des conditions de forme.

Les conditions de fond du contrat relèvent de la loi expressément ou implicitement choisie par les parties ; telle est la règle de conflit en matière d'acte juridique en droit international privé. Gounot aimait à dire, parlant du droit, "Que la volonté de l'individu soit faite" (48). L'acte juridique n'étant que la volonté productive d'effets juridiques, le juge même, doit l'interpréter selon l'intention des parties, en vérifiant entre autres, si le consentement était libre et intègre. Seule la volonté des parties doit donc prévaloir.

Cette réalité vaut aussi pour les contrats commerciaux internationaux et la jurisprudence est constante à cet effet : la loi applicable au contrat est celle que les parties ont adoptée, "cette manifestation peut être expresse, mais qu'elle peut s'induire des faits et circonstances de la cause ainsi que des termes du contrat" (49). En effet, à défaut de déclaration expresse des parties, il appartient au juge de fond de rechercher d'après l'économie du contrat et les circonstances de la cause, la loi voulue par les parties (50). En ce qui concerne la forme du contrat, la loi du lieu de conclusion de l'acte revêt un intérêt pratique. Effectivement, il est souhaitable que toute personne puisse, "là où elle se trouve, accomplir les formes extérieures requises pour la validité ou la preuve de l'acte" (51).

La clause attributive de juridiction est donc une prorogation conventionnelle de compétence qui permet aux parties sur la base d'un consentement librement exprimé, de déroger aux règles traditionnelles de compétence territoriale. Par cette clause, les parties peuvent décider de la saisine en cas de litige de l'ordre judiciaire OHADA, ou d'une juridiction spécifique de cette organisation judiciaire. Cependant, du fait de l'absence en droit interne de juridiction spécialisée pour l'application des Actes Uniformes, la clause attributive de juridiction, voire la désignation dudit ordre par les règles de compétence territoriale, doit être accompagnée de l'invocation des Actes uniformes précités.

B - L'invocation des Actes Uniformes au soutien des prétentions de l'une au moins des parties

Aux termes de l'article 13 du Traité OHADA : "le contentieux relatif à l'application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats-parties". Comme souligné en sus, les juridictions nationales de fond sont donc les juges de droit commun des Actes uniformes et la CCJA exerçant son rôle de cassation tout en gardant son droit d'évocation. Or, à cause de la non spécialisation des tribunaux internes des Etats, pour que la compétence directe des tribunaux OHADA soit réalisée, il faut que l'un des Actes uniformes soit invoqué par l'une des parties au soutien de sa prétention. Deux problématiques majeures peuvent ainsi voir le jour : le moment de l'invocation des Actes uniformes (1.) et le probable conflit en cas de pourvoi, entre la CCJA et la Cour suprême nationale concernée (2.).

1 - Le moment de l'invocation des Actes Uniforme OHADA

Dans un litige extracommunautaire, il ne suffit pas que l'ordre judiciaire OHADA, lequel par ailleurs, dans les droits internes des Etats n'est pas spécial, soit désigné pour que le droit OHADA s'applique. Il faut encore que la loi applicable au litige soit une disposition d'un Acte uniforme.

Traditionnellement, en droit international privé, il est admis que "la loi désignée comme devant régir le fond est en principe celle de l'Etat avec lequel la situation présente des liens étroits ou significatifs qu'aucune autre" (52). Cependant, le tribunal rendu compétent en vertu des règles sus évoquées, ne prétend pas nécessairement être celui "des liens les plus étroits", dans le cas contraire, il appliquera la loi étrangère désignée. Tel peut être le cas des tribunaux d'instance et d'appel de l'espace OHADA. Il y a donc une indispensable dissociation entre la compétence juridictionnelle et la compétence de fond.

Pour que le droit OHADA soit appliqué en dépit de la désignation des tribunaux de l'ordre OHADA, la CCJA précise qu'au moment de l'invocation de l'Acte uniforme concerné devant les juges de fond, il faut que celui-ci soit intégré dans l'ordre juridique interne du for. C'est une position désormais classique de la CCJA qui se réfère à la date de l'exploit introductive d'instance pour apprécier de l'applicabilité ou non de l'Acte uniforme invoqué. Cette position de la Haute juridiction s'est dégagée dès ses premières décisions et en des termes relativement précis (53). En vertu du principe de non rétroactivité, les litiges nés après l'entrée en vigueur des Actes uniformes et qui s'y rapportent, sont réglés par les juridictions nationales de fond sous le contrôle de la CCJA. Par contre, avant l'entrée en vigueur desdits Actes, ils sont tranchés par les juridictions nationales de fond sous le contrôle des cours suprêmes nationales (54).

L'Acte uniforme visé par l'une des parties au soutien de ses prétentions, doit donc être intégré dans l'ordre juridique du juge saisi. On voit bien en toute logique que l'exploit introductif d'instance auquel il est fait référence ici, renvoie à l'assignation, c'est-à-dire à l'acte de saisine du tribunal de première instance ou de grande instance. Si au moment de la saisine de l'une ou l'autre desdites juridictions, l'Acte uniforme en question n'était pas applicable dans le for, ledit Acte ne saurait retenir l'attention du juge sous peine de contrariété à son propre ordre juridique. Toute chose qui pourrait justifier la réformation de ladite décision par la cour d'appel et l'incompétence de la CCJA en cas de pourvoi ainsi formé.

Le moment de l'invocation des Actes uniformes OHADA est donc déterminant car, comme l'ont relevé certains auteurs, "le domaine matériel de l'OHADA, c'est-à-dire l'ensemble des matières juridiques susceptibles d'être régies par le droit uniforme semble être extensible à l'infini" (55). Il est donc nécessaire par conséquent, que les modalités et les délais de l'entrée en vigueur des Actes uniformes dans le territoire des Etats parties soient respectés (56). Cependant, au cours de son application, des conflits de juridictions peuvent naître entre la CCJA et les cours suprêmes nationales en cas de pourvoi.

2 - Le conflit entre la CCJA et les cours suprêmes nationales

Bien que le litige soit international, en cas de pourvoi, le conflit de juridiction peut naître entre la Cour suprême d'un Etat membre et la CCJA s'agissant d'un contentieux connexe, c'est-à-dire, mettant en exergue à la fois le droit interne et le droit OHADA.

Confrontée à cette question la Cour suprême du Niger par exemple, a reconnu sa compétente aux motifs que, dans ce cas, le renvoi de l'affaire à la CCJA, ne peut se justifier que "si l'application des Actes uniformes a été prépondérante pour la prise de la décision attaquée, et que le pourvoi est surtout basé sur ces Actes". Et, "qu'en l'espèce, le moyen mis en exergue est la violation de la procédure de référé, que la CCJA n'est exclusivement pas compétente que lorsque le pourvoi est basé uniquement sur l'application des Actes uniformes" (57). On note donc dans l'espace OHADA, des résistances des Cours suprêmes nationales et la Cour suprême du Niger, soulève un argument pour le moins curieux : le critère de prépondérance des Actes uniformes pouvant justifier son application dans un contentieux connexe (58).

Pour remédier à ce problème qu'un auteur a qualifié d'"insuffisance du critère légal de répartition des compétences entre la CCJA et les Cours suprêmes nationales" (59), plusieurs solutions ont été formulées par la doctrine. On peut retenir parmi celles-ci, l'instauration d'un mode de sélection des recours, fondé sur l'enjeu financier du litige. Ainsi, les affaires dont l'enjeu financier ne dépasse pas une certaine somme d'argent seraient portées aux juridictions nationales et les autres, celles dont l'enjeu financier est conséquent seraient réservées à la CCJA (60). L'instauration d'une procédure préjudicielle, par ce moyen, toutes les fois où une juridiction nationale ou une autorité nationale à caractère juridictionnel en particulier, lorsque cette juridiction statue en dernier ressort, est appelée à connaître des questions de droit régional, qu'elle sursoie à statuer et interroge la CCJA pour l'interprétation de ce droit (61). L'élargissement de la compétence de la CCJA (62), dans cette logique, cette dernière serait investie du pouvoir d'interpréter les règles juridiques supranationales connexes à l'OHADA dans un procès. La relecture des dispositions organisant la cassation devant la CCJA, qui passe par "une exploitation optimale du système en vigueur en particulier les articles 14 et suivants du traité OHADA" (63).

Toutefois, il y a lieu de s'interroger sur l'intérêt de toutes ces propositions dès lors que les dispositions du traité OHADA nous paraissent dépourvues de toutes ambigüités. En effet, le degré de précision desdites règles notamment sur les modalités de saisine de la CCJA, tend à proscrire toute interprétation susceptible de remettre en cause le caractère supranational et transnational du droit OHADA. Pour s'en convaincre, selon l'article 14 du Traité, La CCJA assure l'interprétation et l'application communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des Actes uniformes et des décisions. Ainsi, "saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'Appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité [...]". La formule est à la fois rigide et précise et concerne toutes les affaires qui soulèvent l'application des Actes uniformes y compris les affaires connexes. Il suffit simplement que l'un des Actes uniformes OHADA soit appelé à s'appliquer et la CCJA sera compétente en cas de pourvoi.

La supériorité de la CCJA sur les cours suprêmes nationales est exprimée dans les dispositions suivantes du Traité. En premier lieu, la saisine de la CCJA "suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée" (64). La procédure ne pourra reprendre qu'après déclaration d'incompétence de ladite Cour, laquelle "peut être soulevée d'office ou par toutes les parties in limine litis" (65). Rien n'interdit dans ce cas, que cette déclaration d'incompétence soit partielle, renvoyant le reste aux juridictions nationales. En second lieu, la CCJA peut être saisie a posteriori, par toute partie, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, rendue par une juridiction nationale statuant en cassation en méconnaissance de sa compétence. Dans ce cas, "si la Cour décide que cette juridiction s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue" (66).

Les affaires connexes n'échappent donc pas à la compétence de la CCJA, laquelle peut se déclarer incompétente sur des points qui ne relèvent pas de l'application des Actes uniformes, d'office ou sur demande de l'une des parties. Le conflit de juridiction entre la CCJA et les Cours suprêmes nationales se trouve donc difficilement justifié. Il semble résulter en réalité d'une "indiscipline" (67) des Cours suprêmes nationales, toute chose contraire aux objectifs d'unification du droit recherchés par l'OHADA. Or, comme le relevait certains auteurs, pour assurer "l'unité de jurisprudence" (68) dans l'ordre juridique OHADA, "cela suppose d'une part que l'on soit sensible à un minimum de courtoisie à l'égard de la CCJA découlant du caractère supranational du droit OHADA et de la nature quasi fédérale de cette haute juridiction, d'autre part qu'il y ait une parfaite collaboration entre les Cours suprêmes nationales et la CCJA. L'enjeu supérieur de l'harmonie du droit uniforme et de la sécurité des justiciables l'y invite" (69).

La compétence des tribunaux judiciaires OHADA dans un litige extracommunautaire n'est pas seulement directe. Parfois, dans cette typologie de litige, ces tribunaux peuvent être appelés à connaître d'un litige en cours à l'étranger ou déjà revêtue de l'autorité de chose jugée toujours à l'étranger sur des matières organisées par l'OHADA.


(1) Les seize Etats signataires sont les Républiques du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Centrafrique, des Comores, du Congo, de la Côte d'ivoire, du Gabon, de Guinée-Bissau, de Guinée-Conakry, Guinée Equatoriale, du Mali, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo.
(2) Traité OHADA, art. 1 : "Le présent traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels".
(3) Traité, art. 3 : "La réalisation des tâches prévues au présent traité est assurée par une organisation dénommée Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA).
L'OHADA comprend la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, le Conseil des ministres, la Cour Commune de justice et d'arbitrage et le Secrétariat permanent".
(4) V. Traité OHADA, art.10. Sur la portée abrogatoire des Actes uniformes, une abondante jurisprudence notamment, V., Avis n° 002/99/EP du 13 octobre 1999 sur demande de la République du Mali, Ohadata J.02.02 ; Avis n° 002/2000 EP du 26 avril 2000 sur demande de la République du Sénégal, Ohadata J.02-04 ; Avis n°1/2001/EP du 30 avril 2001 sur demande de la République de Côte d'ivoire, Ohadata J-02-04, Observations Joseph Issa-Sayegh et Sylvain Souop ; CCJA, 18 avril 2002, n° 012/2002, Ohadata J.02-65 ; CCJA, 26 décembre 2002 n° 21/2002, Ohadata J. 03-107. L'idée générale qui transparait de ces différentes jurisprudences est que, le droit interne des affaires de chaque Etat-partie se compose, d'une part des dispositions des Actes uniformes et d'autre part, de celles du droit interne ayant le même objet que ces Actes qui ont survécu. Sur le plan doctrinal, lire par exemple, Boukamani, Le juge interne et le droit OHADA, Penant, 2002, p. 146 et s.
(5) P.-G. Pougoue, OHADA, Instrument d'Intégration Juridique, RASJ, Vol.2, n° 2, 2001, p. 11.
(6) L'Ecole normative a pour Maître Hans Kelsen et l'idée de base ici, est que, "on ne peut constituer une science du droit, c'est-à-dire une théorie pure du droit qu'en faisant abstraction des éléments empruntés à des disciplines voisines, notamment des principes de la morale ou des postulats de la politique, éléments considérés comme 'métajuridiques'".(Pour d'amples éclaircissements sur ce courant de pensée, v. P. Roubier, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2005, p. 60 et s., spéc., p. 61).
(7) P. Roubier, Théorie générale du droit, op. cit., p. 79.
(8) P. Tiger, Le droit des Affaires en Afrique, PUF, 1999, p. 11.
(9) V. H. Jonas, Le principe de responsabilité, Paris, les éditions du cerf, 1990, p. 35.
(10) Il n'est pas superflu de rappeler que, sur le plan institutionnel, l'OHADA a fortement respecté le principe de la séparation des pouvoirs élaboré par John Locke et surtout par Montesquieu (Esprit des lois, livre XI, chap. 6). Le conseil des ministres assure le pouvoir législatif de cette institution, le Secrétariat permanent constitue le pouvoir exécutif et la Cour commune de justice et d'arbitrage le pouvoir judiciaire. En ce sens, lire par exemple, A.-M. Mdontsa épouse Foné, OHADA : de quelques innovations juridiques, RASJ, Vol.2, n° 2, 2001, p. 81 et s..
(11) Il convient de relever que la volonté intégrationniste en Afrique ne se manifeste pas seulement à travers l'OHADA. La volonté de créer des pôles économiques est visible par exemple à travers la CEDEAO et l'UEMOA en Afrique de l'Ouest, la CEMAC, CEEAC en Afrique Centrale, la SADC en Afrique Australe.
(12) Il y a conflit de lois "toutes les fois qu'une situation juridique pouvant se rattacher à plusieurs pays, il faut choisir, entre les lois de ces différents Etats, celle qui sera appelée à régir le rapport de droit considéré". Y. Loussouarn et P. Bourel, Droit international privé, Paris, Dalloz, 1980, p. 5.
(13) Sur les différentes règles de conflits de lois, V. par exemple, P. Mayer et V. Heuze, Droit international privé, Paris, Montchrestien, 10ème éd., 2010, pp. 119-120.
(14) Pour les pères fondateurs de l'OHADA, la confusion des textes en Afrique sur le domaine du droit affaires était source en réalité d'une insécurité juridique. Comme le résume si bien P. Tiger, op. cit., p. 20, "la sédimentation désordonnée des sources du droit, sans que l'on sache toujours laquelle est véritablement applicable, la confusion des textes et les conflits entre les textes, les incertitudes même sur le droit applicable, ce cumul de facteurs avait créé une insécurité juridique", il s'imposait donc des règles uniformes afin de sécuriser les rapports de droit relevant de l'activité économique. L'on relève toutefois que les conflits de lois n'ont pas disparu. Par exemple, rien qu'en ce qui concerne la capacité à exercer le commerce, précisément la minorité ou encore, les conditions d'émancipation, compétence est laissée aux différentes lois nationales.
(15) B. Audit, Droit international privé, 6ème éd., Economica, 2010, p.10.
(16) Sur la neutralité de la règle de conflit, V.par exemple, Y. Loussouarn, La règle de conflit est-elle une règle neutre ?, TCFDIP, 1980, 81, p. 43 et s ; V. L. Bahoken, La méthode bilatérale de règlement des conflits de lois à l'épreuve des droits fondamentaux, Thèse, Université de Toulouse, 2009, p. 55 et s.. Dans le cadre de l'OHADA, on peut constater que, de façon quasi-systématique, le législateur OHADA définit pour chaque Actes Uniforme des règles conflits de lois dès l'article 1er intitulé : "Champ d'application". Ainsi, par exemple, s'agissant de l'AUDCG, les principales règles de rattachement sont, l'établissement ou le siège social dans un des Etats-parties, en matière de contrat de transport de marchandise par route, les règles de rattachement sont principalement, "le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour sa livraison" lorsque lesdits lieux sont situés au moins sur le territoire d'un des Etats parties au traité et cela, quel que soit la nationalité ou le domicile des parties au contrat de transport.
(17) En ce sens, V. C. Ngono, Réflexions sur l'Espace judiciaire OHADA, Revue de l'ERSUMA, n° 6, 2016, p. 3.
(18) L'expression est empruntée à P.-G. Pougoue, OHADA, Instrument d'Intégration Juridique, op. cit., p. 24.
(19) Traité OHADA, art. 13.
(20) V. Traité, art. 14, al. 5 : "en cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond".
(21) Sur la compétence d'attribution de la CCJA, V. les articles 14 du Traité OHADA.
(22) V. par exemple : ordonnance n° 002/2000/CCJA du 26 avril 2000, RJCCJA, numéro spécial, janvier 2003, p. 78 ; Ohadata J-03-123 ; CCJA, 10 janvier 2002, n° 002/2002, RJCCJA, n° spécial, janv. 2003, p. 5 ; Ohadata J.02-24, en l'espèce, la Cour a statué en ces termes : "Attendu que l'examen des pièces du dossier de la procédure révèle que le jugement n°62 du 31 janvier 2001 du tribunal de commerce de Bamako, objet du présent pourvoi, est une décision rendue sur opposition à une ordonnance d'injonction de payer ; qu'en application de l'article 15 de l'Acte Uniforme susvisé, ledit jugement est susceptible d'appel dans les conditions du droit national du Mali ; que le jugement, dont pourvoi, n'étant donc ni une décision rendue par une juridiction d'appel malienne, ni une décision susceptible d'appel prononcée par toute autre juridiction malienne, c'est en violation des dispositions sus-énoncées de l'article 14 du Traité institutif de l'OHADA qu'il a fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant la Cour de céans ; que dès lors ledit pourvoi doit être déclaré irrecevable".
(23) V. par exemple : Ordonnance n° 002/2001/CCJA du 13 juin 2001, aff. "CNPS du Cameroun contre Sarl Pamol Plantations LTD", Ohadata J-03-125 ; Arrêt n° 019/2004 du 17 juin 2004, Aff. "Société Guinéenne d'Assurances Mutuelles dite SOGAM contre Société Nationale d'Assurances Mutuelles dite SONAM et autres" (RJCCJA n° 3, Janv.-juin 2004, p.34 et s.), Ohadata J-04-380.
(24) Traité, art. 15.
(25) En ce sens, V. C. Ngono, Article précité, p. 5.
(26) L. M. Ibriga, La juridictionnalisation des processus d'intégration en Afrique de l'Ouest : une hypothétique juridisation, Actes du Colloque sur les risques de conflits de normes et de juridictions entre l'OHADA et les organisations voisines, Lomé, octobre 2010, La documentation de l'OHADA, p. 22.
(27) P. Tiger, Le droit des Affaires en Afrique, op. cit., p. 9.
(28) Cass. civ. 1, 19 octobre 1959, n° 58-10.628 (N° Lexbase : A6656DP9), D., 1960, 37, note G. Holleaux.
(29) B. Audit, Droit international privé, Economica, 6ème éd., op. cit., n° 343, p. 305.
(30) Cass. civ. 1, 30 octobre1962, D., 1963, 109 note G. Holleaux, RC, 63.387, N. Francescakis, JDI, 63,1072 obs. Sialelli, GA, n° 37.
(31) Traité OHADA, art. 13 : "Le contentieux relatif à l'application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats -parties".
(32) Le domicile c'est lieu auquel la loi rattache la personne morale. Il a donc à la fois, un caractère de fixité et de permanence. Primordial dans l'ancien droit car, il traduisait le lien de rattachement, de sujétion d'une personne, la notion semble avoir perdu toute son importance au profit de la résidence habituelle ou d'habitation en matière de statut personnel. S'agissant des personnes morales, la flexibilité a été introduite avec la prise en compte en droit processuel, des succursales de la société.
(33) AUSCGIE, art. 24.
(34) AUSCGIE, art. 25.
(35) Cass. civ., 15 avril 1893, DP, 1894,1, 539 ; CA Caen, 4 novembre 1897, ibid, 1900, 2, 99 ; S., 1899, 2, 257, note Tissier, Bourges, 30 novembre 1903, S., 1904, 2, 108.
(36) CCJA, 8 janvier 2004, n° 004/2004 ([LXB=]), RJCCJA, janvier-juin 2004, p. 44 et s.
(37) S. Guinchard, F. Ferrand, Procédure civile, Paris, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 304, p. 333.
(38) Ibid.
(39) V. par exemple, C. pr. civ. français, art. 42 (N° Lexbase : L1198H47) : "La juridiction compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur [...]. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger".
(40) V. Traité OHADA, art. 1er.
(41) V. Traité OHADA, art. 2.
(42) C. pr. civ. français, art. 46 (N° Lexbase : L1210H4L) : "Le demandeur peut saisir de son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service". Pour la jurisprudence, le lieu de livraison effective de la chose est celui où la livraison est matériellement intervenue, à l'exécution de celui où elle aurait dû intervenir (Cass. com., 3 novembre 1998, Bull. civ. IV, n° 291 ; Cass. com., 14 juin 1994, Bull. civ. n° 221).
(43) Pour d'amples explications sur cette philosophie, V. par exemple, M. Villey, Leçons d'histoire de la philosophie du droit, Dalloz, 2002, p. 271 et s..
(44) Rev. crit. 1986, 537, note H. Gaudemet-Tallon, D., 1986, IR, 265, obs. B. Audit, GADIP, n° 72.
(45) P. Mayer, Droit international privé, Montchrestien, 2010, 10ème éd., p. 4.
(46) P. Francescakis, Trav. com. fr., DIP, 1966-1969.
(47) H. Kenfack, Droit du commerce international, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2005, p. 34. Sur la définition des lois de police, V. par exemple l'article 9 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit "Rome I") (N° Lexbase : L7493IAR), applicable à tous les pays de l'Union européenne à l'exception du Danemark : "une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent Règlement".
(48) E. Gounot, Le droit contractuel, écrit fouillée en 1885, cité par M. Villey, Leçons d'histoire de la philosophie du droit, op. cit., p. 277.
(49) Cass. civ., 5 décembre 1910, Rev. crit., 1911, 395, Clunet, 1912, 1156, S., 1911, 1, 129, GA, n° 11 ; Cass. civ., 21 juin 1950, Rev. crit., 1950, 609, note H. Battifol, D., 1951, 749, note J. Hamel, S., 1952, 1, 1, note J.-P. Niboyet, JCP, 1950, II, 5812, note J. Ph. Lévy, GA, n° 22. V. aussi pour d'amples explications sur ces arrêts, Ph. Mbida Balla, La volonté des parties et la détermination de la loi applicable aux contrats internationaux, Mémoire de Master II, Université de Douala, année académique, 2012-2013, p. 30 et s..
(50) En ce sens, V. "Société des Fourures Renel c. Allouche", Cass. civ. 1, 6 juillet 1959, Rev.crit., 1959, 708, note H. Batiffol, GA, n° 35.
(51) Y. Loussouarn, et P. Bourel, Droit international privé, Paris, Dalloz, 2ème éd., 1980, p. 468.
(52) B. Audit, Droit international privé, op. cit., p. 11.
(53) V., par exemple, CCJA, 11 octobre 2001, n° 003/2001 : "Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de la procédure que l'Acte Uniforme portant sur le Droit commercial général, entré en vigueur le 1er janvier 1998, n'avait pas intégré l'ordre juridique interne de la république du Mali à la date de la requête introductive d'instance, soit le 2 juillet 1997 et qu'il ne pouvait, de ce fait, être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l'application de l'Acte uniforme invoqué n'avait pu être formulé et présenté devant les juges de fond par le requérant ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l'article 14 susvisé, n'étant pas réunies, il y a lieu, nonobstant l'arrêt de la Cour Suprême du Mali qui ne lie pas la Cour commune de justice et d'arbitrage, de se déclarer incompétent". Dans le même sens, CCJA, 11 octobre 2001, n° 001 /2001, RCCJA, n° spécial, janvier 2003, pp. 13-14 ; CCJA, 26 février 2004, n° 009/2004, RCCJA n° 3, Janv-juin 2004, p. 19. Ohadata J-04-294, note M. Brou Kouakou ; CCJA, 17 juin 2004, n° 023, RJCCA, n° 3, Janvier-Juin 2004, p. 40 et s. Ohadata J-04-384.
(54) V., en ce sens P. S. Owona Levoa, La Cour commune de justice et d'arbitrage, in P.-G. Pougoué, (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 602, n° 48.
(55) P.-G. Pougoué, et Y. R. Kalieu Elongo, Introduction critique à l'OHADA, PUF, 2008, p. 68.
(56) On rappellera juste que, aux termes de l'article 9 du Traité OHADA : "Les Actes uniformes sont publiés au Journal officiel de l'OHADA par le Secrétariat Permanent dans les soixante jours suivant leur adoption. Ils sont applicables quatre-vingt-dix jours après cette publication, sauf modalités particulières d'entrée en vigueur prévues par les Actes uniformes".
(57) Cour suprême du Niger (chambre judiciaire), 16 août 2001, n° 01-158/C, Ohadata-j-02-28, obs. D. Abarchi ; sur cette affaire, V. A. Kanté, La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort en cas d'application des Actes Uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du 16 août 2001), Ohadata, D-02-29 ; P. Meyer, La sécurité juridique et judiciaire dans l'espace OHADA, Penant, n° 855, Ohadata.com, Ohadata D-06-50.
(58) Il est important de préciser que cette décision a été fortement critiquée par la doctrine. Sur l'ensemble de ces critiques, V. P. S. Owona Levoa, La Cour commune de justice et d'arbitrage", op. cit., p. 600, n° 41.
(59) V., J. Fometeu, Le clair-obscur de la répartition des compétences entre la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA et les Juridictions nationales de cassation, in A. Akam Akam, dir., Les mutations juridiques dans le système OHADA, L'Harmattan, 2009, p. 37.
(60) En ce sens, V., B. Diallo, L'OHADA : un exemple de convergences. Vaincre la résistance des juridictions suprêmes nationales les pistes possibles de réformes, Ohadata D-11-95.
(61) Ibid.
(62) Sur cette proposition, V., J. Issa Sayegh, La fonction juridictionnelle de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, Ohadata D-02-16.
(63) Sur cette proposition, V., J. Fometeu, op. cit., p. 64 et s.
(64) Traité OHADA, art.16.
(65) Traité OHADA, art. 15.
(66) V. Traité, art. 18.
(67) L'expression est empruntée à B. Arabit, Réflexion sur les problèmes de cohabitation entre la CCJA et les juridictions nationales de cassation, Revue de droit uniforme africain, n° 3, p. 82 ; Ohadata D-11-72, p. 3.
(68) V., Akam Akam, L'OHADA et l'intégration juridique en Afrique, in Akam Akam A (dir.), Les mutations juridiques dans le système OHADA, op. cit., p. 29.
(69) P.-G. Pougoué, et Y. R. Kalieu Elongo, Introduction critique à l'OHADA, op. cit., p. 166.

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