La responsabilité du fournisseur de crédit en cas de procédure collective de l'un des co-emprunteurs, telle que limitée par les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce (
N° Lexbase : L3503ICQ), n'exclut pas la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde à l'égard de l'autre co-débiteur non averti. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 27 juin 2017 (CA Poitiers, 27 juin 2017, n° 16/00999
N° Lexbase : A4349WLN).
La cour rappelle alors que, en droit, le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers l'emprunteur non-averti d'un devoir de mise en garde à raison des capacités financières de ce dernier et des risques d'endettement né de l'octroi du crédit. A cet égard, le banquier est tenu de se renseigner sur la situation des emprunteurs sur la base d'éléments objectifs, sans outrepasser son devoir de non-immixtion. Ce devoir de mise en garde n'existe toutefois qu'en présence d'un prêt inadapté aux capacités financières déclarées de l'emprunteur. En l'espèce, le caractère non averti du co-débiteur
in bonis qui, avant d'acheter le fonds de commerce de Bar-PMU avec son co-emprunteur, était salarié dans un élevage de canards, n'a jamais exercé de fonction de gérance et dont il n'est ni allégué, ni démontré qu'il aurait eu des connaissances particulières en matière de financement ou de gestion, est établi.
Mais, la banque a accordé les prêts litigieux au vu d'un budget prévisionnel établi par un cabinet spécialisé, ne présentant pas d'erreur apparente dont elle n'avait pas à remettre en cause le sérieux, et au regard duquel le montant prêté apparaissait adapté aux capacités financières prévisibles des emprunteurs. Par ailleurs, le fait que l'exploitation du fonds de commerce ait donné lieu à une perte importante dès les six premiers mois n'établit pas que ces difficultés résultaient d'un endettement excessif, celles-ci pouvant avoir de multiples causes notamment des circonstances liées au contexte économique et à l'exploitation du fonds. Enfin, il n'appartient pas au banquier, au delà de son devoir de mise en garde, de s'immiscer dans la gestion des affaires de son client. Il n'avait donc pas à rechercher si le prix de cession du fonds de commerce, financée par le prêt, était excessif ou non au regard du chiffre d'affaires réalisé par le cédant, ni à vérifier les données du budget prévisionnel, ni à conseiller cette dernière quant au choix du statut de conjoint collaborateur. En conséquence, le co-emprunteur
in bonis ne rapportant pas la preuve du caractère excessif de l'endettement souscrit et de l'existence de risques particuliers de l'opération, hormis l'aléa inhérent à toute création ou reprise d'entreprise, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde et la demande de dommages et intérêts doit être rejetée (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E2201AHY).
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